La Paz, la surréaliste
PubliÉ le Catégories : Bolivie. Tags : bus, crazy, rencontre, sport, tradition.
La Paz la surréaliste
Dès notre arrivée à La Paz, on s’est dit que cette ville avait quelque chose de surréaliste.
Enfin pas tout à fait à notre arrivée car on a passé nos premières heures boliviennes à l’aéroport, à attendre le lever du jour. Et quand on est sorti du bâtiment, au petit matin, quel émerveillement ! D’abord, d’immenses montagnes aux sommets parfois enneigés qui découpent de leur silhouette majestueuse un ciel bleu azur qu’aucun nuage ne vient perturber. Puis, par la fenêtre de notre minibus, la ville de La Paz apparaît avec toutes ses constructions de couleur brique qui s’étendent de part et d’autre de la vallée. Car oui, bien qu’à 3650 mètres d’altitude, La Paz est bien installée dans une vallée. Mais cette ville s’est tellement étendue que les flancs de la vallée et maintenant l’altiplano au-delà de celle-ci sont entièrement construits, toujours avec la même brique de couleur gris-rouge-orange (enfin couleur brique quoi). On compte même près d’un million d’habitants à El Alto, ville construite sur l’altiplano dans la banlieue ouest de La Paz, à 4070 mètres d’altitude. Impressionnant.
Pour mieux apprécier le paysage offert par cette ville, chose rare pour nous qui préférons la nature et les grands espaces, plusieurs solutions sont possibles. D’abord, il y a les téléphériques : le rouge inauguré 5 mois avant notre arrivée, le jaune qui vient juste d’ouvrir et le vert qui est encore en construction. Et oui, il y a bien des téléphériques urbains dans la capitale, pour monter plus vite sur El Alto. Cadeau d’Evo Morales aux électeurs de La Paz, diront certains… Mais nous n’avons pas eu l’occasion de les essayer, à cause du temps et des nuages. On a néanmoins pu profiter du panorama en montant en bus sur El Alto à diverses occasions.
On a aussi grimpé au mirador du Kili-Kili, en plein cœur de la ville qui offre une jolie vue sur le Parc Urbain Central, les grandes tours de l’hyper-centre, et plus loin la montagne Illimani (6465 mètres) qui est un emblème de la ville.
Mais si cette ville nous a semblé surréaliste, ce n’est pas seulement par son urbanisation. C’est aussi par ses petites choses du quotidien, ses fêtes traditionnelles et ses événements disons… incongrus !
Des zèbres et des fœtus de lama
Un jour, on a vu des gens déguisés en zèbre faire la circulation en ville, ce qui n’est pas une mince affaire dans le chaos de ces rues. En fait, on en a revu plus tard à Sucre et on a appris qu’il s’agissait d’une initiative plutôt chouette et originale.
Le gouvernement bolivien, via une fondation qui aide les jeunes en grande difficulté (anciens drogués ou adolescents vivant dans la rue), propose à ces jeunes la mission de faciliter les déplacements des piétons et la circulation des voitures, souvent dangereuse dans les grandes villes. Ce qui permet à ces jeunes de se réinsérer dans la société, et de sécuriser un peu plus le trafic urbain. Et quel rapport avec les zèbres ? Eh bien en revêtant un costume de zèbre, ils sont facilement reconnaissables par tout un chacun. Et ouais !
En se baladant dans la ville, on a aussi découvert au fil des rues que chacune a un peu sa spécialité : la rue des coiffeurs, la rue des animaleries / toiletteurs, la rue des maillots de foot, la rue des pots de peinture, etc. Parmi ces spécialités, il en est une bien particulière, dans un secteur appelé « le marché aux sorcières ». Là, on y vend des plantes de toutes sortes, notamment beaucoup de feuilles de coca, mais aussi des becs de toucan séché, et même des fœtus de lama, dont certains ont encore leurs poils. Paraît-il qu’il faut les enterrer en-dessous de la maison que l’on va construire, ça porterait bonheur… Voilà qui nous donne un bon avant-goût des traditions Aymara, ce peuple indigène majoritaire à La Paz.
La fête des morts et la fête des crânes
Nous sommes arrivés à La Paz le 2 novembre, jour de la fête des morts dans l’Eglise catholique. Cette fête est ici pleinement célébrée, et dure même plusieurs jours. Et en Bolivie, il s’y ajoute de nombreux rites « païens » liés au culte des morts.
Ainsi, dans les cimetières, mais aussi dans la rue, directement sur les trottoirs, des familles dressent de petits stands à l’effigie de leurs défunts, notamment ceux de l’année écoulée. On y trouve des icônes, des photos ou des objets ayant appartenu à ces défunts. Et tout autour, les gens de la famille sont rassemblés. Certains moments semblent solennels, où les proches prient silencieusement. Mais le plus souvent, l’atmosphère est plutôt festive. Des gens, connus ou non de la famille, viennent apporter des offrandes au défunt, beaucoup de gâteaux, parfois en forme de figure religieuse, des petits biscuits secs, des bananes ou autres fruits, des jus de fruits ou des sodas, voire même de la bière ou des cigarettes.
N’importe qui peut donc venir faire une offrande, et ensuite boire un verre ou manger un gâteau avec les gens de la famille.
L’ambiance générale est donc plutôt à la fête et au partage, en un jour qui nous semble, à nous, plutôt sinistre. Cette fête est célébrée partout plus ou moins de la même façon en Bolivie.
Mais à La Paz, il existe encore une autre fête pour les défunts, d’origine purement Aymara cette fois, et qui se passe le 8 novembre, chaque année : la festividad de las Ñatitas, autrement dit la fête des crânes !
A cette occasion, tout le monde se rassemble au cimetière général de la ville. Les cimetières boliviens ont ceci de particulier que les défunts sont entreposés au sein de petites cases, dans de grands blocs séparant les diverses allées. Question de place, a priori. Les petites cases sont très souvent vitrées, avec à l’intérieur le nom du défunt, des fleurs, un peu d’eau et parfois même d’autres boissons…
Après quelques années – dont le nombre dépend des conditions du décès – les corps des défunts sont retirés des cases, le crâne est rendu à la famille et le reste du corps est brûlé. Toute l’année, les familles gardent à la maison les crânes de leurs défunts, ou au moins l’un d’entre eux. Et elles en prennent bien soin : le jeudi et le samedi, on les éclaire d’une bougie blanche. Le mardi et le vendredi, d’une bougie noire. Chacune a sa signification, l’une sensée apporter la santé, l’autre la réussite dans les affaires, etc. Et au début du mois de novembre, donc, l’heure est venue de célébrer ces crânes. Plus exactement, c’est le moment de les remercier pour ce qu’ils ont amené dans l’année : bonheur, santé, réussite, etc. C’est aussi un moment de « retrouvailles » entre les familles et leurs défunts, ce qui en fait une célébration très heureuse et festive. Et ça se voit, se sent et s’entend !
En effet, chaque famille débarque au cimetière avec un ou plusieurs de ses crânes, dans des boîtes transparentes ou plus simplement dans des cartons. Ceux-ci sont particulièrement décorés : les crânes portent des bonnets, des lunettes de soleil, des couronnes de fleurs…
Une fois exposés, on peut leur offrir des cigarettes que l’on allume entre leurs dents (quand il en reste…), des boissons alcoolisées ou non, des feuilles de coca que l’on place dans le fond de la bouche, comme s’ils étaient bien vivants !
Des musiciens tournent pour jouer des airs joyeux devant eux, on brûle de l’encens, les familles se laissent volontiers prendre en photo par les visiteurs, touristes ou locaux, en souriant – chose rarissime dans ce pays !
On en profite pour discuter avec Helena, qui est venue avec les crânes de deux de ses proches et qui nous explique avec beaucoup de sympathie tous ces rites autour de la mort chez les Aymara. Et elle insiste pour qu’on la prenne en photo. Et puis pour qu’on se fasse prendre en photo avec elle par un professionnel passant par là avec une petite imprimante portative. Elle partira avec deux photos de nous, ravie. En effet, en ce jour, les gens sont heureux, tout simplement. Heureux de retrouver leurs morts et de les remercier de la sorte.
Bref, l’ambiance est absolument incroyable, très festive, pleine de pétales de fleurs, de sourires, d’encens et de musique ! Surréaliste, encore une fois…
Et en sortant du cimetière, Sandrine est interviewée par un journaliste local, du quotidien Pagina 7. Elle donne ses impressions, en espagnol :), sur cette fête. Après retranscription de son nom laissé sur le microphone, le journaliste la nommera Drina Dumbua ! Ultime clin d’œil cocasse de cette journée si surprenante.
Le Cholitas Wrestling
A peine remis de nos émotions de la veille, lors de la Festividad de las Ñatitas, qu’un autre spectacle incroyable s’offre à nous le lendemain : le Cholitas Wrestling. Des combats de catchs mettant en scène des Cholitas, ces Boliviennes en tenue traditionnelle !
On ne pouvait pas rater ça !
Et on n’a pas été déçus ! Une fois sur place, c’est le show. Mais un show à la Bolivienne : la salle est en fait un gymnase vaguement aménagé pour l’occasion. Un ring carré qui semble bien dur trône au milieu de l’espace. Autour, il y a les gradins du gymnase, et d’autres plus provisoires, ainsi que des chaises en plastique pour les spectateurs. Derrière l’accès au ring, surélevé par rapport à celui-ci, il y a les coulisses qui sont plus ou moins bien obturées par des tissus et toiles en plastique.
Pendant le spectacle, on mesure encore plus le caractère approximatif du show : des pannes de micro, le son qui sature, les lumières qui aveuglent parfois les spectateurs… Mais tout cela ce n’est que détail.
Le spectacle démarre par l’entrée en scène des deux arbitres. Les premiers combats mettent en scène des hommes, dans des tenues très pittoresques pour des duos ou des quatuors assez confus. L’ambiance monte progressivement.
Après les combats masculins, le public est chaud pour accueillir les cholitas ! Le speaker aussi !
Les premières arrivent sur le ring. En jupes et jupons, châle en laine rose sur les épaules, ballerines et nattes bien serrées, elles font le tour de la salle, haranguent le public et commencent leurs chamailleries. Tout cela semble gentillet, jusqu’à ce que la première monte sur les cordes et se jette de 2 mètres plus haut sur son adversaire, bras écartés, jupons au vent, telle une chauve-souris. Wahou !
S’en suit une série de figures impressionnantes où les cholitas n’y vont pas de main morte. Parfois les enchaînements sont très prévisibles, mal synchronisés ou tout simplement grossièrement exécutés. Mais c’est tellement drôle. Le public ne s’y trompe pas : il est conquis et se prend énormément au jeu, bien aidé par l’inusable speaker.
D’ailleurs on compte plus de boliviens que de touristes parmi les spectateurs et ce sont eux qui sont les plus impliqués pendant les combats, encourageant leurs championnes, huant leurs opposantes.
Le spectacle est aussi symbolique : les femmes gagnent contre les hommes, les plus faibles face aux plus fortes, une façon de dénoncer les traditions machistes du pays et de donner courage aux femmes.
Les cholitas interagissent énormément avec l’extérieur : danses et embrassades avec des spectateurs, utilisation de leurs bouteilles d’eau, de soda ou de bières, arrosages abondants. A force de se faire mouiller, les spectateurs répliquent et jettent boissons ou nourriture sur les catcheuses. C’est la foire totale, même les arbitres se battent entre eux ou avec les combattants !
A la fin, d’autres hommes reviennent pour un dernier combat, mais les spectateurs sont plus intéressés par la séance photos avec leurs héroïnes cholitas. Celles-ci sont très disponibles, drôles et sympathiques. Et finalement, tout le monde monte sur le ring, cholitas, hommes catcheurs, arbitres, spectateurs, dans un énorme dawa général, pour des tentatives de selfies de groupe.
En tout cas, nous on a passé un très bon moment, quoiqu’un peu long sur la fin. Le spectacle donné est quand même bien drôle, burlesque et avec ce qu’il faut d’amateurisme pour le rendre plus humain. Et voir ces Boliviennes se battre ainsi, dans ces tenues si traditionnelles, est quelque chose d’unique. Surréaliste, on vous dit !
Infos pratiques
Le spectacle a lieu tous les dimanches vers 16h à El Alto, sur les hauteurs de La Paz.
Le billet d’entrée coûte 50 bolivianos et offre en plus une boisson, du pop corn, deux tickets toilettes (youhou!!) et un cadeau souvenir !
Pour aller là bas deux options :
- Avec un tour organisé qui vous vendra le billet transport + entrée à 80 bolivianos. Oui c’est du vol, quand on sait qu’un trajet en bus pour El Alto coûte 2,5 bolivianos !
- Par vous même, mais renseignez-vous bien sur l’adresse avant. On voit indiqué partout la salle « Multifunctional ». Pour ça c’est très simple, prenez un bus pour El Alto (« Ceja ») et demandez au chauffeur de vous arrêter au Multifunctional. Problème : quand on a voulu y aller la première fois il n’y avait rien. Le spectacle avait été délocalisé au Coliseo 12 de Octobre, plus proche de l’aéroport. Et là c’est plus compliqué d’y aller, il faut a priori changer de bus local et El Alto n’est pas réputé très safe. Bref, la semaine suivante on a donc négocié serré au bureau de Secretos Andinos et on a pu avoir le package transport + entrée à 60 bolivianos. Et au retour le chauffeur nous a même déposés au terminal de bus pour quitter La Paz.
Voir La Paz, et en partir…
Dans cette ville, même la gare routière n’est pas banale. Des dizaines de compagnies de bus, des affiches disséminées un peu partout dans la gare qui indiquent les prix mini et maxi pour chaque destination, selon le confort choisi, des rabatteurs qui hurlent les noms de différentes destinations, on pensait donc que prendre le prochain bus pour Potosi serait assez trivial. Mais en fait non !
Au milieu des très mélodieux « Santa Cruuuuuz« , « Oruroruroooooo’ap« , « Cochabaaaaamba« , « Tupiza Villazon Tupiiiiizaa« , et surtout des magnifiques « Sucré, Sucré salé » (comprendre « départ pour sucre »), on décide d’aller voir un des « Potosi Potosi« .
Là, tous les rabatteurs pour Potosi se jettent alors sur nous et commencent leur jeu de surenchère. Très vite, on arrive largement en-dessous des prix affichés dans la gare. Lorsque tout le monde a annoncé 50 bolivianos, commencent les enchères sur le confort : « moi j’ai des sièges entièrement inclinables (full cama), lui il a pas de WC, nous on a un vrai full cama avec trois sièges par rangée et non quatre« , etc…
Bref, tous proposent la même chose finalement.
Donc on décide d’en suivre un au hasard. Il nous indique la compagnie à aller voir, puis s’en va. En arrivant au guichet et en annonçant qu’on veut un full cama pour Potosi à 50 bolivianos, on nous rit au nez. A ce prix là, on peut à peine espérer des sièges standards. Bref, on comprend vite que ces rabatteurs ne servent à rien, si ce n’est à vous ramener à leur stand (après tout, ils ne s’appellent pas « rabatteurs » pour rien !) et surtout ne racontent que du vent. On doit donc repartir faire le tour des guichets et négocier ferme. Il faut même demander à voir le bus avant d’acheter, car les filous essayent aussi de nous embrouiller sur le confort du bus ou la présence de WC.
Finalement, on trouvera un full cama (le meilleur confort) pour 70 bolivianos (là où le minimum officiel indiqué dans la gare est supérieur à 100 bolivianos). Le bus est très confortable et propre. Comme neuf. Et il y a bien des WC. Bonne affaire, donc. Sauf que les WC resteront fermés tout le trajet car hors service.
Bref, c’est la magie des bus boliviens.
La Paz, début d’une aventure à trois
Enfin, La Paz a aussi été pour nous une ville de rencontres et de retrouvailles. Ainsi, par la magie de Twitter, on a pu rencontrer Fred et Fanny, deux tourdumondistes français dont nous suivions les aventures sur leur blog Actisphère. Nous avons partagé quelques moments à La Paz avant de se recroiser sur les rives du Lac Titicaca et à nouveau lors de la fête des ñatitas. Qui sait si nous aurons le plaisir de les retrouver quelque part en Patagonie prochainement… Bonne suite de vos aventures en tout cas !
Mais surtout, à La Paz, nous avons retrouvé Pascal. Un ami roannais de Benoît qui vient de quitter son travail pour un voyage de plusieurs mois en Amérique du Sud. La Bolivie a donc marqué le début d’une grande aventure pour lui, et d’une parenthèse à trois, pour nous.
28 novembre 2014 à 22:36
La Paz comme si on y était! Ca donne envie d’y aller/retourner :)
Bravo pour l’article et bienvenue en Amérique du Sud.
Chau!
29 novembre 2014 à 21:22
Merci Benj !
Les avis sur cette ville sont très controversés, mais nous on est dans le camp des « on adore » :)
Nous voilà sur ton continent, mais on n’arrivera à Buenos Aires qu’en février finalement. On te tient au courant.
A prochainement !