Brèves Nippones #21 – Les restaurants conceptuels
PubliÉ le Catégories : Japon, Plats et traditions. Tags : culture alimentaire, curiosité, restaurant.
On a déjà parlé des izakaya, ces bars traditionnels où l’on vient surtout pour boire des coups. Un concept assez proche de ce qu’on connaît par chez nous, en fait. Mais il existe un grand nombre de restaurants au Japon avec des principes de fonctionnement bien plus novateurs et originaux que les izakaya. Petit tour d’horizon de ceux qu’on a pu tester au cours de ce voyage.
Les yatai de Fukuoka
Dans le principe, les yatai n’ont rien de bien différent d’un izakaya. Ce sont des petites cuisines entourées d’un comptoir autour duquel on boit de la bière ou du sake, on fait connaissance avec ses voisins et on goûte des petits plats maison (ramen, tempura, oden, yakitori…).
Sauf que les yatai sont des cuisines installées en pleine rue, et simplement fermées par des bâches en plastique ! Des izakaya de fortune en somme. Dans de nombreux pays, dîner sur de tels stands de rue est une chose relativement courante, mais au Japon, le pays de l’organisation, de l’ordre et de la propreté, c’est quand même assez incongru !
Les yatai sont une des attractions majeures de Fukuoka, la grande ville de l’île du Kyushu. A vrai dire, on en n’a pas trouvé ailleurs. Les rues à yatai ont ce petit quelque chose de chaleureux et convivial. Il est plaisant de se balader de l’un à l’autre, en jetant un coup d’œil derrière les bâches pour se faire une idée de l’ambiance et de la cuisine qui y règne. Par contre, une soirée dans un yatai revient vite assez cher. C’est du même niveau de prix qu’une soirée dans un izakaya. Pour le coup, niveau économique, on est loin des standards de la cuisine de rue !
Les machines à boissons, à nourriture, à tickets…
Au Japon, les machines à boissons, c’est comme les toilettes. Il y en a partout. Rares sont les lieux où on n’en trouve pas quand on regarde autour de soi ! C’est assez hallucinant. Certaines machines sont assez classiques, et proposent des boissons fraîches sous forme de canettes ou de bouteilles plastiques : eau, soda, thé glacé, café froid…
Là où ça devient plus intéressant, c’est qu’elles proposent aussi des boissons chaudes, également sous forme de canette. Essentiellement différents types de café. La majorité des machines sont même mixtes : elles proposent à la fois des boissons fraîches et des boissons chaudes.
A noter que certaines machines offrent également un accès wifi gratuit. Ça peut toujours servir !
Les machines à nourriture sont plus rares dans la rue, mais on en a trouvé souvent sur les aires d’autoroute. Mais au lieu de proposer les snacks habituels genre barres chocolatées, chips et autres, on y trouve surtout des plats chauds : riz, frites, beignets de viande ou de légume… Une fois la commande passée, un micro-ondes intégré à la machine réchauffe le plat, avant qu’il ne soit servi une trentaine de secondes plus tard. Intéressant si on a un petit creux en roulant en pleine nuit.
A l’autre extrémité de la chaîne du froid, on trouve aussi des machines à glace, qui distribuent généralement des cônes glacés ou ce genre de chose.
Enfin, dans de nombreux petits restaurants, on trouve aussi des machines… pour commander. Les différentes touches de la machine correspondent aux différents plats, boissons, et options associées. On y insère notre monnaie, on appuie sur ce qu’on veut commander, et on reçoit un ticket que l’on donne au serveur du restaurant. Il n’y a plus qu’à s’installer à table et attendre d’être servi. Parfois même, un petit numéro est associé au ticket, et le cuisinier appelle ce numéro quand le plat correspondant est prêt. Même plus besoin de service dans ce cas.
A noter enfin qu’à table, les baguettes sont toujours à disposition dans un petit tiroir, avec souvent des petites coupelles, la sauce soja, des condiments, mais aussi des verres et une carafe d’eau ou de thé.
Ces restaurants à tickets sont parmi les moins chers du Japon, car ils nécessitent moins de personnel pour le service. Un plat y coûte en moyenne 400-600 yen, soit 3 à 5€, et un peu plus pour une formule complète avec soupe miso et divers racines marinées. On n’y sert pas, bien sûr, les plats les plus fins, mais en général c’est très bon, équilibré et copieux ! Parfait pour manger sur le pouce un curry, des nouilles ou un bol de riz à la viande.
Les sampurus
Les machines à tickets, c’est bien pratique, mais il faut quand même savoir lire le japonais pour comprendre ce qu’il y a à manger derrière chaque touche. Heureusement, nombre de restaurants, à machine ou non d’ailleurs, utilisent un concept purement japonais : les sampurus, autrement appelés fake food chez nos amis anglo-saxons.
Les sampurus, ce sont des modèles en plastique des plats à la carte, qui sont installés dans les vitrines des restaurants. On les utilise pour montrer ce qu’il y a à manger, et à quel prix. Mais attention, on est loin de la pauvre tomate de dînette ! Les sampurus paraissent extrêmement réalistes, en tout cas la plupart du temps, et donnent vraiment une idée très précise de ce à quoi ressemblera notre assiette, tant dans le contenu, la quantité ou la présentation. Et pour n’importe quel plat, on peut trouver un sampuru : nouilles, plats de riz, œuf, poisson, viande, curry, soupe, huîtres, fruits de mer, aliments frits… C’est vraiment d’un réalisme confondant !
On a voulu en savoir davantage sur les sampurus. Pour cela, on est allés dans la ville de Gujo-Hachiman, dans la province de Gifu, qui est un peu la capitale des sampurus. Là, il est possible de visiter un atelier où sont exposés de nombreux échantillons, parfois très complexes et toujours très vraisemblables. De nombreux petits échantillons sont également à vendre, notamment sous forme de magnets. Mais bon, on ne savait pas trop quoi faire d’une fraise ou d’une huître en plastique, qui ne fait même pas pouet pouet quand on appuie dessus !
Mais surtout, on est venu pour s’essayer nous-mêmes à la fabrication de cette nourriture en cire ! Au programme de l’atelier : tempuras de crevettes et/ou de légumes, et cœur de salade.
Le matériel de base pour la confection des sampurus est une sorte de cire plastique liquide de couleur. On verse celle-ci dans un bain d’eau tiède, de sorte de pouvoir la façonner à la main, avant de la plonger dans l’eau froide pour qu’elle se fige dans une forme définitive.
Pour les tempuras, la crevette et les légumes en plastique sont fournis de base, et il n’y a plus qu’à faire la friture jaune autour, en dispersant de petites gouttelettes de cire sur l’élément de base.
Pour la salade, en revanche, c’est une autre histoire. On verse d’abord de la cire verte et de la cire blanche dans l’eau tiède. Puis par un mouvement d’agitation, les deux couleurs viennent se recouvrir partiellement. Un mouvement d’ondulation, ensuite, donne la texture flétrie de la salade. Enfin, on replie l’ensemble sur lui-même pour former une boule. Balaise !
Dans l’atelier, on peut aussi visiter quelques artistes de la nourriture en plastique à l’œuvre. Et par-ci par-là, dans des boîtes transparentes, un petit quizz est proposé : entre les deux aliments présentés, lequel est en plastique et lequel est comestible ?
Pas si simple, car on s’en est tirés avec un piètre 2/5 chacun !
Alors, à vous de jouer maintenant : sur ces deux photos, est-ce du plastique ou de la vraie nourriture ?
Le ramen shop
A Fukuoka, on a testé un restaurant de ramen de la chaîne Ichiran, l’une des plus célèbres pour déguster les fameuses nouilles japonaises. On s’y est d’ailleurs retrouvé invités par Toshitaka et Keiko, un couple qui nous a pris en auto-stop.
Dans ce restaurant, tout commence là aussi avec une machine à tickets. Ensuite, on s’installe le long d’une longue table, dans des box individuels séparés par des petites cloisons rabattables. Pratique pour choisir si on veut discuter avec son voisin ou rester en tête à tête avec ses nouilles…
Sur la table devant nous, on a un petit formulaire à compléter, avec des cases à cocher : il faut indiquer comment on veut nos ramen. Et là, tout est paramétrable : le goût du bouillon (du moins fort au plus fort), son niveau de gras, si l’on veut du porc en plus ou non, si l’on veut de l’ail en plus et quelle dose, quel type d’oignons pour mettre par-dessus les ramen, quel degré de cuisson des ramen (du plus dur au plus mou) et enfin quelle dose de sauce « spéciale » des Hakata Ramen, une sauce réputée particulièrement épicée… Vaste choix !
En attendant notre commande, petite description de l’organisation du box, particulièrement bien faite. Sur une petite étagère dans le coin de chaque box, on trouve des verres et des baguettes. A côté, un petit robinet individuel sert de l’eau fraîche. Et un autre petit papier sur la table, si jamais on veut du rab de ramen dans son bol. Et derrière le tabouret, un cintre et un porte-manteau. C’est une masse de petits détails, certes, mais à chaque fois on se dit que, quand même, c’est bien fait, pratique et bien pensé !
Quant aux ramen, elles étaient excellentes, et conformes à nos choix. Parfait pour un déjeuner réchauffant et bien nourrissant.
Le Sushi-Nova
Voilà une chaîne de restaurants que l’on a trouvée par hasard à Tokyo, et qui présente un double intérêt. Tout d’abord, et principalement, on peut y déguster des sushis, des nigiris, des makis et autres produits à base de poisson cru de bonne facture pour un prix très abordable.
Mais le concept du service y est aussi particulièrement original.
A notre table, on retrouve le classique tiroir à baguettes, les condiments (sauce soja, gingembre, wasabi), les soucoupes, les tasses, mais aussi une boite de thé matcha et un robinet d’eau chaude, pour se resservir en thé à volonté. Sympa comme tout !
Et surtout, il y a une tablette tactile avec toutes les pages du menu, triées par type de plat (les nigiris, les makis, les soupes, les boissons, les desserts, les sélections du mois…) ou alors classifiées par prix. Avec une photo pour chaque item.
Pour commander, il suffit de cliquer sur le ou les items, de préciser la quantité et de valider. L’ordre est alors envoyé en cuisine. Et peu de temps après, sur un tapis roulant juste à côté de la table, notre commande arrive en s’arrêtant pile à notre hauteur. Il est même possible de commander gratuitement, par l’intermédiaire de la tablette, un supplément de wasabi ou de sauce soja sucrée !
Avec tout ça, le personnel n’a plus grand-chose à faire : encaisser l’addition, gérer certains items non pris en charge sur le tapis roulant (comme les bouteilles en verre), débarrasser, assister le client et gérer en cas d’erreur ou de rupture de stock en cuisine. Un nouveau métier, quasiment.
Par ce principe, le personnel dédié au service est réduit au minimum, ce qui diminue le coût du repas. Aussi, comme on commande les sushis à la paire ou à l’unité, on peut facilement s’adapter à notre faim ou notre budget. C’est ainsi qu’on a pu se faire de copieux repas de sushis, de qualité très correcte, à Tokyo, pour moins de 10 € par personne, sake inclus. Quasiment imbattable.
Le restaurant Hatsuse à Osaka, pour cuisiner son propre okonomiyaki
Osaka et Hiroshima se disputent la parenté de la célèbre recette de l’okonomiyaki. Dans les deux villes, c’est une des spécialités locales à tester, et forcément, ici, c’est le vrai okonomiyaki et il est bien meilleur que celui de là-bas.
Au musée de l’okonomiyaki d’Hiroshima, on avait appris à cuisiner la version locale. Et bien à Osaka, il est également possible de le cuisiner soi-même, au restaurant ! Pour tenter l’expérience, on est allé chez Hatsuse, dans le quartier de Dotonbori.
C’est un restaurant typiquement japonais, avec des tables basses disposées dans des box fermés. Mais ici, au milieu de la table, on trouve une grande plaque de cuisson chauffée au gaz, par le dessous. A côté, on a un plateau avec deux grandes spatules – celles utilisées pour retourner l’okonomiyaki, deux petites spatules – pour le couper, ainsi que la sauce soja (inutile pour cette recette), la sauce okonomiyaki, les algues en poudre et des petits flocons de poisson séché : les bonito flakes.
Pour la commande, il y a juste à choisir les ingrédients de notre okonomiyaki. Pour nous, on fera la version classique au porc, option fromage bien sûr, et une version plus originale, aux huîtres !
Quant à la préparation de la recette, la principale difficulté est de le retourner pendant la cuisson, d’un geste rapide et précis pour qu’il ne se casse pas pendant la manœuvre. Autrement, rien de bien compliqué puisque la pâte de base est fournie toute prête. Il y a juste à la mélanger et la faire cuire.
Et le résultat final est franchement très bon. Comparativement à la recette d’Hiroshima, l’absence de nouilles donne une pâte mieux équilibrée et au goût plus prononcé. Le chou, mélangé au préalable à la pâte, est aussi cuit plus uniformément et paraît plus fondant.
Et puis surtout, c’est quand même bien plus fun de choisir ses ingrédients et de préparer son okonomiyaki soi-même !