Brèves Nippones #22 – Le Japon de l’étrange
PubliÉ le Catégories : Japon. Tags : curiosité, drôle.
Le Japon, c’est bien fait
C’est la phrase qui nous venait tout le temps à l’esprit quand on est arrivé au Japon. Ca nous a vraiment surpris. Mais c’est assez compliqué à expliquer car ce sont tout plein de petits détails de bon sens dans la vie de tous les jours.
Par exemple, à l’entrée des supermarchés, musées ou autres bâtiments publics, ils proposent souvent des longs sacs plastiques pour emballer son parapluie mouillé pendant qu’on est à l’intérieur. Ou des casiers individuels à parapluie. Ça évite de faire gouter de l’eau partout.
C’est bien fait.
Par exemple, quand on achète une confiserie qui doit rester au frais, on nous l’emballe dans un petit carton avec un petit sachet de glaçons à l’intérieur. Pour éviter le coup de chaud du transport.
C’est bien fait.
Par exemple, dans les toilettes il y a toujours du papier. Par exemple, il y a du gingembre et de la sauce soja à volonté quand tu achètes des sushis. Et on te donnera des baguettes à la caisse. Par exemple, on peut retourner les dossiers des sièges dans le train pour créer des espaces à 2 ou 4 ou être dans le sens de la marche. Par exemple, il est très facile de s’orienter dans les villes. Si tu cherches une info, ouvre les yeux, elle n’est souvent pas loin.
Bref, le Japon c’est bien fait. C’est très bien fait.
Le Japon, c’est drôle
Ils sont marrants les Japonais avec leur Kawaï partout.
Kawaï en japonais, ça veut dire « mignon » . A prononcer « kawaiiiiiiiiiiiiiiiiii » avec une voix très aigüe d’ailleurs.
En Occident, le symbole du Kawaï, c’est Hello Kitty avec tous les produits qu’on trouve à son effigie et qui touchent principalement un public jeune ou jeuniste.
Alors vous vous attendez à entendre ce mot dans la bouche de deux adolescentes discutant de leur dernier achat. Mais au Japon on trouve du kawaï partout, pour tout public et parfois à des endroits plutôt inattendus.
Le Kawaï, c’est faire le signe « victoire » quand on se fait prendre en photo. Parce que c’est tellement plus mignon.
Le Kawaï, c’est utiliser un personnage de manga pour faire la promotion d’un produit. Parce que c’est tellement plus vendeur.
Le Kawaï, c’est faire des guides de voyage avec plein d’images de BD, de bulles de textes, d’onomatopées, de points d’exclamations et de couleurs flashies. Parce que sinon c’est dur de savoir si c’est bien. Ils doivent trouver le Lonely Planet d’un ennui mortel.
Le Kawaï, c’est faire des gâteaux en forme de personnages de manga, découper des carottes en forme de feuille d’érable en automne. Parce que c’est tellement meilleur.
Le Kawaï, c’est afficher des personnages de mangas féminins pour vous dire merci dans les distributeurs de tickets de train. Parce que c’est tellement plus agréable.
Le Kawaï, c’est faire une collection de tampons. On en trouve partout : dans les stations de métro à Tokyo, dans les gares de campagnes, dans les musées, les lieux sacrés… Parce que ça fait un super souvenir.
Le Kawaï c’est aussi mettre des plots de chantier en forme de lapins roses. Parce que c’est tellement plus sécurisant… Qui a dit que le BTP était un monde de brutes ?!
Le Japon, c’est vraiment drôle
Surtout quand ils veulent parler français. Il faut dire que la France a un grand prestige à leurs yeux. Pour sa nourriture raffinée et ses marques de luxe entre autres.
Alors ils adorent utiliser des mots français, pour les enseignes de magasins, pour de petites citations sur des sacs, des tasses ou autres.
Malheureusement ce n’est pas toujours du Made in France…
Le Japon, c’est parfois étrange
Après quelques temps passé au Japon, on se dit quand même qu‘il y a quelques petites bizarreries :
- Les restaurants sont fermés entre 15h et 18h. Et les bars ouvrent souvent jusqu’à 25 ou 26h…
- Il y a cette omniprésence de pubs, souvent sonores avec des voix de jeunes filles qui s’extasient.
- Il y a plein de gens qui font la circulation dans les parkings ou autour d’un chantier : on peut avoir 4 personnes pour un même passage piéton.
- Les chauffeurs de bus, de train, de taxis portent une casquette et des gants blancs.
- Dans les stations-service, le pompiste fait la circulation pour aider l’automobiliste à se réengager sur la chaussée. Bon, en général, son rôle se borne à lui faire signe quand la voie est libre, ce que l’automobiliste avait surement remarqué.
- Le goodie le plus distribué c’est le paquet de mouchoirs. Sachant qu’il est très mal vu de se moucher en public, on a trouvé ça plutôt ironique.
- A la fin d’une soirée organisée par quelqu’un, on attend que cette personne donne le signal de fin de soirée avant de partir. Une succession de claquements dans les mains avec un nombre et un rythme précis que tous les invités doivent réaliser simultanément. Mais quand ça nous est arrivé, le groupe a décidé de ne frapper qu’une seule fois dans les mains pour être sûr qu’on puisse le faire correctement. On n’aurait pas voulu gâcher la fin de soirée…
Le Japon, c’est carrément too much
Et il y a certains sujets qui nous ont fait redescendre de notre petit nuage…
Les hôtels capsules
Tokyo, et toute son aire urbaine, est une zone immense et surpeuplée. On compte 36 millions de personnes qui vivent dans la zone « économique » de Tokyo. Inimaginable.
Les migrations pendulaires se comptent quotidiennement en millions de personnes entre Tokyo et sa périphérie.
Et la place manque sérieusement. Autoroutes à étages, immeubles de plus en plus haut…
Alors ils ont trouvé une alternative pour loger temporairement un maximum de personne au mètre carré : l’hôtel capsule.
Évidemment on a testé.
Point de chambres ou de dortoirs, mais un alignement de capsules fermées par un rideau. Elles font 2m de long pour 1m de large et 1m de haut.
Le strict minimum.
Et la télé. Mais à part pour s’y cogner on ne voit pas trop l’intérêt, surtout qu’il y en a déjà une dans la salle commune. On a aussi un casier pour ranger nos affaires, mais bien sûr notre sac à dos n’y tient pas. On lui fera une place dans notre capsule.
Le lit est assez confortable, la pièce plutôt silencieuse puisque chacun est confiné dans son espace.
Les hommes et les femmes sont séparées et il est d’ailleurs assez difficile de trouver des hôtels qui acceptent les femmes. Évidemment ils sont plus chers et du coup le prix devient supérieur à celui d’une guesthouse confortable. Alors on n’a pas du tout été convaincus.
Le travail
C’est un sujet complexe, d’une part parce qu’on n’a jamais travaillé au Japon et d’autre part parce qu’il nous semble qu’il y a des choses qu’on ne pourra jamais comprendre parce qu’on n’est pas japonais.
Il y a bien sûr l’importance du travail bien fait et là ils prêchent des convaincus avec nous. Mais cela va au-delà. Une sorte d’aliénation frénétique.
Par exemple, on voit très souvent des gens courir au travail. Non pas courir pour aller au travail, mais courir dans le cadre de leur travail ! Alors qu’il n’y a aucune urgence. Du genre, une voiture arrive dans une station-service, le pompiste court à sa rencontre. Vous demandez un renseignement, la brochure est à 20m, la personne va courir vous la chercher. On a même vu des jardiniers courir pour changer d’outil. Ca nous paraît dingue.
Il y a les courbettes et les mercis. Tout le temps. On s’apprête à sortir du combini (juste une petite supérette) :
« Arigato gosaimaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaas » En général on n’entend pas le « s » final parce qu’on a déjà quitté le magasin.
Il y a aussi la vénération du chef. On doit toujours utiliser un haut niveau de langage pour parler à son chef. On ne parle pas de vie privée avec ses collègues, il ne semble pas vraiment y avoir d’amitié au travail mais par contre il y a des soirées au bar organisées régulièrement et il n’est pas vraiment possible de s’y soustraire. Une fois sur place, on boit tant que le chef boit, quitte à être malade, et on part quand le chef part. Ce n’est pas le même concept de soirée-boulot que chez nous…
Et puis il y a les vacances. Je me rappelle avoir posé la question :
« – Mais tu as des vacances dans ton travail ?
– Oui bien sûr, j’ai une semaine en avril et 4 jours en fin d’année, et puis d’autres jours dans l’année.
– Non, mais ça ce sont les jours fériés dont tu me parles. Mais des vacances ?
– Ah, ça !? J’ai deux semaines de vacances, mais ce serait vraiment mal vu si je les prenais en laissant mes collègues travailler en mon absence. »
Non, vraiment, il y a des choses qu’on a du mal à comprendre !
Et enfin, un jour, vient le moment de la retraite bien méritée. Et là on a entendu plusieurs retraités nous dire : « Oui, je suis en retraite, je ne travaille que quelques jours par semaine« .
Voilà, voilà…
Les sacs plastiques
Là c’est un peu notre coup de gueule ! Voilà encore une belle mascarade de politique environnementale. Au Japon,les rues sont très propres. Et pourtant il est parfois difficile de trouver une poubelle dans les villes : les gens ramènent leurs déchets à la maison. Super.
Il y a par contre une multitude de poubelles pour trier ses déchets : les bouteilles en plastiques, les cannettes, le papier, le verre et les autres déchets. Super.
Sauf qu’avant de penser au recyclage des déchets, il faudrait déjà penser à en produire moins ! Au Japon, on ne compte plus les produits emballés individuellement à l’intérieur d’un plus gros paquet. Genre des simples biscuits, des morceaux de fromage, des chocolats… Pourquoi ?
Et puis au supermarché ils donnent des minis sacs (semblables à ceux qu’on utilise pour acheter des fruits en vrac mais en plus petit) pour emballer ses courses, donc ils en utilisent des tonnes forcément.
Quel dommage !
Le neko-cafe, ou bar à chats
Passer son après-midi dans un bar à chats, caresser ces petites boules de poils qui viennent ronronner au creux de vos bras, c’est trop kawaiiiiiiiiiiiiiiiii !
Et puis ça fait partie des expériences socio-culinaires, non ?
Benoît se laisse convaincre et on se dirige vers un bar à chats.
Bon, on sentait quand même venir un truc de personnes dans un tel manque d’affection qu’elles n’ont plus que des chats de location pour trouver un peu d’amour. Ca ne manque pas.
Dès l’entrée, dans une glauque partie du quartier de Shibuya avec tous ces bars à hôtesses, sex shops et love hotel, ce bar à chats ne l’inspire guère.
Il faut payer en entrant le temps que l’on souhaite passer. On prend une demi-heure, le minimum. Et obligés de consommer une boisson. Ca nous revient à 16 € pour deux la demi-heure. Pas donné. Pourtant il y a du monde.
On commence par nous faire lire les règles : ne pas attraper les chats, ne pas toucher les chats qui ont un collier (c’est leur jour de repos), ne pas importuner les chats en hauteur (a priori, ils ne sont pas montés pour rien…), ne pas les nourrir avec notre nourriture, ne pas les faire jouer avec nos habits, ne pas toucher un chat en étant debout, de pas soulever les chats au dessus de sa tête, etc… Hey, mais c’est pas drôle votre truc !
A l’intérieur, dans un décor feutré, une poignée de gens tentent de jouer avec le seul chat actif. Tous les autres (les chats, pas les gens, quoique…) dorment ou ont un collier ou sont en hauteur. Certains achètent de la nourriture pour chat pour tenter de l’attirer. D’autres utilisent les jouets à disposition. Mais ça ne marche pas vraiment. Le chat ne s’approche pas d’eux.
Parmi les autres chats sans collier, peut-être 4 ou 5 sur la quinzaine de chats, c’est le grand repos. Ils dorment confortablement, et n’ont pas trop envie de se faire déranger.
Alors les gens sont là, assis sur des canapés, à regarder les chats dormir. Et à s’extasier devant le moindre mouvement – il y en a si peu. Et si un chat s’approche, tel le graal, c’est le moment des photos et selfies.
Sandrine tente d’un réveiller un, doucement, histoire de jouer un peu. Il grogne. Tout le monde la regarde : Mais tu es un monstre !
Tout cela est d’une grande tristesse, d’un pathétique car il ne se passe finalement pas grand chose. Les clients (ou devrait on dire les patients ?) ne retrouvent même pas le semblant d’affection qu’ils étaient venus chercher. Ils restent là, comme apathiques, à attendre qu’un chat daigne se frotter un peu à eux… La grande déprime ! Je ne sais pas trop ce qu’on est venu chercher ici, mais on en ressort abattu.
Les pachinko
Mais la palme du summum de l’horreur revient sans hésitation aux pachinko.
Pachinko, ce sont des machines à sous japonaises, plus exactement un croisement entre un flipper et une machine à sous. Et par extension, on appelle pachinko les salles où certains Japonais vont tenter de gagner un peu d’argent sur ces machines. En fait, il n’y a pas grand-chose à faire : des billes tombent en continu sur un plateau vertical, et le joueur ne peut influer que sur la vitesse d’écoulement des billes. Certaines vont tomber dans des trous spéciaux, déclenchant des bonus ou des cadeaux.
A force de voir des pachinko à tous les coins de rue, Sandrine a insisté pour y entrer.
On y est allé un petit quart d’heure. Un quart d’heure d’enfer.
Quand la porte s’ouvre, un bruit assourdissant s’empare de nous, qui nous brise les oreilles. Un bruit extrêmement désagréable : celui d’une forte ventilation, couplé à de la musique électronique de jeux vidéo des années 90, des voix et bruitages en japonais – de jeunes filles qui crient de joie et de virils hommes qui se battent, sur fond de bruits métalliques de pièces et billes qui tombent. C’est d’une violence inouïe, insupportable.
Et puis il y a aussi toute cette lumière, des néons, des couleurs flashys qui vous en mettent plein les yeux.
Et enfin il y a l’odeur de cigarette qui vous prend au nez et à la gorge. Ca fume dans tous les coins.
Au milieu de cet enfer, des hommes, majoritairement, « jouent » mécaniquement sur leurs machines dans l’espoir que le hasard leur fera gagner leur journée. Ils ont l’air lobotomisés, apathiques, à jeter mécaniquement leurs jetons dans les machines ou simplement à regarder les billes tomber. Le regard vide. Le bruit autour d’eux, la fumée de cigarette, rien ne les dévie de leurs machines infernales où sont projetés des animés avec des jeunes filles aux poitrines avantageuses au milieu des symboles de bonus gagnés, unique refuge en attendant désespérément le gros lot…
Comment peut-on s’infliger cela, pendant des heures ?
Terrible. On ressort groggys, choqués de cet enfer. Pour Sandrine, Las Vegas, à côté de cela, c’est un village tranquille.
Notre regard de voyageurs de passage sur la complexe société japonaise
Ce n’est bien sûr qu’une impression toute personnelle, tirée de nos observations et de nos échanges avec des Japonais et des expatriés.
La société japonaise nous a beaucoup plu par la richesse de son histoire, de ses traditions et le sentiment de respect qui émane de tout un chacun.
Et puis on s’est rendu compte que toutes ces règles, ces codes de vie, cet asservissement au travail, cette hiérarchisation à l’extrême sont finalement assez lourd à porter pour les Japonais. Les expatriés semblent un peu préservés, car « ce serait un peu compliqué pour eux de tout respecter », alors ils ont le droit à l’erreur.
Et si on imaginait les Japonais très excentriques, une fois entrés dans le monde du travail, on les a trouvés plutôt très « rangés ».
Mais si les Japonais ont été extrêmement accueillants avec nous, les gens de passage, il est pour eux assez difficile de se créer un réseau d’amis, dans le sens où on l’entend. Car, entre autres, le travail, en plus d’être très prenant, n’est pas un lieu pour se créer une vie sociale.
Avec comme conséquence, les Pachinkos, les bars à chats (?) et autres établissements non moins glauques. Et surtout un taux de suicide parmi les plus élevés au monde. Un terrible indicateur.
Alors on se demande si c’est le prix à payer pour pouvoir vivre dans une société si respectueuse de tout (quoique, on ne s’engagera pas sur leur comportement lors des pêches en pleine mer, par exemple…), si impeccablement organisée, si propre ? Dans une société où – et c’est la première fois que nous le voyons – le collectif semble prendre le pas sur l’individuel.
13 juin 2017 à 16:28
Aaaahhh le Japon, un de nos meilleurs voyages !
Ils sont complétement dingues la bas :)
On a fait le bar a lapins aussi, c’est sympa !
La bise,
Emilie