Comme un air de fête aux Philippines
PubliÉ le Catégories : Philippines. Tags : fête, noël, nouvel an, tradition.
Noël approche !
Et notre grande préoccupation en cette période c’est de trouver un lieu où retrouver l’ambiance de Noël.
Etant en Asie on a fait une croix sur la famille et la neige : cette année on va fêter Noël en tongs !
Mais surtout nous voulons être dans un pays où cette fête est ancrée dans une tradition autre que commerciale. Il est donc temps de quitter le Japon, où les seules références à Noël se trouvent dans les malls, où les publicistes rivalisent de kawaï de mauvais goût en rouge et blanc pour faire vendre, où chaque magasin diffuse une version remasterisée quelques octaves plus haut et en japonais des chants de Noël de notre enfance.
Direction donc les Philippines, le seul pays majoritairement chrétien d’Asie !
On choisit d’arriver à Kalibo, un petit aéroport dans les Visayas, le centre des Philippines, ce qui nous permet surtout d’éviter Manille, qui n’a pas très bonne réputation.
Kalibo, c’est surtout l’aéroport de ceux qui veulent aller à Boracay, une toute petite île aux plages de rêve, mais dont la verdure a été remplacée peu à peu par du béton. Boracay, maintenant c’est l’île touristique par excellence, l’île de la fête aussi. Exactement l’opposé de ce que nous cherchons : fêter Noël entre un australien éméché et une selfiste sud-coréenne (pardon pour ces clichés…), non merci !
Nous ce qu’on voudrait c’est trouver une famille acceptant de nous recevoir pour ce moment particulier de l’année. Mais ce n’est pas si facile de s’incruster ainsi alors que nous ne sommes qu’à quelques jours de Noël.
Finalement nous dénichons sur AirBnB un petit bungalow à louer dans le jardin de Jeanie et René, un couple Germano-philippin qui ont fui Boracay il y a 13 ans pour s’établir au calme à Buruanga. Lui n’est pas là pour les fêtes mais Jeanie et sa famille nous accueillent à bras ouverts.
Et c’est ainsi que nous nous retrouvons immergés au sein d’une famille philippine dans un petit village perdu entre rizières et mer.
Le 24, sous le sapin
« Noël, on fête ça surtout le 25. » nous dit Jeanie. « C’est plutôt pour les enfants, on organise des jeux pour eux, vous allez voir c’est très marrant, on invite aussi les voisins, il y aura plein de monde !« .
En attendant, le 24 au soir, Jeanie et sa famille se retrouvent autour d’un beau dîner. Jeanie passe quelques heures en cuisine à préparer le repas. On voudrait aider mais on sent bien que la cuisine c’est son pré carré. Alors on vaque à des occupations d’après-midi de Noël : on prend un peu de temps pour nous, on se fait beau – dans la limite des habits disponibles… -, on emballe des cadeaux…
Le soleil se couche, on allume le sapin. Un joli sapin en plastique, décoré avec goût en rouge et argent. On reconnait la touche allemande. On dépose nos cadeaux au pied, la distribution ce sera pour demain.
Les frères et sœurs de Jeannie, qui sont aussi leurs voisins, arrivent et démarrent l’apéro. Il n’y a pas de chichis, les gens ne sont d’ailleurs pas vraiment bien habillés. Un vieux short et un t-shirt de basket font l’affaire. On sort les bouteilles d’1L de Gold Eagle, une bière locale assez basique, le rhum Tanduay et le coca, des verres, et chacun se sert.
Pas d’amuse-bouches, on boit, on papote et on rigole.
On commence à entendre des chants au loin dans le village. Petit à petit ils se rapprochent, toujours le même air. Une petite chorale passe de maison en maison, ils ont de 10 à 60 ans et font vivre l’esprit de Noël à travers ces chansons qu’ils interprètent joliment.
On a beau être en tongs, se battre contre les moustiques et boire de la bière, en les écoutant, on est quand même transporté par la magie de Noël, le sourire aux lèvres.
Le temps passe et on ronge un peu notre frein avec Benoît. On sait que Jeanie a préparé plein de trucs à manger, son frère s’occupe du barbecue et nous on a carrément faim. Il faut dire qu’on a fait léger ce midi en prévision. Et aussi parce qu’on n’a pas trouvé de restaurant ou boui-boui dans le village, alors on s’est rabattu sur un hot dog d’un camion Franks n’ burger : je crois le pire qu’on n’ait jamais mangé. Même un américain croisé dans les environs nous a indiqué que c’était un très mauvais hot dog, c’est dire !
Jeanie a aussi préparé une belle table, c’est-à-dire qu’elle a mis une nappe en tissu. Elle commence à y déposer les plats : les festivités culinaires vont enfin démarrer. Il doit être 21h. On est vraiment curieux de voir ce qu’on mange pour Noël ici…
Eh bien c’est pour le moins éloigné de nos habitudes françaises !
Nous avons eu droit à du poisson et du lard grillés au barbecue qu’on trempe dans une sauce soja citronnée, miam. Accompagnés avec du riz blanc, un mélange de deux types de nouilles locales revenues avec du poulet et quelques légumes et des spaghettis sucrées à la sauce tomate. C’est bon, mais c’est quand même principalement des pâtes et du riz blanc :)
Chacun se sert une bonne assiette et on commence à manger. Avec Benoît on poursuit les conversations amorcées à l’apéro alors qu’on sent que la famille est plutôt focalisée sur le repas.
« Resservez-vous, mangez, mangez ! »
Oui, enfin on n’est pas pressé, c’est Noël quand même !
Jeanie se lève et se dirige vers la cuisine, on se demande ce que va être la suite du dîner. En fait elle a fini de manger, les hommes un peu plus gourmands se resservent mais rapidement chacun se lève et retourne s’asseoir à la table de l’apéro. On est toujours en train de sucer les arrêtes de notre poisson. Il est 21h20. Le repas du réveillon c’est fini. Quant au dessert, ça restera un doux rêve.
On vous l’avait dit, c’est pour le moins éloigné de nos habitudes françaises !
Le 25, mets ton petit doigt dans ma bouteille
On s’endort comme des enfants qui attendent impatiemment de découvrir leurs cadeaux de Noël au petit matin. Nous on attend cette fameuse après-midi qu’on nous a promis comme très drôle, parce que la vieille on est un resté sur notre faim, au propre comme au figuré.
On a de la chance, il fait très beau et petit à petit le jardin se remplit. Nous sommes rapidement une vingtaine et pas mal d’enfants comme prévu. Angelina et Sandra me sautent dessus, ce sont deux ados et elles veulent faire des photos avec nous avec leur téléphone. En moins de 5 minutes nous voici « amies » sur Facebook et je me découvrirai plus tard taguée au milieu de selfies de jeunes filles de 15 ans regardant langoureusement l’objectif de leur téléphone, les lèvres peinturlurées. Même dans un petit village perdu dans la campagne philippine, Facebook et les selfies font déjà des ravages dans la vie des teenagers.
Les filles nous emmènent faire un tour à la rivière et on se jette tous à l’eau. Dehors la chaleur est écrasante et cette première baignade depuis… depuis l’eau glacée d’un lac de Mongolie… nous ravit. Joyeux Noël !!!
14h, il faut rentrer de la rivière car les jeux vont commencer. Les filles sont impatientes !
La musique bat son plein, Andy s’est déguisé avec des feuilles et danse déjà sur la pelouse.
On démarre avec des chaises musicales, puis un équivalent où on doit monter à deux sur une feuille de papier qu’on coupe en deux à chaque round. Ensuite vient la course de sacs à patates puis celle en relais avec un citron posé sur un cuillère qu’on tient entre nos dents.
A chaque jeu on applaudit le gagnant vite fait mais il n’y a pas de cérémonial autour de la victoire, tout est très bon enfant. On est là pour s’amuser, pas pour gagner, tout le monde rit tout le temps, les adultes jouent avec les ados et les enfants. L’ambiance est vraiment très agréable.
Et puis vient le jeu de la banane, où on doit manger le plus vite possible une banane coincée entre les jambes d’une personne du sexe opposé assise en face. Ok, soit.
Suivi par le jeu de l’œuf, qui se joue aussi en couple. Chacun a un œuf cru dans un sac attaché à la ceinture. Et par des mouvements de balanciers on ne peut plus suggestifs il faut éclater les deux œufs.
Pour se terminer en apothéose par le jeu que nous avons nommé « Mets ton petit doigt dans ma bouteille« . Un autre genre de chaises musicales, où les chaises sont remplacées par des femmes qui tiennent des bouteilles vides entre leurs jambes. Et lorsque la musique s’arrête les hommes qui tournaient autour se jettent pour mettre leur petit doigt dans le goulot de la bouteille.
Grande classe ! Aux Philippines, on sait s’amuser.
Vient ensuite l’heure des cadeaux. Jeanie avait organisé un « Noël canadien », c’est-à-dire que chacun devait ramener un petit cadeau peu cher (ici la limite donnée était de 30 pesos, 60 centimes !) et on tire au sort le destinataire. C’est ainsi que Benoît se retrouve avec des élastiques et des pinces pour les cheveux, et Sandrine une tasse aux motifs défraichis.
L’ambiance grosse fiesta se poursuit toute la journée et jusqu’en début de soirée. Les caisses de bière défilent, on continue les jeux de kermesse, plutôt pour les enfants cette fois.
Il faut attraper des pièces dans un bac d’eau, puis en retrouver d’autres dans un bac de farine. On jette aussi des pièces à la manière d’un bouquet de mariée, et les jeunes se jettent pour en ramasser le plus possible. Pour eux ce sera leurs étrennes de Noël.
A la nuit tombée, les gens s’en vont peu à peu, l’ambiance retombe. De temps en temps on voit des gens manger, séparément. On se demande quand sera le dîner, surtout qu’on a quasiment rien déjeuner ! On attend patiemment puis on se rend compte que les derniers partent se coucher. Alors nous aussi, sans manger. On se rattrapera sur notre paquet de truffes en chocolat acheté à Hong Kong…
Décidément ce Noël est à l’opposé des orgies de nourriture habituelles :)
Mais on retiendra surtout de cette journée de Noël, le soleil, les sourires, la simplicité. Tous ces gens qui ont passé l’après-midi à jouer et à rire vraiment tous ensemble. Tous ces gens qui nous ont accueillis au pied levé et nous ont intégrés aux festivités comme si nous étions des leurs.
Saurait-on accueillir chez nous deux invités de dernière minute à notre repas de Noël ?
On se retranche derrière l’idée que chez nous ce n’est pas pareil, Noël c’est plutôt un repas de famille qui s’éternise, certainement ennuyeux pour un étranger. Mais en vrai, l’esprit de Noël ne serait-ce pas justement d’ouvrir sa porte ? De faire une bonne action, comme l’ours Michka dont ma grand-mère me racontait des variantes de l’histoire à chaque Noël.
Ca nous a fait beaucoup réfléchir.
2016, nous voici
Pour le 31 cette fois-ci, on a bien envie de faire la fête. On choisit une grande ville, Dumaguete et une auberge-resto-bar appelée la Fiesta qui d’après les commentaires élogieux de M. Internet offrirait un parfait mélange de locaux, d’expatriés et de voyageurs.
Bon quand on arrive, il y a bien des locaux – de jeunes philippines – qui semblent être les femmes des expatriés – des habitués à l’âge de la retraite, anglo-saxons ou allemands. Quant aux voyageurs, c’est nous. Le patron, Ralph, allemand encensé par la critique, nous apparait faussement sympathique. Un sourire de façade mais les attentions il les garde pour ses habitués.
On sent que ce n’est pas folichon, mais Ralph nous vend bien (et cher d’ailleurs) sa soirée de réveillon : de la nourriture à profusion, un concert, des feux d’artifice et même une coupe de Champagne pour changer d’année. « Y aura plein de monde qui va venir. » Va, pour la soirée à la Fiesta alors.
En attendant on profite de ce que le coin a à offrir.
On fait la rencontre de David et Lina, un couple australo-philippin habitué du bar qui vit juste en face, au bord de la mer. Ils nous prêtent leurs masques et tubas pour aller découvrir les fonds marins. Ce sera un premier essai infructueux à marée basse. Mais un second essai magique à marée haute pour le 1er de l’an. Une barrière de corail colorée, des étoiles de mer bleues, des oursins avec des petits yeux rouges, des petits poissons de plein de couleurs différentes, dont certains qui se nagent en position verticale. Et même une longue anguille de mer qui se faufile. Magnifique.
Le 31, probablement poussés par l’instinct qu’on n’avait pas besoin de trop s’économiser pour la soirée, on part en escapade au Lac Balanan. A peine 1h de bus et 30min de habal habal (un taxi moto local) au milieu de vertes montagnes, des rizières avec la mer en arrière plan. Superbe. On entame le tour du lac, à peine deux heures de marche, dans la végétation tropicale, quelques habitations de pêcheurs très isolées et des carabaos qui se prélassent dans l’eau. A la fin de cette marche on est récompensé par une piscine à débordement alimentée par une rivière. Rafraichissant et relaxant.
Mais maintenant il est l’heure d’aller fêter le Nouvel An !
Le 31 de la lose
On commence par se chauffer avec quelques rhums maisons dans notre chambre et on rejoint le bar à 20h. Quelques vieux expats discutent autour d’une bière. Un soir classique. Sauf pour les serveuses qui elles sont sur leur 31, dans leurs (très) courtes et (très) moulantes petites robes.
Ralph, qui lui est toujours dans son vieux short, a réuni des guitares, un clavier électronique et une boite à rythme. On s’attend à un grand moment de culture rock, mais finalement même pas un petit air d’harmonica.
Le buffet, lui, est de bonne facture, il faut dire que Ralph et sa femme sont de bons cuisiniers. Alors on a droit à un délicieux gratin dauphinois, de très bonnes lasagnes, du vrai pain maison, une salade de pâte, du riz blanc, quelques schnitzels et du poulet. Ralph nous annonce la couleur : il y a encore plein de choses à venir. Parfait, on ne se gave pas trop alors.
On discute avec une philippine, seule avec son fils, son mari américain étant occupé ailleurs. Pas super intéressant. Heureusement David et Lina arrivent et sauvent notre soirée. On profite aussi d’une bouteille de Pastis nonchalamment exposée sur le bar. Pastis et gratin dauphinois : le meilleur moment de la soirée !
Après tout ça, il est déjà… 21h30… La soirée va être longue.
On attend avec impatience la suite du buffet : deux pizzas et deux nouveaux schnitzels. Rien de plus. Pas même un petit dessert… On se sent un peu pris pour des jambons !
En même temps il y a une quinzaine de convives tout au plus, difficile de faire un buffet très varié. Mais quand même un dessert, mince… Du coup on finit par remettre le couvert sur le gratin dauphinois froid.
Contre toute attente, minuit arrive assez vite. David et Lina sont vraiment d’intéressante compagnie. Et là nous vivons le changement d’année le plus mou de notre vie.
Je regarde ma montre :
23h59min45s : Personne ne semble prêter attention.
23h59min55s : Pas de décompte, ma montre doit être en avance.
00h00min00s : Je souffle un discret « Bonne année » à Benoît, j’attends le décompte officiel.
00h04min : Ok, c’est officiel, tout le monde s’en fout du nouvel an. Personne ne dit rien. Comme on dit, le nouvel an est passé comme une lettre à la poste. Un jour de grève.
Il faut dire que quelques invités étaient déjà partis à 23h, et qu’en ce moment Ralph est affairé à ouvrir le mousseux. Le doux, « parce que le brut il n’a pas de bulles » . Décidément…
00h12 : Happy new year !!!! Ca y est, tout le monde a une coupette alors on peut trinquer et se souhaiter la bonne année. Sauf avec trois quatre vieux allemands qui nous snobent complètement.
Place aux feux d’artifice. Ou plutôt aux gros pétards qui explosent bruyamment dans le ciel avec quelques étincelles. En plus du raffut inutilement généré parce que ceux des voisins étaient plus beaux, on est un peu déçu par tous ces pétards : ils en ont lancé quelques-uns dans les palmiers mais aucun n’a atterri sur la station essence de l’autre côté de la rue. Là, ça aurait mis l’ambiance !
Après tout ça, 3 des 4 serveuses filent, enfin délivrées ! Sans doute l’heure pour elles d’aller faire la fête en ville. La dernière qui doit rester tire la gueule, et on la comprend. Il ne reste que nous, un autre couple d’allemands et la famille du propriétaire.
00h45, le couple part. Nous aussi. La famille de Ralph et la serveuse rangent tout.
Fin de la soirée.