Passionnémantarctique – 2/3 – Géorgie du Sud

PubliÉ le Catégories : Antarctique.


Journal de bord d’une globe-trotteuse en partance pour l’Antarctique.

Sandrine raconte son expédition en Antarctique.

Deuxième semaine : Noël en Géorgie du Sud.

 

 

Mercredi 24 décembre – 16h40

54°17’8″S – 36°17’8″O

Les chemins de la peur

 

Décidément les journées sont très intenses à bord du Sea Adventurer !

Aujourd’hui c’est à 6h du matin qu’on a fait notre premier débarquement ! Une excursion « pré-petit déjeuner » comme ils disent.

Malheureusement la neige tombée quelques heures plus tôt nous a empêchés de faire la randonnée prévue qui permettait de rejoindre Stromness Bay depuis Fortuna Bay en suivant la route prise par Shackleton près de 100 ans plus tôt. Il faudra d’ailleurs que je résume l’histoire de ce grand monsieur prochainement.

Au total 3 baies visitées aujourd’hui, des paysages différents, une ancienne station de pêche à la baleine désaffectée, des milliers de manchots royaux et papous, des centaines d’otaries et d’éléphants de mer. Un magnifique cadeau de Noël !

 

 

Mais si on doit trouver un point commun à ces trois débarquements c’est bien autour de ces deux derniers animaux que cela se joue.

Il faut dire que c’est la période des naissances et on a la chance de voir des dizaines de bébés otaries tous mignons. Mais c’est aussi la période des accouplements. Les mâles sont sur la plage et défendent leur territoire pour y attirer le plus de femelles possible.

201412 - Antarctique - 0518Du coup les plages deviennent des champs de bataille où les mâles les plus fougueux se battent à grands coups de cris et de crocs. Et si par malheur un bébé se trouve sous leurs pattes à ce moment-là, tant pis pour lui, il se retrouve écrasé !

 

Quant à nous là au milieu, on ne fait pas les fiers. Car pour rejoindre les jolies colonies de gentils manchots, il faut traverser la plage et éviter de se retrouver au centre d’une bataille d’otaries ou d’éléphants de mer ! Le problème c’est qu’il y en a partout des grosses bêtes, alors ce n’est pas simple de trouver un chemin loin de toutes !

Les plus agressives sont les otaries. Je ne sais pas ce qu’elles peuvent penser de nous, mais parfois elles se mettent à avancer vers nous en criant comme si elles voulaient engager une bataille. Pas facile de résister à l’envie de s’enfuir en courant ! Heureusement aucune n’ira jusqu’à s’approcher trop près. Mais parfois quelques frayeurs…

 

 

Mercredi 24 décembre – 21h00

54°20’3″S – 34°31’2″O

Joyeux Noël !

 

Un peu étrange ce Noël cette année ! La plupart des gens ont l’habitude de fêter cela le 25, alors ce réveillon passe un peu en filigrane. Pourtant on a droit à un repas de fête et même du vin à table !

Youhou ! Le chef a réalisé une jolie maison en pain d’épices et l’équipe de la réception et des serveurs nous a même concocté quelques chants de Noël. Mais il faut dire que mon ventre me tiraille et je ne fais pas long feu dans le salon. Quel dommage. Au final je serai malade toute la nuit et passerai le 25 en quarantaine dans ma chambre ! En fait j’ai attrapé un virus intestinal qui court sur le bateau en ce moment parait-il. Pas de chance mais rendez-vous manqué avec Noël…

 

 

Jeudi 25 décembre – 16h

54°31’7″S – 36°4’0″O

En quarantaine

 

Voilà ce qui s’est passé là-bas à terre, pendant que j’étais assignée à résidence dans ma cabine…

Roman photo par Benoît.

 

 

 

Vendredi 26 décembre – 10h

54°16’9″S – 36°30’1″O

Sur les traces de Shackleton

 

201412 - Antarctique - 0597Débarquement ce matin dans la ville de Grytviken. Aujourd’hui ville-musée, ce fut au début du 20ème siècle une importante station baleinière de Géorgie du Sud.

Mais cette ville est aussi un lieu important de la vie de Sir Ernest Shackleton, un des pionniers de l’âge héroïque de l’exploration de l’Antarctique.

Mais sa relation avec ce continent fut continuellement empreinte de malchance.

 

Allez, faisons un peu d’histoire, car celle-ci est vraiment passionnante.

  • Première exploration des régions polaires en tant qu’officier de l’expédition de Scott, un autre aventurier : il devra rentrer avant la fin pour raison de santé.
  • Tentative pour être le premier à rallier le pôle sud : il échoue à 180km du pôle et ce sera la Norvège avec Amundsen qui effectuera cet exploit.
  • Tentative pour être le premier à traverser l’Antarctique par le pôle : son navire, l’Endurance, reste coincé dans les glaces dès l’arrivée en Antarctique.
  • Nouvelle expédition polaire pour mener des recherches scientifiques : A peine arrivé en Géorgie du Sud, à Grytviken, Shackleton meurt d’une crise cardiaque.
  • Sa femme demande qu’il soit enterré là-bas : la lettre n’est reçue qu’une fois son corps transporté à Buenos Aires.

Désormais il repose effectivement à Grytviken à côté de son fidèle compagnon d’exploration Frank Wild.

 

201412 - Antarctique - 0598Mais ce qu’il faut surtout retenir de cet homme d’exception :

  • Malgré tous ses déboires il a permis de réaliser d’énormes avancées scientifiques dont je ne saurais parler
  • Il a su faire passer son réalisme avant son égo, chose assez rare pour les explorateurs, en rebroussant chemin avant le pôle Sud, car il savait que son équipe n’aurait pas la force de revenir sinon. Il écrit à sa femme « J’ai pensé que vous préféreriez un âne vivant à un lion mort ». Réalisme que n’a pas eu Scott dans sa course au pôle et qui causera sa mort et celle de son équipe.
  •  Le sauvetage de l’Endurance reste dans les annales. Départ le 27 septembre 1914. 28 hommes. Un bateau qui se retrouve coincé dans la banquise en janvier. Obligés d’hiverner. Au printemps, la fonte des glaces broie le navire. Nous sommes en novembre 1915, déjà. Ils camperont sur la banquise jusqu’en avril 1916 en espérant qu’elle dérive vers des îles. Que nenni. Ils partent alors en mer agitée sur les canots de sauvetage, 5 jours jusqu’à Elephant Island, extrêmement inhospitalière. Il prend 5 hommes avec lui et traverse l’océan Austral déchainé en 15 jours dans un canot de sauvetage (imaginez seulement les vagues de 10m là au milieu !). Une prouesse de navigation. Mais ils arrivent sur la côte Ouest de Géorgie du Sud et les stations baleinières sont à l’est. Il part avec les 2 plus vaillants et traverse l’île montagneuse, jamais explorée. Une première donc et une prouesse d’alpinisme. Il rejoint enfin des âmes humaines qui peuvent le secourir. Il retournera ensuite chercher ses compagnons de l’autre côté de l’île et ceux restés sur Elephant Island après plusieurs tentatives. Le 30 août 1916, tout le monde est sauf. Aucun mort. Prouesse de sauvetage, de leadership et d’humanité.

 

 

Vendredi 26 décembre – 16h

54°26’1″S – 36°6’1″O

Extravaganza

 

201412 - Antarctique - 0603Derniers pieds à terre en Géorgie du Sud, à Saint Andrew’s Bay. Et encore une fois nous en prenons plein les yeux. Glacier, pleine verdoyante et faune incroyable. Nos désormais habituels amis sont là : otaries, éléphants de mer et manchots royaux.

 

Marc, « backpacker » français rencontré sur le bateau :

« – Les manchots, maintenant c’est bon, on les a vus. Franchement c’est toujours pareil, y a pas de quoi rester des heures devant. »

Quoooooooooooiiiiiiiiiiiiiiiiii ? Mais comment peut-on être blasé devant un tel spectacle ???

Ici c’est 150 000 paires de manchots royaux qui sont là amassées dans la plaine, sous nos yeux. La nature à l’état brut ! On prend une claque, une de plus.

201412 - Antarctique - 0607 - Panorama

 

La Géorgie nous aura ouvert les portes de ses trois plus grandes colonies de manchots royaux, c’est la première fois que l’équipe d’expédition peut visiter les 3 sites sur un même voyage, et certains font ces croisières depuis plus de 10 ans. Nous sommes vraiment chanceux !

 

Il est difficile de retranscrire avec quelques mots ou même quelques photos les émotions qui m’envahissent quand nous sommes à terre. Il manque le son de ces milliers d’animaux qui crient pour retrouver leur partenaire ou leurs enfants. Il manque l’odeur, d’eau salée, d’herbe mouillée, de fiente animale, d’air pur. Il manque le froid sur les joues, la luminosité crue. Il manque la grosse veste, le gros surpantalon, les grosses bottes qui nous alourdissent. Il manque les moments où on s’assoit, un peu loin des autres, et où on observe contemplativement ce bouillonnement de vie.

Extravaganza !

201412 - Antarctique - 0613

 

 

Vendredi 26 décembre – 20h

54°26’1″S – 36°6’1″O

Broken Penguin Project

 

Cela fait plusieurs jours qu’on remarque que les jolis manchots sont la cible de quelques prédateurs ou portent des séquelles de violentes batailles.

Alors nous avons lancé avec Benoît le « Broken Penguin Project » ou en français « le projet des manchots tout cassés » et regroupons ici toutes les photos de manchots (et autres animaux malchanceux) en miettes.

Âmes sensibles s’abstenir !

 

 

 

Samedi 27 décembre – 12h

55°56’9″S – 38°46’0″S

Le luxe

 

Cette croisière est décidément bien luxueuse. Nous sommes chaque jour plus surpris d’un tel déballage de moyens.

Le matin il y a deux petits déjeuners. Un, sucré, dans le salon pour les lève-tôt et une heure plus tard un deuxième au restaurant avec tout le salé et sucré dont on pourrait rêver. Surement parce que les lève-tôt ne peuvent attendre.

Pour donner une idée : bacon, œufs, haricots blancs, pommes de terre, charcuterie, fromages, saumon, pancakes, différents types de pain (avec une personne dédiée à pourvoir du pain grillé juste chaud à tout moment), tout l’attirail des tartines, viennoiseries, yaourts, fromage blanc, fruits frais, céréales, fruits secs, 6 jus de fruits différents, café et thé servis à table, et un plat spécial qui change chaque jour. J’en oublie sûrement.

 

Le midi c’est buffet. Le soir c’est un menu servi à table, avec au choix 4 entrées, 4 plats et 2 desserts.

Et toujours avec des légumes frais. Mais comment font ils pour garder la laitue fraîche au bout de 10 jours ? Et il parait qu’on en aura jusqu’à la fin !

Et si avec tout ça, vous n’avez pas de quoi survivre, vous pouvez à tout moment commander ce qui vous passe par la tête. Ce matin je découvre qu’on peut avoir des noodles au petit déj !

Pourquoi être modéré quand on vous offre le luxe avec le sourire ?

 

Dans les chambres c’est la même surabondance. La chambre est nettoyée chaque jour. Conrad, qui s’occupe de la nôtre, fait les lits tous les jours. Et revient pendant le diner pour ouvrir le lit et déposer un chocolat. Les draps sont changés tous les 5 jours, mais il y a quand même un petit mot « respect de l’environnement » pour proposer de ne changer les serviettes que sur demande et non tous les jours. Faible engagement.

Pourquoi être modéré quand on vous offre le luxe avec le sourire ?

 

Au bar, il y a tout ce dont vous pouvez rêver. Et plusieurs marques pour chaque alcool. Deux pages de cocktails et chaque jour 5 cocktails différents proposés en happy hour. Sans oublier le cocktail du jour, qui comme son nom l’indique change tous les jours. Dès le milieu de l’après-midi, on vous offre des cacahuètes avec votre boisson.

A 16h c’est l’heure des snacks froids, des minis-sandwichs en général, certains en prennent 6, et un gâteau ! A 17h, c’est l’heure des snacks chauds, pour compléter.

Et puis pour ne pas risquer l’hypoglycémie, des cookies sont à disposition 24h/24.

Pourquoi être modéré quand on vous offre le luxe avec le sourire ?

 

Avec Benoît, on se sent vraiment en décalage avec tout ça. Le tourisme en Antarctique devrait appeler à la modération, à la contemplation et non à la consommation.

 

 

 

Lundi 29 décembre – 12h

59°21’0″S – 48°45’4″O

Jours off

 

3 jours en pleine mer en direction de l’Antarctique et en pleine tempête : horrible. Malgré mon patch et les médicaments anti-mal de mer, je ne peux pas rester très longtemps debout sans que mon ventre ne crie. Le roulis du bateau est très inconfortable. Alors j’ai passé les deux derniers jours dans ma chambre, me forçant à sortir pour les trois repas, histoire d’avoir quelque chose dans le ventre. Et sinon, dodo, dodo, dodo. C’est fou comme mon organisme peut enchainer les longues nuits de sommeil avec les siestes du matin et de l’après-midi.

En plus comme nous avons eu un fort vent de face, on a avancé beaucoup moins vite que prévu, faisant presque du sur place parfois. Du  coup aujourd’hui nous sommes encore en mer. Mais heureusement un peu plus calme, j’ai même réussi à assister à une conférence ce matin, y a du progrès.

Pendant ce temps Benoît, qui a la chance de s’être découvert le pied marin, tourne en rond sur le bateau, sans moi.

Vivement demain qu’on retrouve des terres à l’horizon !

 

 

Mardi 30 décembre – 8h45

61°17’1″S – 55°11’9″O

Cape Lookout

 

201412 - Antarctique - 0659Mer calme. Elephant Island à tribord. Grand soleil. Oh que ça fait du bien de sortir de mon hivernage !

 

Pas de débarquement prévu aujourd’hui mais une croisière en zodiaque pour découvrir les abords de cet île. Quelques jolis manchots macaronis, nos premiers manchots à jugulaire (Chinstrap en anglais) et notre premier léopard de mer.

 

Je reprends vie.

 

 

 

 

Mardi 30 décembre – 22h00

62°10’3″S – 55°13’4″O

Antarctique

 

201412 - Antarctique - 0661Nous avons passé l’après-midi à glisser plein sud sur une mer d’huile, un délice.

 

 

Nous avons découvert nos premiers icebergs. En particulier quelques icebergs tabulaires incroyables. Notre capitaine-champion a même fait un petit détour pour s’approcher tout près de cet énorme bloc de glace comme taillé au cordeau.

Blanc et bleu purs. Wahou !

 

 

 

Et puis nous avons aussi croisé la route de dizaines de baleines, pour notre plus grand plaisir.

Et ce soir à bâbord, là-bas au loin, presque confondu avec les nuages, on aperçoit le sommet de quelques  montagnes. Antarctique, on arrive !

 

A suivre…



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