Brèves nippones #4 – Hiroshima, Nagasaki, deux villes de Paix

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Les noms de ces deux villes rappellent bien sûr l’innommable tragédie des bombardements atomiques qui les ont anéanties en août 1945. Pour cette raison, ces deux villes sont liées à jamais. Mais très vite après, les populations ont su se relever et ont été animées d’un sentiment, non pas de vengeance, mais bien de Paix. A Hiroshima et Nagasaki aujourd’hui, chaque jour, on œuvre pour une Paix à l’échelle de la planète, et pour la destruction intégrale de toutes les armes atomiques.

 

On a visité ces deux villes à deux semaines d’intervalle. Deux visites qui nous ont chacune profondément marquées.

 

 

Les musées de la bombe atomique

Hiroshima et Nagasaki ont chacune un musée dédié à la catastrophe qui les a frappées. Chacun retrace, dans une première partie, ce qu’il s’est passé respectivement le 6 août et le 9 août 1945, par de belles matinées d’été. Le décollage d’un avion américain muni d’une bombe atomique, une fois à l’uranium, l’autre au plutonium. Le largage de la bombe au-dessus de la ville. Les conséquences de cette explosion nucléaire, tant les effets thermiques que les effets liés au souffle de l’explosion, les incendies majeurs qui ont suivi, puis les effets à plus long terme, les radiations.

 

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Tout cela est appuyé par une quantité de photos et d’objets d’époque : objets fondus par la chaleur, traces de brûlures sur les bâtiments, les vêtements, la peau, édifices soufflés par l’explosion, carcasses métalliques tordues, statues détruites. Quant aux radiations, on y explique leur origine et les effets constatés : anomalies cutanées, pertes des cheveux, destruction des muqueuses entraînant beaucoup de décès « à petit feu », explosion du nombre de cas de cancers et de leucémies dans les années qui ont suivi, forte incidence du nombre de malformations à la naissance. A noter que tout cela n’a pas encore été complètement élucidé d’un point de vue scientifique.

 

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Nombre de témoignages de survivants sont également retranscrits, ainsi que la très difficile et chaotique organisation des secours dans les jours qui ont suivi les explosions.

 

Bref, tout cela est extrêmement fort et poignant, violent également. Sur cette partie de l’exposition, les deux musées sont très semblables. Car malheureusement, il y a une forte similarité entre les deux bombardements, et un même effroyable épilogue : deux villes anéanties sur plus d’un kilomètre à la ronde de l’hypocentre, des dizaines de milliers de corps calcinés, et autant d’hommes, de femmes et d’enfants qui mourront lentement de leurs blessures dans les jours, semaines, mois ou années après l’explosion.

Simplement innommable.

 

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En visitant les deux musées, on vit les deux catastrophes de la même manière. A cela près que l’audio-guide proposé à Hiroshima est bien plus intéressant que celui de Nagasaki, qui lui n’apporte rien de plus aux panneaux textuels.

En revanche, les deux musées diffèrent grandement dans les exhibitions relatives à l’avant et l’après bombe A.

 

A Nagasaki, on explique clairement le contexte de l’époque, les guerres sino-japonaises en Mandchourie, la guerre du Pacifique et les différentes étapes qui ont mené à ce bombardement au cours de la Seconde Guerre Mondiale. On comprend de manière implicite que les tractations pour la reddition du Japon avait commencé et que même si le Japon refusait alors les termes des Alliés, le lancement de deux bombes atomiques était quelque chose de parfaitement inutile. Et le fait de les envoyer sans sommation préalable était quelque chose de particulièrement ignoble, dénoncé d’ailleurs par un certain nombre de personnes informées de ce qu’il se tramait.

 

A Hiroshima, par contre, ni le contexte de la Seconde Guerre Mondiale, ni les coupables de cette attaque, ne sont évoqués. On a d’ailleurs estimé que ça manquait un peu…

Mais ceci est complètement volontaire, car Hiroshima veut davantage montrer que la vengeance, la haine et la violence se nourrissent mutuellement, et ne peuvent mener qu’au chaos. Alors que le seul sentiment constructif qui puisse valoir après une telle ignominie doit-être, au contraire, la volonté d’une paix universelle sur Terre.

Cette idée nous touche particulièrement en ce moment, suite aux récents événements survenus au Proche-Orient et à Paris, entre autres. Et il nous semble que c’est cette volonté de paix que l’on devrait manifester encore plus fort aujourd’hui.

 

201511 - Japon - 0143Sur ce point, une partie de l’exposition est consacrée à Sadako Sasaki, une survivante du bombardement, âgée de 2 ans à l’époque, mais exposée aux radiations. Quelques années après, elle développe une leucémie. Elle décide alors d’entreprendre de plier mille grues en origami, suivant une légende japonaise qui dit que si l’on plie mille grues en papier reliées entre elles, notre vœu sera exaucé.

Malheureusement son vœu de guérison ne l’est pas, bien qu’elle en ait plié davantage selon la version relatée au musée, et elle décède en octobre 1955 des suites de cette leucémie. Ses camarades de classe décident alors de récolter des fonds dans tout le Japon pour ériger une statue en son honneur, à sa mémoire et celle de tous les enfants victimes de ce bombardement, en y associant une prière pour la Paix. Depuis, la grue en papier est devenue un symbole international pour la Paix. C’est clairement ce message qui est véhiculé à Hiroshima.

 

 

 

A Nagasaki, on parle davantage de l’armement nucléaire, de ses premiers développements au début des années 1940 jusqu’à nos jours. Cette partie est très intéressante et traite en parallèle de l’évolution des armes et des essais nucléaires, celle de la lutte contre le nucléaire militaire, et les grands événements et conflits de l’histoire récente. Ici, on parle davantage du désarmement qui, malgré de 201511 - Japon - 0561nombreux traités internationaux, n’avance pas. Notamment car Israël, l’Inde et le Pakistan n’ont pas signé et la Corée du Nord s’est retirée, ce qui permet également aux autres puissances signataires de temporiser dans leur engagement. Au jour d’aujourd’hui, la question de l’armement nucléaire est donc toujours dans une terrifiante impasse.

 

Un dernier film, très bien fait et très percutant, expose en quelques minutes la course à l’armement nucléaire, avec le compteur des essais nucléaires par pays qui défile de manière affolante. Ca a le mérite de donner une nouvelle perspective de l’ordre du monde, à nous Occidentaux. Car, à la louche, sur les quelques 2000 essais nucléaires perpétrés à ce jour, la moitié est attribuée aux USA, 700 à la Russie et 200 à la France. Pas de quoi être fier, quand on voit en parallèle que l’Amérique Latine et Centrale, l’Afrique, l’Asie Centrale et l’hémisphère Sud dans son ensemble ont proscrit toute forme d’arme nucléaire sur leurs territoires depuis pas mal d’années. Pourtant, ce sont bien nous qui jouons les donneurs de leçon et nous prétendons « pays développés ».

 

En sortant de ce musée, on peut légitimement se questionner : à quoi bon toutes ces armes et ces essais ? A quoi bon tous ces milliards dépensés ? Pourquoi tous ces traités que l’on ne respecte pas ? Juste pour se convaincre qu’on est bien équipés pour faire éradiquer l’humanité ? Bien triste dessein !

 

 

Les parcs de la Paix

Autour de ces deux musées, deux parcs sont dédiés au souvenir du bombardement et, surtout, à la Paix sur Terre. Mais en dehors de cette idée générale, ils sont bien différents l’un de l’autre.

 

201511 - Japon - 0564Le Parc de la Paix de Nagasaki est assez petit, sobre et épuré. Au niveau de l’hypocentre, juste en-dessous de là où la bombe a explosé, un pilier noir en marbre se dresse vers le ciel. En regardant en l’air, je me laisse vite prendre par l’émotion. C’est précisément là-haut, il y a 70 ans, que l’inimaginable s’est produit. Un mini-soleil est apparu et à anéanti la ville en moins de 3 secondes !

Juste à côté de ce pilier, un morceau de l’église d’Urakami. C’était avant la plus grande église d’Asie de l’Est. Après l’explosion, il n’en restait plus grand-chose, mais c’était quand même le seul édifice encore un peu debout à un kilomètre à la ronde. L’église a été reconstruite exactement au même emplacement, et un des morceaux d’origine, abîmé par la bombe, a été ramené à proximité de l’hypocentre, pour la postérité.

Dans une autre partie du Parc, un peu plus loin, on trouve les fontaines de la Paix et la statue de la Paix, ainsi que des statues offertes par différents pays, en guise de message de paix

Ca fait finalement peu de choses à voir, à absorber, mais ça présente l’intérêt de laisser un peu de temps et de disponibilité émotionnelle pour digérer, car on ne ressort pas indemne, je pense, de tout cela.

 

A Hiroshima, en revanche, c’est le profusion. On dénombre une soixantaine de mémoriaux, édifices, monuments, tombeaux commémorant divers aspects de cette atrocité, honorant différentes mémoires et dédiés aux enfants, à d’autres victimes en particulier, à la Paix, à l’abolition des armes nucléaires… Au milieu de cette abondance, difficile de tout voir et de tout comprendre. Seuls certains éléments, certaines images fortes demeurent.

Il y a bien sûr l’axe allant de la fontaine de la prière au dôme de la bombe A, en passant sous les arches du musée, le cénotaphe pour toutes les victimes et la flamme de la Paix.

 

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Il y a également le monument des enfants pour la Paix, la fameuse statue de Sadako Sasaki, entourée de chaînes de milliers de grues de papier envoyée du monde entier, comme celles que la jeune fille avait pliée pour tenter de guérir de sa leucémie. On a d’ailleurs été surpris du grand nombre d’enfants présents chaque jour dans le parc de la Paix. Il semblerait que chaque enfant du pays doive se rendre ici avec sa classe. Et ça dépose des origamis, et ça prend des photos de classe devant la flamme de la Paix, et ça visite le musée. Il y a des élèves partout, en uniforme bien entendu !

Parfois, ils se rassemblent aussi sur le bord de la rivière, face au dôme de la bombe A, et chantent en chœur. Probablement un texte pour la Paix, même si on ne l’a pas compris. En tout cas, c’est un très beau moment, et de belles images.

 

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Car je le trouve beau, le dôme de la bombe A. C’était autrefois un superbe bâtiment, qui faisait office de chambre de commerce et d’artisanat améliorée. Situé à 600 mètres de l’hypocentre, il a été très abîmé par l’explosion. Sa coupole en bronze a notamment fondu instantanément, toutes les vitres ont été soufflées, et une bonne partie de la structure s’est effondrée. Mais, symboliquement, il est quand même resté debout. Le débat a longtemps agité la population locale pour savoir quoi en faire, et il a finalement été décidé de le laisser en l’état, en faisant juste le minimum d’actions pour qu’il ne s’effondre pas. Il est aujourd’hui un témoignage visuel très impressionnant de cette terrible attaque.

 

Ses morceaux de béton tombés à ses pieds, ses ferraillages tordus et rompus, ses signes de fissures, aujourd’hui discrètement rebouchées, et l’ossature métallique de sa coupole encore présente, bien que déformée. Tout cela lui donne paradoxalement beaucoup de force. Et il règne là, entouré de barrières, tel un sanctuaire sacré, inaccessible, intouchable. Ou presque.

 

En effet, sous un beau ciel bleu, un oiseau vient de se poser dessus, tout en haut sur un coin. Comme un symbole, cet oiseau est une grue, mais pas de papier. Et cette grue domine tout le parc de la Paix de là-haut. L’image de cet oiseau au-dessus de ces ruines, c’est celle de la vie qui reprend le dessus sur la mort, de la beauté de la nature sur la folie des hommes, de la lumière sur les ténèbres. C’est une très belle image d’espoir.

 

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2 commentaires sur “Brèves nippones #4 – Hiroshima, Nagasaki, deux villes de Paix


     Oliwdm a écrit :

    2 décembre 2015 à 10:10

    Merci pour cette belle description.
    Aujourd’hui malheureusement, malgré tous les mémorials et les peuples qui aspirent à la paix universelle, la guerre mondiale est plus que jamais un mode de vie nécessaire à un certain ordre mondial… comme un cercle vicieux.
    Bises de Bordeaux


       Frisita (voyagepartageetpotage.com a écrit :

      5 décembre 2015 à 14:34

      Les mémoriaux, c’est comme le respect des lois : c’est réservé au petit peuple :)

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