Il était une fouée

PubliÉ le Catégories : France, Plats et traditions. Tags : , .


Origine : France – Val de Loire

Type : Pâte, pain

Consommation : Tout au long du repas

 

A l’occasion de l’annonce et de la présentation de notre projet à mes parents, nous sommes allés déjeuner dans un restaurant de fouées, près de Saumur. Si je souhaite vous présenter cet aliment, c’est non seulement parce qu’il est à la fois insolite, simple et traditionnel, mais surtout parce qu’il a quelque chose de légendaire au sein de ma famille.

 

 

Fouées - photo 1

 

Mais tout d’abord, quelques repères historiques. La fouée est une tradition ancestrale en Touraine, que François Rabelais a immortalisée dans Gargantua, où le village de Lerné apparaît comme la patrie des « fouaciers », ceux qui fabriquent et vendent des fouaces. Rabelais décrit la fouace, ou fouée dans le Saumurois, comme une galette, faite de fine fleur de froment, non levée et cuite au four, dans ces vieux fours à pain creusés dans le tuffeau, caractéristiques de la région.

 

Selon la tradition populaire, les fouées étaient cuites avec les restes de pâte à pain, lors de veillées, une fois par semaine, en attendant que le four soit assez chaud pour la cuisson du pain. Cette tradition se serait perdue dans le courant du siècle passé… jusqu’à réapparaître dans les années 1970, en tout cas selon la légende familiale, dans le lieu dit de Bizay, commune d’Epieds, au Sud de Saumur.

 

 

En effet, ma grand-mère paternelle, originaire de cette région, avait pour habitude de venir passer chaque année quelques jours de vacances à Bizay chez son ami Marcel. Un jour, celui-ci décida de remettre en marche le four à pain de sa cave et de refaire des fouées, comme cela se faisait dans sa jeunesse. Alors, comme le voulait la tradition, toute la famille, les amis présents sur place et quelques voisins du village se sont retrouvés dans la cave, près du four, pour revivre une « veillée fouée ».

 

Le déroulement de la soirée est le suivant :

 

Fouées - photo 2

 

 

La pâte est préparée par Renée, l’épouse de Marcel, qui lui s’occupe d’« allumer » le four, faisant en sorte de créer en son cœur un foyer de braises rougeoyantes. Puis les convives arrivent de tout le village, l’un, vigneron, amenant quelques unes de ses bouteilles, d’autres les charcuteries, les fromages ou les divers accompagnements que l’on mangera avec les fouées. Chacun apporte quelque chose qui sera partagé pendant la soirée, et la bonne humeur est de rigueur. Tout le monde s’installe dans la petite cave, devant le four.Renée façonne alors la pâte en petites boules plates que Marcel dispose méticuleusement sur la pierre chaude du four. Sous l’effet de la chaleur, les fouées s’étirent en gonflant et forment de petits pains creux, sans mie. C’est déjà le moment de les retirer et de les servir à table.

 

 

 

 

Chacun prend une fouée, l’ouvre encore toute fumante et la garnit de haricots, de rillettes, de beurre ou de fromage de chèvre. Devant le foyer brûlant, Renée continue la préparation des boules de pâte et le service des fouées aux convives, tandis que Marcel, transpirant, enchaîne les fournées les unes après les autres.

 

 

La soirée se poursuit ainsi, jusque tard dans la nuit, à grands coups de vin local, dans une ambiance unique et extrêmement conviviale. Marcel et Renée, bien que rarement à table, sont heureux également. Ils sont heureux de permettre ce beau moment d’échange et de partage avec leurs amis, leur famille et leurs voisins. La renaissance des fouées est en marche !

 

 

Fouées - photo 3

Pendant près de trente ans, ils continueront à faire des soirées fouées de la sorte. Mes parents, oncles et tantes participeront à nombre d’entre elles, puis leurs enfants. J’ai donc eu la chance de connaître cette cave et ces veillées dans mon enfance, et, bien que trop jeune pour profiter pleinement de l’expérience, j’en garde un souvenir vivace.

 

Pour revivre cela aujourd’hui, nous ne connaissons malheureusement personne qui poursuive la tradition en tant que particulier, même s’il doit sûrement en exister. Nous devons donc nous tourner vers les restaurants de fouées. De nombreux ont vu le jour depuis les années 1980, avec plus ou moins de succès, et plus ou moins fidèles à la tradition. Difficile en effet de recréer l’ambiance et retrouver l’esprit de ce type de repas. Nous avons testé bien des caves, qui parfois étaient trop bruyantes, sans être conviviales, ou au contraire trop intimistes, ou trop sombres. D’autres restaurants prenaient place en plein air, hors des caves. D’autres encore proposaient des fouées revisitées ou des accompagnements exotiques. Ce n’est pas ce que nous cherchions.

 

 


Le restaurant que nous avons testé cette fois-ci nous a agréablement surpris. Il se situe dans le village de Rou-Marson et s’appelle « Les Caves de Marson ». Il s’agit d’un restaurant troglodytique, donc creusé dans la pierre, avec un vrai four à pain. La cave est divisée en plusieurs pièces, reliées par de petites galeries, permettant à la fois une bonne acoustique et de l’espace pour chacun. Le service est de qualité et agréable, les fouées sont très bonnes et la formule proposée tout à fait authentique.

En effet, nous avons eu droit à un verre d’un excellent Coteaux du Layon pour l’apéritif, accompagné d’une fouée aux champignons, sous forme de tartelette. Puis l’on amène les rillettes, les mogettes (sorte de haricot blanc), le beurre salé, les cornichons et le vin rouge, tout cela à partager avec la tablée. Et des nouvelles fouées toutes chaudes sont proposées très régulièrement. Viennent ensuite les fromages de chèvre et la salade, toujours accompagnés de fouées. Et pour finir le crumble de fruits maison cuit sur la pierre chaude qui, bien que peu traditionnel, vaut le détour.

 

Fouées - photo 4

 

J’ai ainsi pu faire découvrir à Sandrine de manière assez authentique l’origine de cet aliment insolite du Val de Loire. Et je souhaitais aussi vous raconter cette histoire, qui s’intègre bien dans notre projet socio-culinaire. Car la fouée est un aliment tout simple, très traditionnel et qui, surtout, se partage dans un bel esprit de convivialité.

 



Un commentaire sur “Il était une fouée


     Nico a écrit :

    15 avril 2014 à 00:32

    Merci pour ce post bro’, ça rappelle des souvenirs précieux. Cette cave/grotte à 10m sous le sol, l’ambiance incroyable…Merci à Marcel et Renée, qu’ils reposent en paix. Vive les fouées.

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