Comme un cheveu sur la soupe – Madagascar
PubliÉ le Catégories : Madagascar, Plats et traditions.
Du riz, du riz et encore du riz…
Le riz est donc l’aliment de base à Madagascar. Riz blanc, riz rouge, riz gluant. Vous en aurez à chaque repas, du petit déjeuner au dîner. C’est automatique, ce n’est même pas la peine de demander.
Il faut dire que les plantations de riz occupent 55% des terres cultivées de l’île. Il y en a donc à foison, même si l’absurdité du monde actuel fait qu’ils en importent de plus en plus. On compte également que chaque malgache en mange en moyenne 135 kg par an !
Deux particularités sur le riz malgache :
- il existe une variété de riz rouge spécifique à l’île, un riz un peu plus petit et croquant que le classique riz blanc
- on ne met jamais de sel dans son assiette de riz
… au petit déjeuner…
L’élément de base du petit déjeuner, c’est une petite galette à base de farine de riz, sucrée ou non : le mofo.
Le mofo est une pâte proche de la pâte à beignet en un peu plus liquide. On prépare la pâte la veille et on la laisse lever toute la nuit. Puis le matin, on la fait cuire dans une poêle faite de petits moules ronds, comme une grosse cassolette d’escargots, avec un peu d’huile. Ça la consistance d’un « beignet de riz » qui se mange encore chaud, c’est d’ailleurs bien meilleur comme ça !
Les mofo se prennent le matin avec le café, ou le thé.
Les karepoky sont un autre aliment à base de farine de riz, qui se dégustent également le matin. Cette fois, c’est une pâte plus sèche que l’on fait frire puis qu’on laisse tremper dans un sirop sucré. Ca fait comme des « nachos de riz » sucrés, qui vont très bien avec le café ou le thé du petit déjeuner.
… au déjeuner ou au dîner…
Ces deux repas fonctionnent de la même façon, avec une grande assiette de riz nature : le plat principal. Ensuite, on choisit comment l’accommoder : viande, poisson, légumes, bouillon… Il existe de nombreux accompagnements que l’on détaille plus loin.
… jusque dans les boissons
A Madagascar, la présence du riz se trouve jusque dans l’eau que l’on boit tous les jours ! Plus que l’eau minérale, les malgaches boivent surtout du ranon’ampango, de l’eau de riz. En voilà une surprise !
La première fois que nous sommes allés dans un restaurant local, on a trouvé sur chaque table une carafe avec un liquide brunâtre, tiède, et avec du riz au fond. On a vu que les gens buvaient ça en mangeant, alors on s’est dit que ça devait être une sorte de thé. Mais pas vraiment. Ça avait un goût de riz cramé au fond d’une casserole. Bref, un truc pas très bon !
Après enquête, et bien c’était exactement ça ! Après la cuisson du riz, l’eau est filtrée et le riz qui n’a pas collé au fond de la casserole est servi pour le repas. Là, les malgaches refont alors chauffer de l’eau propre (pas celle qui a servi à cuire le riz, donc) dans la casserole, pour la boire en mangeant, ou même juste comme ça dans la journée. Bon, nous c’était clairement pas notre boisson préférée à Madagascar !
Les accompagnements
On a assez parlé de riz, voyons maintenant ce qu’on mange avec ! Là, de nombreuses possibilités existent.
De la viande d’abord : zébu ou porc, en côtelettes ou en boulettes, langue, poulet, canard…
Comme on est sur une île, le poisson est aussi largement consommé. Qu’il soit de mer ou de rivière d’ailleurs. Tout comme les crevettes, les camarons, le crabe, le calamar, les écrevisses, la langouste…
Tout cela est bien souvent préparé de deux façons : grillé ou en sauce. La sauce, par contre, c’est toujours la même : une petite sauce où l’on fait revenir des tomates, des petits oignons rouges, de l’ail et du gingembre pilés. Ce sont les condiments de base de Madagascar, et ceux que l’on utilise quasi-exclusivement dans la cuisine de tous les jours. D’ailleurs cette sauce n’a d’autre nom que… sauce. Les noms des plats sont donc assez faciles à retenir : « langue-sauce », « crevette-sauce », « poisson grillé », « canard-sauce »… A noter enfin que ces plats dits d’accompagnement sont servis dans une petite assiette à côté de la grosse assiette de riz, et dans des proportions plutôt réduites.
On mange aussi des légumes, avec l’accompagnement ou à la place de celui-ci : carottes, petits pois, haricots, brèdes (feuilles et tiges de diverses plantes), manioc… D’autres fois, ce sont des légumes en salade (carottes, tomates et poivrons), marinés dans l’huile et les épices : les achards.
Enfin, il arrive d’avoir également un petit bol de bouillon pour accommoder le riz. Le bouillon de poulet ou de zébu au gingembre donne un meilleur goût au riz. Quand il n’y a pas de gingembre, par contre, ça n’a pas trop d’intérêt. A noter qu’une façon de saler son riz est de saler le bouillon, puis de verser du bouillon sur le riz.
7 autres spécialités royales pour accompagner le riz
Le ravitoto et le romazava sont deux accompagnement plus typiques, et plus prestigieux aussi, de la cuisine malgache.
Le ravitoto est un plat à base de petits morceaux de porc mélangés à des feuilles de manioc pilées. Personnellement, j’ai trouvé que ça ressemblait plus au contenu de l’estomac d’un ruminant qu’à un vrai plat, mais quand c’est bien préparé, ce n’est pas mauvais.
Le romazava, quant à lui, est un ragoût de viande de zébu aux brèdes, qui se présente plus comme un bouillon.
Ces deux plats font partie de ce qu’on appelle le Tatao, les 7 plats royaux de Madagascar. Les cinq autres sont :
- Le tilapia-sauce, un bout de poisson (le tilapia) cuit dans la fameuse sauce tomates-oignons-ail-gingembre
- Le canard confit au gingembre, qui nous a beaucoup plu
- Le poulet coco, cuisiné dans une sauce à la noix de coco très bonne également
- L’effiloché de zébu aux lentilles, encore un plat très savoureux
- L’anguille au porc, un mélange de morceaux d’anguilles et de porc. Ca par contre, c’est pas terrible
Au restaurant Tatao, proche du palais présidentiel à Tana, on peut déguster ces 7 plats royaux au cours du même repas. L’avantage, c’est que l’on peut tous les goûter en même temps et qu’ils sont tous très finement cuisinés. Le Tatao est servi avec des achards et un mélange de riz blanc et de riz rouge. Pour seulement 11€ pour deux (une fortune à Mada !), on a trouvé que ça valait le coup de se faire plaisir avec le meilleur de la cuisine traditionnelle malgache.
Le Mad Zébu, le meilleur restaurant de l’île
Encore meilleur que le Tatao : le Mad Zebu. Ce restaurant dans le village paumé de Belo sur Tsiribihina, sur la côte Ouest de l’île, est assurément l’un des tous meilleurs du pays. En tout cas, les différents guides touristiques en parlaient en tant que tel, alors on a voulu se faire notre propre expérience.
Le premier point positif, c’est que tous les véhicules qui vont et/ou reviennent des Tsingy du Bemaraha passent par Belo et s’arrangent généralement pour s’arrêter devant le Mad Zébu, comme par hasard vers l’heure du déjeuner. Il n’est donc pas si difficile de s’y rendre, finalement.
Pourtant, le Mad Zébu ne paie pas spécialement de mine. En apparence, c’est un restaurant au-dessus de la moyenne malgache, bien sûr, mais ça ne transpire pas le luxe inutile pour autant. La décoration est simple et épurée, les tables sont joliment dressées mais sans fantaisie, et la terrasse donne sur la rue principale de Belo, avec ses 4×4 et leurs nuages de poussière, ses charrettes à zébus, ses pousse-pousse, ses troupeaux de chèvres et ses chiens errants. Un décor très malgache, loin du calme que l’on pourrait attendre d’un grand restaurant.
Par contre, une fois les assiettes servies, là c’est une toute autre histoire. Oubliez l’assiette de riz et le bol de bouillon auxquels vous avez eu droit depuis 15 jours ! D’abord, c’est un petit amuse-bouche qui arrive, juste pour se mettre dans l’ambiance d’un restaurant gastronomique. Puis viennent l’entrée et le plat, élégamment présentés. La cuisine est très fine, à base d’excellents produits locaux, frais, bio (?) (viande de zébu, poisson, gambas, légumes de saison…), les sauces sont subtilement épicées, également avec des produits de l’île (poivre, girofle, cannelle, vanille…). Le caractère malgache est donc bien là.
Quant aux desserts, ouh la la ! La glace maison est succulente, et la poêlée de fruits aux épices relèverait presque du génie, surtout ces petites baies roses qui explosent en bouche et viennent sublimer tout le reste. C’est du grand art !
Alors bien sûr, à la fin, il y a la douloureuse. Vous allez sans doute vous demander la fortune que l’on a payée pour un tel traitement. Et bien effectivement, le menu entrée-plat-dessert coûte dix fois plus cher qu’une assiette de riz avec du zébu-sauce. C’est-à-dire qu’il vous revient à la bagatelle de 10 €. Alors à ce prix-là, on s’est permis d’y retourner une deuxième fois à notre retour des Tsingy. Car pour nous, le Mad Zébu c’est tout simplement notre meilleur restaurant depuis notre départ, il y a un an !
L’île aux épices
Madagascar est aussi très réputée pour ses épices, notamment la vanille, la girofle, le poivre rouge, le poivre vert, la cannelle, les piments… Toutefois, ces produits sont très peu utilisés dans la cuisine de tous les jours. La grande majorité de la production est destinée à l’export, et la faible quantité qui reste sur l’île va aux touristes, via les restaurants ou les vendeurs d' »épices-souvenirs » dans la rue.
Pour agrémenter leurs plats, les malgaches doivent se contenter des produits moins prestigieux que sont l’ail et le gingembre.
Et à part le riz ?
Pour trouver autre chose que di riz, histoire de changer un peu, pas besoin d’aller se ruiner dans un restaurant « touristique » qui propose de la nourriture plus variée pour les difficiles palais occidentaux. Il suffit d’aller traîner devant les petites gargotes de rue, et saliver face aux plats de sambos (samoussas), de nems et de pâtes qui y sont présentés, avec leur lot de mouches qui tourne autour.
Les sambos et les nems malgaches, c’est plus ou moins la même chose. Certains sont rectangulaires, d’autre triangulaires, fourrés à la viande, au poisson ou aux légumes, mais surtout tous sont abondamment frits. C’est gras mais ça change un peu. Et pour les accompagner, rien de tel que le misao, des nouilles chinoises avec de petits morceaux de légumes. Et oui, pour changer du riz, mangez des nouilles ! En plus, ça ne coûte vraiment rien : on peut manger à deux pour moins d’un euro, jus de fruits inclus.
L’influence française
La colonisation française a laissé beaucoup de marques à Madagascar. Mais quand ça concerne la cuisine, c’est pas si désagréable, et il est très facile de retrouver des produits classiques de chez nous.
Par exemple pour le petit déjeuner, où la baguette a souvent bonne place à côté des mofos. Le gros MAIS, c’est que souvent, la baguette est servie coupée en deux dans le sens de la longueur, et déjà beurrée. Quelle idée saugrenue !
Autrement, dans toutes les villes il est possible de trouver une boulangerie où vous pourrez déguster des croissants, des pains au chocolat, des pains aux raisins et des pains briochés d’une qualité proche de celle des honnêtes boulangeries françaises. Et ça, c’est bien agréable !
Quant aux déjeuners ou dîners, pourquoi ne pas se laisser tenter par un peu de foie gras ? Et oui, on mange du foie gras à Mada. Enfin une grande majorité des malgaches n’y a probablement jamais goûté, mais il est fréquent d’en trouver dans des restaurants d’expatriés. A 3€ pour deux tranches épaisses, c’est presque donné. Et pour donner une note locale au foie gras, on y glisse souvent une gousse de vanille au milieu
Autre spécialité française revisitée à la mode malgache : la viande de zébu. Steak frites, langue aux petits pois, queue de zébu, brochette de zébu voire même fondue bourguignonne de zébu (!), tout y passe, on se croirait presque à la maison…
Les boissons
L’influence française sur la gastronomie malgache a aussi ses ratés : le vin !
On avait lu qu’il fallait essayer, juste pour l’expérience, mais pas en espérer grand-chose. Nous confirmons !
Je ne me souviens pas avoir autant plissé les yeux en buvant un verre de vin, même avec nos pires cubis d’étudiants… A tel point qu’on a demandé à la serveuse s’il y avait un problème avec le bouteille ou avec le bouchon, car franchement le goût était désagréable.
Mais non, pas de problème, il est tout à fait normal ce vin…
Du coup, comme on avait commandé une bouteille entière par pêché de gourmandise, on s’est sentis obligés de la finir, mais ce fut une épreuve : trop acide et un goût plus proche du fermenté que de fruit, fleurs ou épices, bien que le nez ne le laissait pas présager. Pour info, ce picrate est un Lazan’i Betsileo blanc.
Mais nous, on n’est pas du genre à abandonner à la première mauvaise bouteille. Non, non, on persévère. On s’est dit que peut-être les malgaches étaient meilleurs pour le vin rouge que le blanc, alors une autre fois on a commandé une bouteille de rouge, dont je ne me rappelle même plus le nom. Pourtant, le serveur nous avait prévenus : vous êtes sûrs que vous voulez du vin malgache, vous voulez pas prendre un vin d’importation plutôt, un vin sud-africain ou français ? Non, non, on veut du rouge malgache !
Résultat : imbuvable, on a renvoyé immédiatement la bouteille et pris deux bières à la place !
Car pour le coup, la bière est plutôt bonne, notamment la THB, la marque de Madagascar. Bon, on va pas se mentir, ce n’est pas de la trappiste belge, c’est juste une pilsener, mais elle passe bien. A tel point qu’on n’a même pas essayé les autres bières fréquemment vendues sur l’île :la Castel, la Gold, la Libertalia et la Skol. Rien de très malgache en même temps.
Mais la meilleure chose à boire à Madagascar, c’est le rhum. La marque locale est le rhum Dzava, qui titre à 52°. On peut le boire comme ça ou en ti-punch, mais ça tabasse bien. Par contre, ça passe beaucoup mieux en rhum arrangé, et les malgaches sont plutôt bons pour leur préparation. On en trouve vraiment pour tous les goûts : aux épices, aux agrumes, aux fruits confits, aux plantes… Chez Jean le Rasta, à Morondava, il y en a toute une palanquée qu’on a allégrement testée. Nos préférés ont été : gingembre, ananas, tamarin, baobab et goyave.
Quelques spécialités de desserts
Le dessert typique de l’île, c’est le koba ravina, un gâteau à la pistache, qui se vend parfois dans la rue enroulé dans des feuilles de bananiers. C’est joli, mais Sandrine n’a pas du tout aimé, et moi je me suis abstenu d’y goûter, car à Mada, ils ne font pas la distinction entre pistaches et cacahuètes. Alors, principe de précaution oblige, pas de dessert pour moi.
En revanche, pour les beignets de banane, parfois flambés au rhum, parfois avec une boule de glace, parfois les deux et souvent juste nature, je ne me suis pas abstenu. Et pareil pour les glaces maison, savoureuses, notamment grâce au doux parfum de la délicieuse vanille de Madagascar.
Enfin, rien de tel que de profiter des bons fruits frais qui poussent abondamment sur l’île : bananes, oranges, ananas, goyaves, noix de coco…
Et quelques remarques en vrac pour finir :
- Les feuilles de papayers sont toujours utilisées comme moyen de conservation traditionnel pour la viande
- Normalement on n’utilise pas de couteau pour manger. La grande cuillère permet de manger riz, légumes et sauce. Quand à la fourchette, elle permet de piquer la viande dessus pour la déchiqueter avec les dents.
- Pour grignoter à l’apéro, en buvant un ti-punch ou un rhum arrangé, il y a les cacas-pigeon. Alors oui, ça a un nom stupide, mais ça décrit bien la forme de ces amuses-bouche : ce sont des cacahuètes accompagnées de morceaux de pâte brisée cuits dans l’huile.
- Quand on boit du rhum, il est d’usage de verser par terre les premières gouttes de son verre, pour les ancêtres. Et ce n’est pas un problème si on est à l’intérieur d’une maison.
- Les sodas et boissons non alcoolisées sont appelées « boissons hygiéniques«
- Parmi les boissons hygiéniques, il y a le Bonbon anglais, une limonade gazeuse au goût de bonbon Arlequin
- Les baobabs ne sont pas seulement de jolis arbres, leurs fruits servent aussi à l’élaboration de jus désaltérants, frais et sucrés.
- Pendant nos 24 jours à Mada, nous n’avons pas mangé, ou presque pas : d’œufs, de fromage, de lait, de charcuterie, de viande froide ou fumée… Doit-on en conclure que les produits d’origine animale ne s’y mangent que grillés ou en sauce ?
3 mars 2016 à 15:53
Bonjour,
Vos articles sont extraordinaires pour ses authenticités.
Je suis tombée par hasard sur ce site parce que je suis propriétaire de l’un des restaurants que vous citez dans votre article. Et je voulais vous demander votre autorisation pour citer votre bel article sur mon site Internet.
4 mars 2016 à 06:07
Bonjour Randri,
Bien sûr vous pouvez citer notre article sur votre site. En relisant ce que nous avions écrit, je me retrouve transportée au milieu de ces subtiles saveurs. Délicieux souvenirs. Encore merci au chef Onja pour sa succulente cuisine et son raffinement dans les présentations ! Et bravo à vous ainsi qu’à toute l’équipe du restaurant.
15 mars 2016 à 12:15
Bonjour Frisita,
Votre article a été publié sur notre site http://www.madzebudebelo.com/on-parle-de-nous/
Encore merci pour l’authenticité de vos articles (ça y est, je m’abonne à vos articles) et n’hésitez pas à faire un détour au Restaurant Mad-Zébu de Belo quand vous passez à Madagascar.
Merci également pour vos encouragements.
Continuez à écrire de bels articles.
RANDRI