Trois escapades éthiopiennes à travers l’Histoire et les religions

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En Ethiopie, il n’y a pas que les sites naturels qui sont incroyables. L’Histoire de ce pays est aussi extrêmement riche, étalée dans le temps, et pourtant largement méconnue en Occident. Les brillantes civilisations qui l’ont habité, les courants religieux qui l’ont traversé en différentes époques et la réussite d’avoir (quasiment) échappé à toute colonisation ont laissé en de nombreux sites à travers le pays un impressionnant patrimoine historique, culturel et religieux.

 

On en a visité trois des plus importants : l’ancienne cité royale de Gondar, Lalibela, la ville sainte des Chrétiens, et Harar, la ville sainte des Musulmans.

 

L’ancienne cité royale de Gondar

Gondar fait quasiment figure de passage obligé pour tout séjour en Ethiopie, surtout si l’on souhaite passer dans le Nord, la région la plus visitée. Que ce soit pour aller dans les montagnes du Simien, ou plus au Nord vers Axum et la région de Tigray, voire même pour redescendre vers Lalibela, Gondar est un nœud important du Nord-Ouest de l’Ethiopie. Cette ville vaut le coup de s’y arrêter pour un ou deux jours. C’est notamment un centre gastronomique important de l’Ethiopie, avec de nombreux petits et grands restaurants, des cafés où l’on peut déguster de sympathiques pâtisseries, des petites ruelles pour se balader…

 

Mais surtout il y a, en plein centre de Gondar, l’ancienne cité royale, celle qui lui vaut aujourd’hui le joli surnom de « Camelot of Africa » . C’est vrai que les ruines de tous ces châteaux construits les uns à côté des autres, et les murailles qui séparent cet enclos royal de la ville actuelle, lui donnent un petit air de Camelot, assez charmant.

 

L’histoire de Gondar débute vers 1635, au temps de l’empereur Fasilides, et comme souvent en Ethiopie, avec une légende. Celle d’un buffle qui aurait mené l’empereur vers un étang où un « vieux et vénérable ermite » lui aurait dit qu’il fonderait la capitale de son empire à cet endroit-même, en l’occurrence l’étang. Toute cette histoire a aussi un air de Camelot, non ?

 

201506 - Ethiopie - 0027Fasilides a donc fait combler l’étang et bâtir un château dessus. Surtout, il a rompu la tradition jusqu’alors nomade des empereurs éthiopiens, faisant de Gondar l’une des premières capitales de l’Ethiopie. Fasilides a également fait bâtir autour de son château une large muraille percée de douze portes, délimitant ainsi l’enclos royal et ses accès, toujours bien présents de nos jours. Par la suite, ses successeurs ont chacun fait bâtir leur propre château dans ce même enclos royal, mais le plus grand et le plus imposant de ces édifices reste toujours le premier d’entre eux, celui de Fasilides.

 

Aujourd’hui, l’ensemble du site donne toujours une belle impression, bien que la majorité des bâtiments soient réduits à l’état de ruines. Toutefois, cela donne une bonne idée de la puissance et de la richesse de ces empereurs qui ont régné sur l’Ethiopie aux XVIIème et XVIIIème siècles. On imagine les réceptions fastueuses qui devaient se tenir entre ces murs, tant les pièces sont grandes et hautes, même les cuisines, les écuries et les bains. On note aussi la présence de deux belles églises, toujours debout aujourd’hui, mais qui se visitent indépendamment (comprenez en supplément) de l’entrée au Royal Enclosure.

 

C’est donc un site qu’il serait dommage de rater, car il témoigne de la grandeur d’une civilisation dont on ne parle quasiment pas en Occident, mais qui a bel et bien joué un rôle important dans le monde à son époque.

 

 

Seul point négatif, comme souvent en Ethiopie, les coûts de visite sont assez élevés pour les étrangers. Le prix d’entrée a doublé entre 2013 et 2015 (comme sur de nombreux autres sites touristiques éthiopiens), passant de 100 birrs (5€) à 200 birrs (10€), tout comme celui du guide local, dans le même rapport. Alors même si la visite aurait été bien plus intéressante avec un de ces guides, réputés compétents contrairement aux escrocs qui peuvent vous aborder dans la rue, on a préféré faire sans.

 

On s’est donc contentés de suivre les descriptions du Lonely Planet, ce qui limite un peu l’expérience, avouons-le. Notre conseil pour la visite du Royal Enclosure serait donc d’essayer de former un groupe au préalable, histoire de partager le coût du guide. Autre astuce, ne payez pas pour l’appareil photo (75 birrs). Nous, on est juste rentrés avec notre appareil sans rien dire et on ne nous a rien demandé., et ça nous permet donc aujourd’hui de vous proposer gratuitement ces biens jolies photos de la cité royale de Gondar. Autrement, on aurait dû répercuter les coûts en rendant payante la lecture de cet article. Ben ouais, nous aussi on a chopé le virus de l’arnaquite éthiopienne ! Mais ça on vous en parlera une autre fois…

 

 

Lalibela, cœur de l’Eglise chrétienne orthodoxe d’Ethiopie

Dans le bus qui arpente la chaotique route qui mène à Lalibela, nous rencontrons Girma, LE guide qui, comme par hasard, est mentionné dans le Lonely Planet. En voilà un coup de bol. Alors on profite du trajet pour discuter avec lui, pour voir un peu sa façon de parler. Il a l’air de savoir ce qu’il dit, le raconte avec passion et parle de manière assez intelligible. Alors après notre petit manque d’explications lors de la visite de Gondar, on décide de saisir cette chance du destin pour visiter les sites de Lalibela en sa compagnie.

 

Et comme une bonne chose n’arrive jamais seule, on a aussi rencontré dans ce même bus un paquet de touristes sympas, deux couples d’Américains et un Belge, avec qui on a pu partager les émoluments du guide en visitant Lalibela tous ensemble.

 

Il faut dire que Lalibela, c’est LE site touristique majeur d’Ethiopie. Et que le clergé éthiopien, qui l’administre, a échangé il y a quelques années son sens de la justice contre une terrible logique du profit. Le coût d’entrée est subitement passé de 12 dollars à 50 dollars par tête de pipe ! Alors mieux vaut s’organiser à l’avance pour ne pas casquer encore plus en prenant un guide, chose plus qu’utile pour vraiment profiter de ce site particulièrement complexe. A sept, on s’en est tirés à 5 dollars par personne, ce qui est plutôt correct.

 

Après cette phase de préparatifs, nous attaquons enfin la découverte de ce site, probablement le plus sacré pour les chrétiens d’Ethiopie. Cela commence par le musée, qui regroupe quelques objets et reliques retrouvés çà et là dans les églises du coin, des tenues vestimentaires de hautes autorités cléricales, voire même de certains rois de Lalibela, de la vaisselle sacrée, des icônes, des images et des vieux écrits bibliques (plus de 800 ans !) en grec ancien et en Ge’ez, la langue de l’époque, ancêtre de l’amharique notamment.

 

Puis nous passons aux églises. Il y en a onze dans le secteur, enfin douze mais il y en a une qui compte double. La plupart ont entièrement été excavées de la roche, d’autres seulement partiellement, avec une extension construite. La dernière est plutôt une sorte de grotte, où le sol et le toit de l’église sont parties prenantes de la roche, et seuls les côtés de l’église et sa partie intérieure ont été excavés. Tout cela a été mené il y a environ 800 ans, ce qui est extrêmement impressionnant ! L’idée de créer une église, enfin ici douze églises, en enlevant de la matière à un gros bloc, plutôt qu’en apportant de la matière venue des environs, donne vraiment un résultat exceptionnel ! On imagine que « construire à l’envers » comme cela a été fait ne donne aucun droit à l’erreur. Tout morceau de pierre enlevé maladroitement ou par inadvertance ne pourra jamais être remis. Sacré travail !

 

Dommage que les Italiens aient maladroitement tenté de restaurer ou « d’améliorer » l’ensemble dans les années 1960, au cours de leur brève colonisation, car ça a fait pas mal de dégâts au final. Quelle idée en même temps de vouloir peindre ces églises pour faire plus joli… Quelques années après, toute la peinture a été enlevée, mais malheureusement une partie des façades est partie avec. Sale.

 

Et puis il y a les toits de l’Unesco, ces grandes étendues blanches soutenues par de gros piliers en ferraille qui, quoiqu’on en dise, enlèvent quand même une part de magie aux églises de Lalibela. Ils servent à protéger des effets de la pluie, du soleil et de la poussière qui, un jour ou l’autre, détruiront irrémédiablement l’une ou l’autre de ces églises. Certes. Mais ça fait quand même 800 ans qu’il pleut, qu’il y a du soleil et de la poussière, et les églises sont toujours debout aujourd’hui… Et oui, à Lalibela, on n’a pas fini de parler des toits de l’Unesco. A noter également que ces lourds travaux ont été financés par l’Unesco, et non par le clergé local. Ce n’est donc pas non plus une raison valable pour l’augmentation délirante des droits d’entrée…

 

 

 

Dernier point concernant l’architecture générale, toutes les églises sont conçues de la même façon. L’entrée principale est toujours orientée à l’Ouest, tandis que la partie réservée au prêtre, où est systématiquement conservée une réplique de l’Arche du Couvent, est orientée à l’Est, au Levant. Les hommes et les femmes doivent rentrer séparément, les uns par le nord, les autres par le sud. Et attention, il faut laisser ses chaussures dehors. C’est donc en chaussettes, ou pieds nus, que l’on marche sur les tapis plein de puces (enfin c’est ce qu’on a entendu dire, car nous on n’a pas vu de puces…)

 

Pendant notre visite avec Girma, on apprend aussi plein de choses sur les spécificités de l’église orthodoxe éthiopienne, leur lecture très fidèle des textes sacrés, au mot près, et le rigoureux calendrier de prières que suivent les fidèles : le matin, on prie pour passer une bonne journée, le soir on remercie Dieu d’avoir passé une bonne journée, chaque jour on prie aussi pour un « saint » différent, le saint du jour. Et puis il y a les périodes de jeûne… Mais ça, on vous en reparlera plus tard !

 

A l’intérieur des églises, outre les tapis supposés plein de puces, on découvre souvent de jolies colonnes sculptées et des peintures étonnantes par la simplicité de leur graphisme. Sont-ce des tableaux faits par des enfants du village ? Il paraîtrait que non…

A part dans la première église, Bet Medhane Alem, qui est bien plus grande que les autres, on se sent aussi bien à l’étroit dans ces sombres structures creusées dans la roche. D’ailleurs, peu de fidèles peuvent réellement se rendre à l’intérieur pour prier. La plupart restent dehors, autour de l’Eglise, où le sermon du jour est retransmis en Dolby Surround.

 

 

Mais la plus belle église reste quand même Bet Gyorgis, l’église Saint Georges. Elle est un peu excentrée par rapport aux autres, mais a la particularité de ne pas avoir de toit Unesco. Elle a la forme d’une magnifique croix orthodoxe. Cet église semble être un majestueux bloc de pierre, tout droit sorti du sol. Mais c’est l’inverse, tout a été creusé avec les petits outils de l’époque. Un travail remarquable, qui donne toute la mesure de cette œuvre titanesque. L’intérieur, en revanche, est comme pour les autres un peu exigu et moins intéressant.

 

 

 

201506 - Ethiopie - 0303Le lendemain de cette visite guidée, on a décidé de retourner sur le site. Légalement et sans payer car quand même, le billet est valide cinq jours. Ils ne sont pas si rapiats que ça les cléricaux de Lalibela… On a voulu se lever aux aurores pour voir les locaux prier. Mais bon on s’est un peu ratés sur le réveil, à vrai dire. Néanmoins, on s’est dirigés vers l’Eglise Saint Georges, où l’on imaginait apercevoir une foule d’Ethiopiens habillés en blanc et priant autour de ce bloc de pierres. Que nenni ! Il n’y avait pas grand monde à Saint Georges ce matin-là, juste quelques fidèles dispersés çà et là. Car le Saint du jour c’était Marie et ce n’était pas à Saint Georges qu’il fallait aller prier mais à Sainte Marie, plus au sud ! Là, il paraît qu’il y avait un monde fou, des tambours, des prêches au micro, etc. Dommage, on n’a pas misé sur la bonne église. Une chance sur douze en même temps !

 

En tout cas Lalibela, bien que touristique, est un site incontournable d’Ethiopie. Pour les églises massives et l’impressionnant travail architectural réalisé, mais aussi pour la ferveur qui règne sur le site. Si nous n’avons pas assisté à une messe matinale, nous avons vu tout au long de la journée des gens vêtus de blanc venir prier, plutôt de façon solitaire aux abords des différentes églises. Et de nombreux enfants, à l’école orthodoxe, écouter et réciter religieusement les textes anciens. Une ambiance très particulière.

 

 

La vieille ville d’Harar, le lieu saint des Musulmans d’Ethiopie

Harar est l’équivalent musulman de Lalibela pour les chrétiens d’Ethiopie : la ville sainte du pays pour l’Islam. Les locaux prétendent même que c’est la 4ème ville sainte du monde musulman après La Mecque, Jerusalem et Medina. On pensait que c’était encore une légende locale, mais l’Unesco ne semble pas le contredire…

 

C’est aussi une ville au nom imprononçable pour nous français, car il faut expirer le H et rouler les R, surtout le premier, sans donner l’impression de le dire en toussant. Comment ? Quelle ville, je ne vous comprends pas ? A chaque fois qu’on a essayé, on a du s’y reprendre à plusieurs fois pour se faire comprendre.

 

201506 - Ethiopie - 0536Outre l’exercice de diction, on s’était dit que cette ville serait une bonne transition pour nous vers le monde musulman, avant de passer un bon mois et demi en Turquie et en Iran. Et après deux jours de bus éthiopiens des plus pénibles, nous avons enfin fini par rejoindre les murs d’enceinte de la vieille ville d’Harar (Jugol pour les locaux). Derrière ces murs épais se cachent un dédale de ruelles, de maisons traditionnelles (Adare pour les locaux) et de mosquées, sur seulement 1 km².

 

201506 - Ethiopie - 0549Ce qui marque d’abord dans la ville c’est la tenue des Ethiopiennes. Fini les vêtements blancs sobres portés par les orthodoxes du nord, ici elles font dans la couleur. Que ce soit leur tenue ou leur voile, tout est coloré – rose, orange, jaune, vert – et vif. Une belle touche de gaité.

 

Pour notre séjour à Harar, on avait aussi imaginé séjourner dans une maison Adare, afin de rendre l’expérience plus authentique. Ce serait un bon moyen de cerner l’atmosphère spéciale de cette ville, surtout en ce début de ramadan où cela doit être particulièrement animé du point de vue spirituel. Alors nous sommes partis à la recherche des guest-houses traditionnelles mentionnées dans le Lonely Planet.

 

En chemin, derrière nous, nous suivant comme notre ombre, un jeune de la ville. Un rabatteur sans doute, comme partout ailleurs. Et même s’il nous dit qu’il veut juste nous aider et pratiquer son anglais car il est étudiant, nous l’ignorons. Ils disent tout ça… Jusqu’à ce que nous soyons vraiment perdus dans la vieille ville, incapables de trouver les dites maisons traditionnelles. Alors on s’est retournés vers lui, un peu honteusement et déjà faits à l’idée de devoir lui donner un pourboire pour nous avoir aidés. Le jeune, par contre, est ravi qu’on s’intéresse enfin à lui après 20 bonnes minutes de dédain (quelle patience quand même !), et commence à nous guider vers les guest-houses que nous avions repérées. Oui, on est des monstres.

 

Finalement, après une bonne heure à déambuler dans la vieille ville, nous avons fini par atterrir dans une guest-house inconnue de notre guide papier. En même temps, les propriétaires de celles mentionnées dans le Lonely Planet ne se sont vraiment pas avérées des plus aimables et hospitalières, et plus vénales que pieuses. Mais ça, on y reviendra dans un article spécial consacré au ramadan…

 

C’est donc dans ces circonstances étranges que nous avons fait la connaissance de Michael, ce jeune qui nous a aidés, un étudiant chrétien dans une ville majoritairement musulmane. Et contrairement à nos a priori, Michael n’était pas un rabatteur en quête d’une commission. Il voulait sincèrement rencontrer des touristes, les aider, et pratiquer son anglais. Il a même refusé notre pourboire, pourtant mérité ! En marchant avec lui, il nous a aussi expliqué plein de choses sur la ville, l’histoire et la culture Harari. Il avait l’air d’en connaître un rayon, alors on a décidé de le revoir le lendemain pour visiter la ville en sa compagnie, comme il nous le proposait gentiment.

 

On a d’abord découvert les différents marchés, le marché chrétien et le marché musulman, essayé de reconnaître les différentes épices et céréales utilisées dans la cuisine éthiopienne (pas une mince affaire), et accessoirement entrevu quelques boucheries peu reluisantes, le tout à travers de petites allées étroites, glissantes et cahoteuses. Michael nous a notamment gratifié d’une petite anecdote intéressante : les chrétiens (en tout cas les orthodoxes d’Ethiopie) ne doivent pas manger pas de viande/lait de dromadaire. C’est sacré. Mais les musulmans, si. Voilà pourquoi nous n’avons vu de la viande de dromadaire que sur le marché musulman.

 

 

Quant à la vieille ville elle même, c’est effectivement un vrai labyrinthe de petites ruelles étroites et colorées, avec plein de mosquées éparpillées à chaque coin de rue, et une grande avenue bruyante qui la traverse de part en part. L’histoire de cette ville, les premiers blancs qui y sont arrivés (notamment l’histoire d’Arthur Rimbaud qui y a vécu quelques années et laissé un patrimoine des plus intéressants), ses murs, ses portes, ses trous pour les hyènes, sont autant de curiosités qui méritent que l’on y passe une bonne journée.

 

 

 

 

Harar et ses hyènes

Une autre attraction (touristique) de la ville : ses hyènes. On avait découvert cela il y a de nombreux mois, dans un épisode des « Nouveaux Explorateurs » consacré à l’Ethiopie, et cette histoire nous avait particulièrement marqués.

 

Des hyènes tachetées vivent dans la vieille ville d’Harar depuis plus de 500 ans et on peut voir dans le mur d’enceinte les trous leur permettant de venir le soir chercher à manger parmi les déchets des habitants.

La légende veut qu’au 19ème siècle, alors que la famine faisait rage dans la région, les hyènes ont commencé à attaquer le bétail et les hommes. Un homme a alors décidé de leur offrir du porridge (oui des fois certains détails des légendes sont vraiment déroutant…) pour les calmer. Le stratagème ayant fonctionné, les hyènes vécurent à nouveau en paix avec les hommes dans la ville. Désormais chaque année, pour honorer la légende, du porridge est donné aux hyènes. Si elles mangent tout, l’année sera prospère, sinon il va falloir redoubler de prières pour éviter le pire.

 

Bon, nous on n’a pas trouvé de hyènes dans la vieille ville à la nuit tombée, mais on a bien trouvé un vieil homme qui les nourrit chaque soir depuis 50 ans. D’abord pour protéger son bétail, il en a aujourd’hui fait un show pour les touristes, auquel nous avons succombé.

 

On l’a d’abord suivi silencieusement, marchant une vingtaine de minutes vers l’extérieur de la ville, avec son panier plein de morceaux de viande de bœuf et juste une grosse lampe de poche. On pensait le voir appeler les hyènes, en chantant, en sifflant ou en hurlant, peu importe. Puisqu’il leur a donné à chacune un prénom. Mais non. Elles étaient déjà toutes là quand on est arrivés, en bas d’un chemin, à l’attendre !

Elles étaient une bonne vingtaine et c’est quand même sacrément impressionnant de voir toutes ces paires d’yeux rivées sur nous.

 

201506 - Ethiopie - 0605Le vieil homme a alors démarré sa séance de nourrissage, jetant des morceaux de viande à chacune d’entre elles. Les hyènes attendaient patiemment leur part, sagement installées autour de lui. Puis il nous a appelés, un par un. A nous de nourrir les hyènes maintenant ! Il nous tend un petit bâton de 25 cm et pose un bout de viande à son extrémité, puis nous indique de le tendre vers telle ou telle hyène, qui vient alors se jeter dessus, à quelques décimètres de nous. Classe !

 

Plus fort encore, en tenant le bâton dans notre bouche maintenant ! Là, les hyènes viennent ouvrir leurs crocs à quelques centimètres de nos têtes. C’est là que l’expression « avoir une haleine de hyène » prend tout son sens !

Mais c’est surtout un peu flippant, quand on sait que la hyène a une puissance de mâchoires deux fois supérieure à celle du lion ! Et que c’est le seul mammifère terrestre capable de broyer des os d’éléphants !

 

 

201506 - Ethiopie - 0622Bon au final, ça fait quand même un truc bien touristique, mais nous avons eu la chance de rester en petit comité, juste à trois (à part 2 hollandais qui ont fait un passage éclair). Et c’était plus plaisant ainsi, on a pu se poser par terre au milieu de ces redoutables prédateurs, et observer leurs petites oreilles qui dépassent et leur donnent un air un peu niais. Et puis le vieux qui nourrit les hyènes est assez marrant et c’est plutôt rigolo de voir ces gros prédateurs agir comme des petits chiens quand il les appelle !

 

 

Une journée dans les environs d’Harar

Pour ceux qui d’aventure souhaiteraient rester plus d’une journée à Harar, il y a aussi des choses sympas à faire en dehors de la ville. Notamment le lundi et le jeudi, il y a le marché au bétail de Babille, l’un des plus grands du coin. C’est même le plus important marché aux dromadaires de toute la région : acheteurs et vendeurs venus de tout l’Est de l’Ethiopie, de Djibouti et du Somaliland s’y retrouvent, autour d’un bon millier de dromadaires à chaque fois ! Malheureusement, peut-être à cause du ramadan, nous sommes arrivés un poil trop tard et avons juste croisé le dernier acheteur (ou vendeur) en chemin, repartir avec une vingtaine de bêtes. Arrivés sur le marché, il ne restait plus que trois pauvres dromadaires égarés, et les vendeurs de bœufs et de chèvres, ce qui est quand même un peu moins intéressant.

 

 

 

Ne restant par sur cet échec, on est alors partis se balader dans la « Vallée des Merveilles« , sur la route entre Babille et Jijiga, la dernière ville avant le Somaliland.

Quoi, vous n’avez jamais entendu parler de la Vallée des Merveilles !?

 

201506 - Ethiopie - 0583Bon, c’est un peu normal en fait. Par ici, les locaux ont tendance à s’enflammer, peut-être l’effet du qat…

La vallée des merveilles, aussi appelée Dakhata Valley, offre de jolis paysages et de chouettes formations rocheuses, de remarquables monolithes sculptés par les années et les éléments. Certains y verront des formes étranges, parfois phalliques. Peut-être l’effet du qat, encore. Mais c’est quand même pas un paysage ultime, il y a bien mieux à voir ailleurs en Ethiopie !

 

201506 - Ethiopie - 0594Un dernier point intéressant tout de même, c’est dans ce coin que nous avons connu notre seconde expérience d’auto-stop en Afrique. Un lift très facilement obtenu pour rentrer à Babille, bien que nous étions un groupe de six personnes !

 

Pour finir, revenons rapidement sur le qat, que j’ai mentionné avant. Le qat est une plante cultivée abondamment dans la région de Harar et Babille, dont on consommes les feuilles. On peut soit les mâcher longtemps, ou les consommer en infusion. Mais surtout, le qat est connu pour ses effets psychotropes, semblables à ceux d’autres stimulants comme les amphétamines, et qui en fait donc une plante interdite dans certains pays. Bon, comme on était en Ethiopie et qu’ici c’est parfaitement légal, ça fait même partie de la culture locale, on en a profité pour s’y essayer.

 

Nous avons donc mastiqué quelques feuilles. Elles ont un goût assez amer, surtout au tout début, et donnent ensuite la forte impression de coller aux dents et de dessécher toue la bouche. Quant à l’effet stimulant, il ne faut pas trop compter dessus en ne mâchant que quelques feuilles. Mais à fortes doses, ça fait des ravages ! Nombre d’hommes de la région ont en permanence un gros sac de feuilles avec eux et en mastiquent à longueur de journée. Certains d’entre eux ont quand même l’air bien allumés, les yeux explosés, dorment par terre dans la rue de jour comme de nuit, ou se baladent même à poil au milieu de la route en pleine journée. Oui les enfants, la drogue, c’est mal !