Le puzzle Indien
PubliÉ le Catégories : Inde. Tags : choc culturel, couchsurfing, difficultés, histoire, merveille.
Des vertes et des pas mûres
Notre voyage en Inde a commencé bien avant notre arrivée à l’aéroport international de Lucknow début mars.
Ce pays, le sous-continent indien comme on l’appelle, nous tenait beaucoup à cœur. On n’imaginait guère notre tour du monde socio-culinaire sans venir explorer sur place quelques-unes des multiples facettes de la gastronomie indienne, sans venir découvrir quelques-unes des civilisations millénaires qui s’y sont développées.
Au cours des mois de voyage qui y ont précédé notre arrivée, l’Inde s’est souvent immiscée dans nos échanges avec les routards rencontrés en chemin et dans nos lectures de blogs de voyageurs au long cours. Apparemment, un voyage en Inde ne laisse pas indifférent. Loin de là. Et on sentait que l’Inde avait ce quelque chose en plus, difficilement explicable, qui fait qu’on l’adore ou la déteste, ou les deux à la fois. A condition toutefois de parvenir à passer au-delà de tout ce qui fait qu’on la déteste.
Cette dualité nous a beaucoup travaillés, avec une intensité croissante à mesure qu’on se rapprochait de l’échéance. Comment pouvait-on détester un pays au point de vouloir en partir au bout de quelques jours ? Et si, nous aussi, ça nous arrivait ? Et si on n’arrivait pas à surmonter le violent choc culturel annoncé ?
Alors on a continué de creuser. Au point d’en être parfois obnubilé, presque malade. Au point où je n’arrivait plus à profiter de nos derniers beaux moments à Bali.
Il faut dire qu’on commençait à en lire des vertes et des pas mûres, y compris de la part de certaines personnes proches, ou de voyageurs aguerris, dont l’avis nous semblait particulièrement pertinent :
« Surtout, ne faites confiance à personne ! »
« Les chauffeurs de rickshaw et de taxi mentent comme ils respirent »
« L’Inde, c’est une arnaque par jour »
« L’Inde, c’est 100% de chance de tomber malade au moins une fois »
« Attention ici, ne faites pas ça… »
J’en passe et des meilleures. Des propos alarmistes qui feraient passer le site du Ministère des Affaires Etrangères français pour le monde des bisounours ! A un moment, je me demandais franchement pourquoi aller là-bas, alors qu’on était si bien, ici, en Indonésie, et qu’il nous y restait tellement de choses à voir et à faire.
Quelques précautions préalables
Mais finalement, on a décidé de franchir le Rubicon. Ou plutôt l’Océan Indien. Non sans avoir essayé de minimiser les mauvaises surprises à l’arrivée et pendant le séjour.
Limiter nos déplacements
Avec notre e-visa de seulement un mois, on ne pouvait de toute façon pas en voir beaucoup. Même en 6 mois on serait loin d’avoir fait le tour. Alors quitte à ne pas voir grand-chose, autant se restreindre à une toute petite partie, mais à bien la faire. Et ainsi limiter les déplacements, grande source de fatigue, de stress et d’escroqueries potentielles. L’idée de faire du volontariat pendant une partie du séjour nous a bien plu. Ça nous permettait de profiter pleinement d’un lieu et d’échapper aux problèmes logistiques pendant un moment donné. Un lieu typiquement indien, profondément ancré culturellement. Un ashram par exemple.
On a eu la chance d’être accepté dans l’un d’entre eux au cœur du Rajasthan. C’est donc de ce côté-là que nous allons voyager. On fera donc d’abord 2 semaines de voyage en sac à dos, puis on finira par 2 semaines à l’ashram.
Bien choisir où atterrir
Clairement, Delhi nous est apparu comme le pire lieu pour débarquer pour la première fois en Inde. Alors on a cherché un autre aéroport international, pas trop loin du Rajasthan et dans une ville beaucoup moins fréquentée par les touristes débutants, ces « proies faciles ». Le tout en voyageant low-cost et direct depuis l’Asie du Sud-Est, bien entendu.
De cette loterie est sortie Lucknow, une ville du Nord de l’Inde, à l’Est d’Agra. « Seulement » 3 millions d’habitants, et apparemment une destination peu courante pour démarrer un voyage dans le pays. Peut-être que là, on se prendrait moins le choc culturel et les pièges à touristes en pleine tête.
Soigner son arrivée
Nos billets en poche, ne restait plus qu’à organiser notre arrivée à Lucknow, à trouver le meilleur rapport propreté-prix de la ville, à trouver comment y aller et pour quel prix, à nous assurer qu’il y aurait bien quelqu’un pour nous y attendre malgré une arrivée un peu tardive, etc.
Jamais je n’avais autant potassé TripAdvisor pour réserver un hôtel et fouillé internet pour étudier le trajet pour s’y rendre depuis l’aéroport. Une arrivée des plus soignées, donc.
Quelques semaines plus tard, à Singapour, c’est néanmoins avec la boule au ventre que j’embarquais dans cette avion à destination de la capitale de l’Uttar Pradesh, cet Etat de quelques 200 millions d’habitants (!) qui n’est rien d’autre que le plus peuplé d’Inde.
L’immigration Indienne, ça déride !
Dans l’avion, on constate effectivement qu’on n’est loin d’être en partance pour une destination touristique majeure. La quasi-totalité des passagers semble d’origine Indienne. Impression vite confirmée à l’arrivée à l’immigration : les guichets pour les touristes munis d’un e-visa sont fermés. Les agents d’immigration nous indiquent d’attendre que tous les Indiens (et les quelques détenteurs de visas « classiques ») soient passés, et qu’ils s’occuperont de nous après. Avec deux autres Chinois, nous ne sommes que 4 sur ce vol à arriver avec un e-visa. Bien vu, la destination non touristique !
On comprend rapidement les raisons de cette attente, lorsque les agents d’immigration font laborieusement passer les deux Chinois devant nous. A Lucknow, les e-visas, ils n’ont pas trop l’habitude ! Mais avec nous, c’est carrément devenu hilarant… même si on a dû s’astreindre à un peu de retenue, frontière oblige.
Pas moins de cinq personnes, pour deux guichets, essayent vainement de comprendre comment marche le e-visa dans le système informatique :
« Et là on fait quoi ? Et maintenant je clique où ? » . Quand c’est pas l’ordinateur, c’est le capteur d’empreintes digitales qui fait des siennes. Lui non plus ne semble pas servir souvent…
Enfin, après une demi-heure d’hésitations, et l’appel de la chef, ils sont finalement prêts à nous apposer le précieux coup de tampon sur notre passeport. Ah ben non, ils n’ont pas le bon tampon ! Ils partent en chercher un autre, pendant que nous on commence à chercher où ils ont caché la caméra…
Malgré eux, ces agents ont fait retomber la tension qui m’habitait. Nous voilà officiellement en Inde, et nous sommes les derniers passagers du jour dans le terminal d’arrivée de l’aéroport de Lucknow. La foule oppressante des chauffeurs de taxi que je craignais d’affronter s’est évaporée. Celui qui reste nous emmène sans histoires à notre auberge où nous sommes attendus par Naheed au Lucknow Homestay. Une auberge accueillante, une atmosphère familiale où se côtoient des Indiens en séjour prolongé et des voyageurs au long cours dans le pays. Définitivement une excellente adresse pour débuter notre découverte de l’Inde, pour commencer à amasser les pièces de cet immense puzzle.
Premières pièces, premières claques
On passe notre première journée en compagnie de Sachin, un jeune homme du coin contacté par couchsurfing et qui nous a proposé de nous faire visiter sa ville. Et quelle visite !
Lucknow est une ville très étendue qui regorge de monuments et d’édifices remarquables. Le plus notable est assurément l’imambara Bara, un bâtiment d’inspirations indienne, chinoise et persane. Construit exclusivement en vieilles pierres, il fit à la fois office de palais, de fort, de mosquée et de mausolée. Mieux encore, les coursives de ses parties supérieures forment un immense labyrinthe pour lequel il est indispensable d’être accompagné par un guide. A chaque virage, celui-ci réapparaît devant nous alors qu’il était derrière nous à l’escalier précédent. Alors, guide ou magicien ? Un fakir, peut-être ?
On ressort fasciné de cette journée de visite. Premier jour, première claque.
Et ce n’était qu’un début !
Quelques jours plus tard, on débarque à Agra. Ville célèbre pour son fort, et surtout pour le Taj Mahal, le site le plus visité d’Inde. La première vision de ce dôme de marbre blanc qui flotte au-dessus de l’air pollué d’Agra semble presque irréelle. Comme un mirage.
Puis vient le jour où on y pénètre pour de bon, à travers sa grande porte de grès rouge. Une porte qui symbolise la frontière entre le monde des vivants et le paradis céleste, le Taj Mahal. C’est bien le cas. Derrière la porte, on n’est plus à Agra. On est dans un magnifique jardin où le vert de la végétation, le bleu des bassins et le blanc du mausolée se marient… merveilleusement. Même avec les fontaines qui ne marchent pas et trois minarets sur quatre en réparation, cette vision céleste nous laisse sans voix ! Nouvelle claque.
Légèrement en aval de la rivière Yamuna qui s’écoule tranquillement derrière le Taj Mahal, on aperçoit le fort d’Agra. Une autre merveille laissée par les dignitaires de la civilisation moghole. Un ensemble de bâtiments construits tout en grès rouge et regroupés en forteresse d’une grande ingéniosité architecturale et militaire, avec en son centre l’ancien palais royal, et ses pièces plus luxueuses les unes que les autres.
Mais ce qui est le plus passionnant, c’est peut-être l’histoire associée à ces sites. Une histoire bien méconnue qui se déroule dans l’Inde médiévale. Une histoire de civilisations, de grands hommes, de rivalités familiales, de tolérance puis de radicalisation religieuses qui nous ont, au final, légué toutes ces merveilles.
Et ce qui est bien fait, en Inde, c’est que pour découvrir toute cette histoire, il n’y a bien souvent pas besoin d’un guide cher payé, à l’accent approximatif, rarement francophone et qui nous fait visiter un site au pas de course – c’est un peu exagéré mais c’est souvent le risque ! Car nombre de sites proposent des audio-guides très complets, très bien faits, souvent disponibles en français. Tout ça pour un prix bien inférieur à celui d’un guide. Idéal pour visiter à son rythme et appréhender la complexité et la richesse de ce qui nous est proposé. Encore une bonne surprise dont on n’avait pas entendu parler.
Après ces quelques premiers jours, on a rapidement compris ce qu’on était venu faire en Inde : c’est un pays fascinant !
Quelques magnifiques pièces Rajputs
On poursuit notre chemin à Udaipur, dans le sud du Rajasthan. Chaque jour qui passe nous amène une nouvelle pièce à ce passionnant puzzle.
Dans un énorme temple hindouiste dédié à Vishnu, on s’attarde sur ces frises finement sculptées qui font le tour de l’édifice. Elle représentent des éléphants, des chevaux, des hommes, des femmes aux poitrines voluptueuses impliquées dans des scènes résolument à caractère sexuel.
Dans le monumental palais qui surplombe la ville blanche, , aujourd’hui transformé en musée, on fait connaissance avec les maharanas du Mewar et leurs siècles de lutte face aux invasions Arabes et Mogholes. Avant de découvrir qu’un mariage apparemment grandiose s’y prépare à grands coups de guirlandes de fleurs !
A l’aube, dans les ruelles escarpées de la ville, on observe avec beaucoup de curiosité les activités matinales des locaux. Des hommes se lavent dans les eaux du lac Pichola, des femmes viennent y faire leur lessive et des fidèles dispersent du grain pour nourrir vaches et pigeons.
Plus tard, plus loin, on découvre enfin une Inde plus rurale, plus sèche aussi. Des femmes s’activent aux puits pour l’eau de la maison, des hommes surveillent leur bétail s’activer au puits pour l’irrigation des champs.
Et au bout d’une longue route en lacets surgit l’énorme forteresse de Kumbhalgarh et ses 36 kilomètres d’imposants remparts filant à perte de vue au sein des arides collines du Rajasthan.
En route vers Ranakpur, une Inde plus sauvage se dévoile. On croise des singes, des dromadaires, des chevaux, des ânes, des vaches, des chèvres, des chiens, des cochons, des écureuils, des furets et un grand nombre d’oiseaux. Mais l’essentiel est au bout du chemin, lorsqu’on s’émerveille face au temple jaïn de Ranakpur. Le jaïnisme est une religion à part entière qui compte environ 14 millions de fidèles, majoritairement en Inde. Une religion à la fois simple et saine par ses préceptes mais extrêmement complexe par sa conception de l’univers. Tout cela est évoqué de manière passionnante dans l’audioguide, qui nous fait aussi découvrir toutes les merveilles que recèle ce temple, tout en frises, colonnes (plus de 1400 !) et coupoles très finement sculptées. Dieu que c’est beau !
Le temps passe tellement vite qu’on arrive déjà à Jodhpur, notre dernière étape avant d’aller travailler à l’ashram. La forteresse imprenable de Mehrangarh, bâtie sur une colline, domine, écrase, toute la ville bleue. A l’intérieur, un nouvel excellent audioguide nous en apprend beaucoup sur la dynastie qui règne, aujourd’hui encore, sur le Marwar. Comme depuis le début de nos visites en Inde, on est ébahi par le contraste entre la finesse des détails sculptés dans les pierres et le caractère extrêmement massif des bâtiments qui les abritent. Un somptueux mélange de marbre blanc et de grès rouge qui nous a encore émerveillés une bonne partie de journée.
On pourrait encore citer le désert de Thar à l’Ouest du Rajasthan, le fort de Nagaur, ou encore à Delhi, parmi tant d’autres, le Jantar Mantar, la Mosquée du vendredi ou le Gurdwara Sisganj – le temple sikh.
Autant de jolies pièces qui se sont ajoutées, unes à unes, à notre collection.
Autant de pièces hautes en couleur d’un tableau néanmoins extrêmement chaotique dont on n’a pas réussi à recoller beaucoup de morceaux.
Puzzle captivant, casse-tête épuisant
Tous les deux, on est pourtant du genre à aimer les puzzles, les énigmes, les casse-têtes… Et de ce point de vue-là, l’Inde nous a particulièrement gâtés : outre les nombreuses merveilles historiques et architecturales qu’on a pu découvrir, il se passe toujours quelque chose d’intéressant. Une vache qui se promène au milieu du trafic, un boui-boui au bord de la route, la ferveur qui règne autour d’un temple, l’agitation d’un petit marché local, la tenue et l’allure des hommes et des femmes qui passent… Ou tout simplement le chaos ambiant !
C’est en fait un bourdonnement incessant de vie, qui sollicite en permanence nos sens et notre esprit. C’est un flot continu de nouvelles pièces qui s’ajoutent à ce puzzle XXL… et qui peut vite nous submerger.
Car parfois, ou même souvent, c’est trop.
Et tout cela est aussi agréable qu’épuisant, physiquement comme moralement. Ce qui peut amener des expériences et des retours particulièrement négatifs chez certains voyageurs, et donc susciter l’appréhension chez d’autres avant leur arrivée en Inde. Comme ce fut le cas pour nous.
Pourtant, ça n’a pas été aussi terrible qu’on nous l’imaginait.
Les zones d’ombre
Lors de la résolution d’un puzzle vient un moment fastidieux où il faut s’attaquer à une zone ombragée, de couleur uniformément foncée. On ne trouve pas deux pièces qui vont ensemble. Alors on se prend la tête, on fatigue, on perd patience…
De telles zones d’ombre, il y en a pléthore dans notre puzzle indien. Indéniablement, pour nous voyageurs venus d’Occident, c’est un pays fatigant.
La désorganisation générale, le bruit, la saleté, la pollution, les transports chaotiques, le marchandage systématique et les arnaques font d’un voyage en Inde tout sauf une sinécure. Mais en même temps, ne sont-ce pas des désagréments que l’on retrouve en voyageant dans de nombreux pays ? Notamment en Afrique et en Asie ?
La désorganisation, l’impression de chaos permanent, ne nous ont pas semblé plus dramatiques qu’à Madagascar par exemple. L’adage « tout est possible, mais rien n’est certain » s’y vérifie tout autant. Nous qui sommes habitués, dans nos sociétés à pouvoir avoir accès à tout, tout le temps, devons nous réadapter, en Inde, à d’autres modes de fonctionnement, à revenir à une autre notion du temps. Un temps plus humain où tout vient à point… à qui sait attendre. Car comme pour tout bon puzzle, la patience y est la clé.
Le bruit est un mal planétaire, et l’Inde n’y échappe pas. Klaxons, moteurs de véhicules, musique irrémédiablement trop forte… Nuit et jour, à la ville comme à la campagne, c’est un enfer pour les oreilles, et c’est usant pour le cerveau. Depuis bientôt deux ans que nous voyageons, notre sensibilité et notre intolérance au bruit se sont définitivement accrus. L’Inde n’a juste rien arrangé.
Même constat pour la pollution de l’air, de l’eau, pour la saleté et les déchets qui jonchent des zones entières : ce n’est pas propre à l’Inde, c’est un problème, un drame, bien plus global.
Pour les transports, on a préféré le train. Une évidence pour nous. Et le réseau ferré indien s’est avéré largement acceptable : relativement ponctuel, plutôt propre et confortable (notamment dans les classes les plus élevées pourtant bon marché) même de nuit. Cela en fait, à notre sens, le meilleur moyen pour voyager sur des moyennes ou grandes distances.
Par contre, le système de réservation et celui des différentes classes sont d’une rare complexité. Entre les billets confirmés, ceux avec réservation contre annulation, ceux sur listes d’attente, le tout avec pas moins de 8 classes différentes, on a vite fait de se prendre la tête. Pour éviter cela, il faut s’en remettre aux divinités hindouistes : ne pas planifier trop serré, acheter son billet sur Internet (quand ça marche) ou au guichet (on a évité Delhi, nid d’escrocs paraît-il), faire les offrandes nécessaires et prier assez fort pour ne pas se retrouver dans le chaos des listes d’attente !
Le bus relève plus de la loterie, et mieux vaut passer par une agence de « services touristiques » si l’on veut que les choses soient un peu claires pour les trajets les plus touristiques (heure et lieu de départ, prix…). Pendant le voyage, bus bondé, musique à fond et conduite en slalom et au klaxon sont à prévoir. Ce n’est pas de tout repos !
Et pour les trajets en ville, il y a les rickshaws, et leurs incroyables chauffeurs qui parviennent – on ne sait comment – à slalomer au milieu du trafic d’une grande avenue ou à se faufiler dans une petite ruelle entre les vaches et les étals de nourriture. Ou plutôt, si, on sait comment : grâce au klaxon !
En fait on pense qu’il y a trois raisons d’utiliser un klaxon en Inde :
- parce qu’il y a un danger
- en lieu et place du clignotant, avant de tourner
- à n’importe quel moment pour le tester, probablement pour être sur qu’il marchera le moment venu
Une balade en rickshaw, c’est le parfum de l’Inde à l’état brut. C’en est presque fun… jusqu’au moment de payer !
Oui, en Inde, le marchandage est quelque chose de systématique.
Même quand les prix sont affichés – ce qui est le cas sur de nombreux produits almentaires – certains vendeurs n’hésitent pas à tenter leur chance et à vous annoncer, sans aucun scrupule, jusqu’au double du prix affiché. C’est par exemple le cas des vendeurs de boissons à proximité des sites très touristiques. On peut trouver cela agaçant et se fatiguer à discuter, à vouloir négocier les soi-disant « frais de réfrigération ». Ou alors payer de dépit les 20 roupies (0,3 €) controversées, les roupies de l’impatience… Car juste un peu plus loin, dans une ruelle, il y aura forcément un vendeur un peu plus honnête.
Quand les prix ne sont pas affichés, comme pour les rickshaws ou dans les magasins de vêtements, par exemple, c’est un autre jeu qui démarre : le marchandage. Un vrai jeu d’acteurs et de mauvaise foi auquel de nombreux Indiens semblent exceller ! A la fin de la partie, on peut quand même avoir l’impression « de s’être fait arnaquer », de ne pas avoir réussi à obtenir le prix local. Mais ne nous leurrons pas. Avec nos têtes d’Européens, jamais nous ne paierons le même prix qu’un Indien. Eux-mêmes, s’ils viennent d’une autre province, n’y arrivent pas ! Pour nous, le « juste prix » serait donc peut-être le double ou le triple, mais certainement pas le décuple, entendons-nous. Et payer un peu plus que les locaux, ce n’est ni un scandale, ni un drame.
Il y a enfin les pures escroqueries, ces arnaques collectives et organisées, presque professionnelles. Elles existent notamment là où les flux de touristes sont plus massifs, à Delhi ou à Agra par exemple. Parfois, on peut les voir venir de loin mais mieux vaut ne pas se laisser surprendre.
Cela requiert parfois de se renseigner sur les arnaques les plus courantes, de préparer son déplacement ou sa visite à l’avance, de savoir le où, le quoi et le comment pour ne pas avoir l’air perdu, l’air de la proie facile.
Pour nous, c’était un moyen de nous rassurer, quitte à perdre un peu au change, c’est à dire à diminuer la part d’aléatoire qui peut faire la beauté du voyage. Mais en échange nous n’avons pas subi ces désagréments qui en ont dégouté plus d’un.
Le tout est d’y trouver son propre équilibre de voyageur, en agissant selon sa capacité à sentir les mauvais coups.
Mais souvent il s’agit juste de bon sens, et d’avoir un minimum de chance évidemment.. Comme partout en fait : ces difficultés sont l’apanage, à des degrés divers, de nombreux pays.
Ce qui est beaucoup plus propre à l’Inde en fait, et qui peut générer des difficultés supplémentaires aux précédentes, c’est LE choc culturel.
Changement de perspective : le choc culturel
Quand il s’agit de résoudre ces zones d’ombre et d’assembler toutes ces pièces de couleur foncée, un changement de perspective peut-être salvateur. Plutôt que de considérer leurs couleurs, au risque de s’y perdre, on peut observer leurs formes. Et là, toutes ces pièces qui paraissaient si semblables se distinguent par la taille, la position et le nombre de leurs excroissances.
Le décalage entre l’Inde et nos sociétés occidentales est abyssal. Dans l’esprit de n’importe lequel d’entre nous, au mieux il posera beaucoup, beaucoup de questions. Au pire, il sera insurmontable.
Prendre du recul, changer de perspective, avoir un œil nouveau : autant de manières de mieux vivre le choc culturel indien.
D’abord, l’Inde nous a donné l’impression d’un pays dépourvu de règles, où chacun fait ce qu’il veut comme il veut, bien souvent au détriment d’autrui et de la société entière. On jette ses détritus par terre quand on en n’a plus besoin, peu importe où l’on est, on crache, on marche en bousculant les autres, on conduit en restant appuyé sur le klaxon, le plus vite possible, sans aucun code de la route. On écoute sa musique à fond à n’importe quelle heure, les gens coupent les files d’attente, on rentre dans le bus ou le métro avant que les autres ne soient descendus, il faut jouer des coudes partout, tout le temps, même avec des femmes et des personnes âgées…
Et c’est encore pire quand on est étranger : là, on est l’attraction du coin, surtout dans les zones un peu moins touristiques. Alors on vient voir ce que vous faites, on reste près de vous, à vous observer avec un regard particulièrement perçant, tout le temps, tout près, trop près, trop de monde !
Un sentiment oppressant.
Pour certains occidentaux que nous avons rencontrés en Inde, cela a plutôt un effet libérateur. Ils ont l’impression de vivre dans une société plus libre, dépourvue de nombreuses contraintes, et s’y sentent bien mieux qu’en Occident. Alors ils font le choix d’y rester.
Pour nous, c’est plutôt quelque chose de pénible, et on se rend compte que l’on préfère quand les choses sont cadrées et respectées.
Mais ces comportements des Indiens ne sont en général nullement mal intentionnés. De la sorte, ils assouvissent une certaine forme de curiosité et d’intérêt pour l’étranger qui se balade dans le coin. D’ailleurs, la grande majorité des Indiens qu’on a rencontrés nous a paru gentille, sympathique, et les échanges agréables. Dans les auberges, les restaurants, les magasins, on a toujours senti un accueil chaleureux et bienveillant. Et puis que de beaux sourires.
Bien sûr, tout est excessivement plus complexe que cela. Cette impression de liberté individuelle extrême, de pouvoir aller très loin dans la zone de confort de l’autre, se dissout complètement quand on regarde un peu le fonctionnement sociétal du pays.
En si peu de temps, et dans une région si restreinte, notre niveau de compréhension de la société Indienne est pour ainsi dire quasi nul. Mais quand même, le système des castes, la condition des femmes, la cohabitation des différents peuples et religions, entre autres, nous ont laissé apercevoir une société extrêmement codifiée et complexe. Une société où, au contraire, il règne beaucoup d’interdits.
En fait, ce n’est que le tout début…
Au cours de ces deux petites semaines passées à barouder, une chose est certaine : on ne s’est jamais ennuyé un seul instant. L’Inde s’est révélée au fur et à mesure, jour par jour, presque heure par heure, comme un puzzle dont on ne connaît pas l’apparence finale.
Loin de là, car c’est comme si on avait assemblé quelques dizaines de pièces là où il y en a des millions.
Et puis il y a toutes ces pièces dont on ne sait pas quoi faire, qu’on ne sait pas encore connecter. Avec tout ce qu’on y a vécu, senti, observé, ressenti, il y aurait encore tellement de choses à en dire, que je finis par ne plus savoir quoi écrire.
Alors je laisse juste ces quelques photos en vrac, ces quelques photos pour dire : « L’Inde, c’est aussi ça… »
Et la suite, alors ?
J’avais commencé une ébauche de cet article à l’aéroport de Delhi. A chaud. Il se terminait ainsi :
« Alors, l’Inde on adore ou on déteste ? A vrai dire, ni l’un ni l’autre, pour nous. Du peu qu’on en a vu, on a envie d’en voir davantage, c’est clair. Et il y a encore largement de quoi faire. Indéniablement, c’est une culture profondément riche et intéressante. Après, on n’est pas non plus pressé de revenir tout de suite car c’est quand même un pays épuisant. Non, on n’a pas détesté, loin de là. Mais on ne dira pas non plus que c’est notre coup de cœur« .
Trois mois après, dans ma tête, les difficultés se sont estompées, mais les belles images, elles, restent bien vivaces. En revoyant toutes les belles photos de Sandrine, en relisant mes notes prises à chaud, alors l’Inde se rappelle à mon bon souvenir. Aujourd’hui, je commence à comprendre un peu mieux ce genre de propos : « Oui, l’Inde, ce n’était pas évident au début. C’est difficile à expliquer, mais depuis, c’est presque devenu comme une obsession. Ce pays me manque et j’ai besoin d’y retourner régulièrement… »
Maintenant, j’en suis convaincu moi aussi : un jour, j’y retournerai.
28 juin 2016 à 04:10
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