Passionnémantarctique – 3/3 – L’Antarctique

PubliÉ le Catégories : Antarctique.


Journal de bord d’une globe-trotteuse en partance pour l’Antarctique.

Sandrine raconte son expédition en Antarctique.

Troisième semaine : Nouvel an sur le 7ème continent.

 

 

Mercredi 31 décembre – 8h30
63°52’1″S – 60°59’1″O
Qu’est-ce que le bleu ? Vous avez 2h.

 

Cette fois-ci on y est ! La péninsule Antarctique est là, à l’horizon. Ce n’est pas encore le moment de poser le pied à terre. On y va par étape, on savoure.

Ce matin ce sera d’abord un tour en zodiaque. Au milieu d’immenses icebergs. Des structures de glace, d’eau douce, qui se sont échappées d’un glacier et qui flottent désormais au gré des vagues. Le ciel est gris, la mer sombre et cela donne un beau contraste à ces blocs d’un blanc pur et d’un bleu inqualifiable.

Les formes sont parfois tranchées, parfois arrondies. Certains vacillent lentement, sans pour autant se retourner. Cette balade matinale me laisse un sourire imprimé sur le visage.

Quelle belle introduction ! Encore ! Encore !

 

 

 

Mercredi 31 décembre – 16h

64°29’9″S – 61°45’3″O

Le pied sur le continent

 

Ca y est, j’ai posé le pied en Antarctique ! Mon 7ème continent ! Pour le dernier jour de 2014 !

Décidément cette expédition s’agence à la perfection.

 

201412 - Antarctique - 0801Portal point. Une blanche baie, avec un joli point de vue qui permet d’admirer l’immensité des paysages.

Tout le monde se précipite en haut. Will, le géologue de l’équipe, organise une photo souvenir, tous en rond avec nos jolies vestes jaunes sur le fond blanc. Clac clac quelques photos, un dernier coup d’œil sur le paysage et le troupeau redescend déjà. Avec Benoît, on a pris notre temps, on a d’ailleurs raté les premières photos de groupe, mais peu importe.

 

On a savouré les tous premiers pas posés hors du zodiac sur ce continent. On en rêvait depuis tant de temps. On a regardé autour de nous, la péninsule Antarctique ce n’est pas un grand désert blanc à perte de vue. C’est d’abord une côte, des rochers au bord de l’eau. Et puis bien sûr de la neige, beaucoup de neige. Et des pentes, des sommets. C’est un monde brut, un manteau neigeux, mais en dessous des crevasses aussi. Et parfois le manteau neigeux s’arrête net et tombe de plusieurs dizaines de mètres dans la mer. Certains blocs de glace sont prêts à se détacher, ça craquèle et parfois on voit des pans tomber dans un grand fracas.

 

Comme d’hab’, on est les derniers. On profite du calme, là haut lorsque tout le monde est redescendu.

On s’assoit. On admire. Jusqu’au bout.

 

 

 

Mercredi 31 décembre – 20h

64°29’9″S – 61°45’3″O

Réveillon sur le grill

 

20h, dernier zodiaque du continent. Bien sûr, on est dedans. Maintenant place aux festivités du réveillon ! Vite une douche, on se change et on monte sur le pont arrière pour profiter du barbecue.

201412 - Antarctique - 0883Oui ! Ils ont préparé un barbecue pour le repas du réveillon. Et bien sûr ils n’ont pas fait les choses à moitié. Vin chaud d’accueil, viande à profusion, épis de maïs, pommes de terre, salades, buffet de fromages et plein de desserts.

Seul détail étrange : ils ont lancé le dîner à 19h30. Alors tout le monde est rentré tôt du continent et est monté se jeter sur le buffet. C’est important de manger. Alors quand on arrive c’est déjà la fin des festivités ! On a à peine le temps de se servir qu’ils enlèvent déjà les plats. Pourtant il reste encore une quantité astronomique de nourriture. Pourquoi tant de hâte ?

 

Ils ont lancés la musique et quelques personnes dansent déjà sur le pont.

Nous qui pensions profiter d’un bon repas en plein air pour débattre longuement avec d’autres passagers de cette première rencontre avec le 7ème continent, nous nous retrouvons à manger debout notre dessert avec les doigts parce que les cuillers ont déjà disparues, tout en s’approchant de la piste.

Ah, ces anglo-saxons, drôle de conception des repas de fête !

 

201412 - Antarctique - 0889« – Tiens, elles sont bizarres ces baleines ! » Tout le monde se rue à tribord. Oh mais c’est des orques qui dansent devant nous. Qu’elle chance ! C’est assez rare de pouvoir voir ces cétacés. Ils passent rapidement mais encore un joli clin d’œil pour terminer cette année en beauté.

 

Mais du coup, l’ambiance est retombée. Il est 21h et tout le monde rentre au salon ou dans sa chambre. Etrange.

 

 

 

 

 

Jeudi 1er janvier 2015 – Minuit

64°42’3″S – 62°59’5″O

3…2…1…

 

Bonne année !!!!

Depuis une demi-heure l’ambiance est repartie, tout le monde est revenu au salon. Même l’équipage qui d’habitude ne se mélange pas trop avec les passagers. On les découvre sans leur tenue de travail. Conrad, qui s’occupe de nettoyer ma chambre tous les jours et qui est habituellement en pantalon noir, ceinture, polo manches courtes et badge à son nom, est ce soir habillé comme un rappeur. Pantalon ultra large, t-shirt de XXL et casquette à l’envers. Drôle. Nancy, Liz, Richard, Mel, Brooks, Celito et tant d’autres. Alice, la responsable du bar, sert une coupe de champagne à tout le monde pour l’occasion. Et Richard passe quelques fois nous la re-remplir quand elle se vide.

On sourit, on s’embrasse, on trinque, on boit, on danse…

 

201412 - Antarctique - 0903Je regarde par la fenêtre, à l’horizon, il fait jour. L’éphéméride disait : coucher à 23h59, lever à 2h50. Mais entre-temps il n’y aura pas d’obscurité.

Avec Benoît, on sort quelques minutes pour profiter de la lumière de minuit et des paysages qui nous entourent alors que le bateau poursuit sa course vers le sud.

Nous sommes là, tous les deux, au bout du monde, une très belle année se termine et une nouvelle commence, prometteuse, on est heureux, tout simplement.

 

Happy new year !

 

 

Jeudi 1er janvier – 16h02

66°34’42″S – 67°24’9″O

Pôôôôôôôôô

 

201412 - Antarctique - 0924Le commandant vient d’activer la sirène du bateau : nous venons de franchir le cercle polaire Antarctique !

Yihaa !

 

Nous avons navigué toute la journée à la poursuite de cette ligne immatérielle. Cette ligne qui marque la limite au-delà de laquelle il existe au moins une journée par an où le soleil ne se couche pas (et une où il ne se lève pas).

Précisément cette année, elle correspond au parallèle de 66°33’45,573″ Sud.

Et nous sommes au-delà.

 

Concrètement cela ne change rien, mais c’est un joli symbole. Et peu de gens ont la chance de descendre dans des contrées aussi septentrionales, alors ça vaut bien une coupe de cidre chaud ! Merci Alice !

 

 

Jeudi 1er janvier – 16h45

66°34’56″S – 67°24’6″O

Polar plunge

 

Il y a une autre tradition – après boire un verre – lorsqu’on franchit le cercle polaire. Celle de se jeter à l’eau !

Oui à l’eau, comme ça au milieu des icebergs.

Et nous bien sûr, on est partant !

 

L’ambiance est fébrile dans le couloir. Une trentaine de « barges de l’Antarctique » attendent leur tour pour plonger.

On est tous là, en maillot de bain et peignoir. Qui l’eut cru que je me retrouverais en peignoir pendant mon tour du monde ?

Il fait frais quand même dans ce couloir. Et puis Solan, le leader de l’expédition, ouvre le bal. A sa sortie tout le monde crie, applaudit. Sa première phrase était quelque chose comme « dans mes précédentes expéditions l’eau n’était pas si froide« . Moi je dis qu’il bluffe !

 

Les premiers s’élancent déjà. Le couloir fait un coude, alors on ne voit rien. Mais on les voit revenir, trempés, le sourire aux lèvres. Pour retourner à leurs cabines, il doivent passer au milieu de ceux qui attendent, alors on leur réserve un accueil digne des grands champions. Mais ils semblent pressés de se mettre au chaud, étonnamment.

Moi j’ai déjà froid aux pieds, car je suis pieds nus et la moquette commence à être fraîchement mouillée avec tout ce passage. Mais pourquoi j’ai laissé mes tongs dans la cabine ?

 

Et puis c’est déjà mon tour. J’enlève le peignoir. Je descends les marches qui mènent à l’extérieur. On m’attache (au cas où).

201412 - Antarctique - 0940Dialogue intérieur :

« Allez, sourire caméra, à gauche, vers le zodiac. Et maintenant go ! »

(Grande inspiration et plouf)

« Aaaaaaaaaaaaaaa c’est froid !

Mince j’ai plein de cheveux devant les yeux, je suis encore la tête sous l’eau ou pas ?

Je crois que je suis hors de l’eau, faut que j’arrive à enlever ces cheveux de devant mes yeux pour profiter un peu.

Aaaah mais arrêtez de me tirer avec la corde, deux secondes, tout va bien. Grrr, pourquoi j’ai tant de cheveux partout.

Bling, ah ben je suis déjà contre l’échelle métallique et ils tirent encore. Doucement, doucement, tout va bien.

Bon, ok, je remonte.

Aïe ouille, là j’ai vraiment froid aux pieds sur les marches en métal ! »

 

Vous avez surement mis beaucoup plus de temps à lire tout ça que le cours réel de l’action. Tout est allé tellement vite. Mais on sort avec le sourire ! On a plongé en Antarctique !

Quant au petit verre de vodka qu’ils nous offrent en sortant, je n’ai même pas réussi à le boire en une fois tellement ma respiration a été coupée par le froid.

Ah oui, je précise, l’eau était à 1°C.

 

 

Jeudi 1er janvier – 17h50

66°34’695″S – 67°24’008″O

Demi-tour

 

Voilà le point le plus au sud où nous serons allés.

Depuis ce midi nous naviguons sur la banquise et le capitaine ne préfère pas risquer qu’elle se referme sur nous. C’est le premier bateau cette saison qui descend si bas. Alors le débarquement prévu sur une île au-delà du cercle polaire est annulé et nous faisons demi-tour. On a en mémoire le bateau de croisière russe qui est resté coincé dans les glaces plus d’une semaine à la même époque l’an dernier…

 

Nous voilà donc « techniquement » sur la route du retour. Mais pas de panique, il nous reste encore plusieurs jours de découverte de la péninsule !

Et quand je repense à cet incroyable enchaînement d’événements depuis 24h, je n’aurais pas pu rêver mieux pour finir 2014 et démarrer cette nouvelle année !

 

 

Vendredi 2 janvier – 10h

65°6’1″S – 64°1’7″O

C’est l’hallu

 

201412 - Antarctique - 0988
Encore trop de banquise pour débarquer à Port Charcot, alors ce matin nous resterons dans la baie (Pleneau bay) pour faire un tour en zodiaque. Des icebergs, toujours aussi beau de partir à la chasse aux nuances de bleu. Mais ce matin c’est encore la faune qui va nous émerveiller.

 

Déjà on rencontre nos premiers manchots Adélie. Ce sont des manchots qu’on ne trouve qu’en Antarctique et dans les îles les plus proches. Avec leur tête toute noire, moi je les trouve bien rigolos !

 

 

201412 - Antarctique - 0997

 

Et puis en s’éloignant on rencontre une colonie de manchots Papous curieux et joueurs. Alors qu’habituellement les manchots s’éloignent des zodiacs, ceux-là jouent autour du bateau et ils sont des dizaines. On ne sait plus où donner de la tête. Ils nagent, plongent, font des roulades, passent sous le bateau, ils sont sacrément rapides et bons nageurs. Un spectacle magique de ces bêtes avec leurs grandes taches blanches autour des yeux et leur bec rouge.

 

 

201412 - Antarctique - 1017

 

 

Oh un léopard de mer, là-bas, sur la glace ! Liz approche le zodiaque. L’animal lève la tête, nous regarde d’un air dédaigneux et retourne dans sa sieste. Il baille de temps à autre, parfois se retourne et même quand un de ses compères vient sur son îlot de glace, il daigne à peine le regarder. L’heure de la sieste c’est sacré !

 

 

 

201412 - Antarctique - 1041

 

 

 

Oh des baleines !

Cette fois-ci ce sont des baleines de Minke, là tout près, qui soufflent et avancent majestueusement.

J’adore.

 

 

 

 

 

 

Vendredi 2 janvier – 12h

65°2’9″S – 66°5’5″O

Quand le ciel est bleu

 

Depuis que nous sommes arrivés aux abords de la péninsule Antarctique, il y a une basse couche de nuages gris, comme de gros coussinets, qui recouvre le ciel. Et moi je me disais que cela donnait un certain charme au paysage. Mais là ce midi, le ciel est tout bleu, bien dégagé. Je découvre ce qu’est l’Antarctique avec du grand soleil. Et bien c’est… grandiose…

201412 - Antarctique - 1071 - Panorama

 

Et comme vraiment tout se goupille incroyablement bien dans ce voyage, cela coïncide avec le moment où nous traversons le chenal Lemaire. C’est un petit chenal (à l’échelle des brise-glaces tout de même) surnommé « passage Kodak » car a priori très touristique (toute proportion antarctiquienne gardée bien sûr).

On fait la navette entre les ponts avant et le pont arrière, on ne sait plus où donner de la tête. Des montagnes abruptes tombent dans la mer de chaque côté du bateau, des glaciers s’étendent sur des centaines de mètres, on se sent tout petit en traversant ce goulot. Et puis ce ciel bleu, qu’est-ce que c’est beau !

 

 

 

Vendredi 2 janvier – 17h

64°48’4″S – 63°30’O

Voleurs

 

201412 - Antarctique - 1098On ne pourra pas débarquer à Port Locroy. Il y a déjà d’autres bateaux prévus aujourd’hui et puis il y a une inspection alors le nombre de visiteurs est limité. Enfin on ne sait pas exactement mais toujours est-il qu’on n’ira pas visiter cette ancienne base scientifique britannique, aujourd’hui reconvertie en musée. Il faut dire que c’est la seule poste d’Antarctique et qu’il y a, parait-il, un superbe magasin de souvenirs. Alors il y a des mécontents, ceux qui avait mis Port Locroy sur leur check-list de vie, ceux qui avaient déjà écumé la boutique de souvenirs du bateau.

Mais ce sera débarquement à Damoy Point, juste derrière. Avec un beau point de vue sur Port Locroy pour faire râler les râleurs.

 

201412 - Antarctique - 1108 - Panorama

 

 

Une colonie de manchots Papous nous attend et nous passons de longues minutes à observer leur manège. Certains sont en train de couver sur leur nid et d’autres construisent le leur à l’aide de pierres qu’ils vont chercher… dans le nid des autres…

201412 - Antarctique - 1095Oui c’est le bal des voleurs ! C’est trop drôle.

En plus les voleurs savent très bien faire les innocents quand le propriétaire du nid les suspecte. Mais des fois ce n’est vraiment pas discret alors ils se font crier dessus ou courser. Là ils lâchent tout et partent en courant avant de recommencer leur larcin quelques mètres plus loin.

Fascinant.

 

Ce soir au récap’ ils nous ont montré cette petite vidéo qui me fait bien rire en repensant à cette après-midi. Là c’est des manchots Adélie, mais c’est les mêmes fripouilles.

 

 

 

Samedi 3 janvier – 8h45

64°44’1″S – 62°36’7″O

Du rire au doute

 

Un petit défi nous attendait à Danco Island. Un manchot Adélie s’était caché parmi ses compères Papous.

Maintenant qu’on vous a présenté les 7 espèces de manchots que nous avons rencontrés, serez-vous capable de le retrouver ?

201412 - Antarctique - 1131

 

Ce matin on a pu aussi observer un autre élément de l’organisation des manchots en Antarctique : l’autoroute à manchots !

201412 - Antarctique - 1152Ils font souvent leurs nids sur les roches un peu en hauteur par rapport à la côte, ce sont les premiers endroits sans neige au printemps. Mais ils se nourrissent uniquement dans l’océan. Alors une fois par semaine environ, celui du couple qui ne couve pas part chercher à manger, puis remonte. Ils sont ainsi des dizaines à faire des allers retours en prenant le même chemin dans la neige. Ils creusent ainsi des couloirs qui deviennent leurs autoroutes.

Encore de bons fous-rires à les observer se dandinant en file indienne pour descendre la colline, parfois en glissant sur le ventre, ou pour remonter. Et quand un groupe qui descend croise un groupe qui monte, ils s’arrêtent, se regardent, s’évitent en se tapant un coup dans les nageoires. Et parfois on voit un manchot un peu perdu qui, se retrouvant face à un autre en sens inverse, se trouve étonné et désorienté, se retourne et repart en sens inverse !

 

En haut du point de vue la neige est molle et souvent on s’enfonce, jusqu’aux genoux. Mais les trous laissés par nos pas sont dangereux pour les manchots, s’ils tombent dedans, ils sont assez malhabiles pour s’en sortir. Alors il faut reboucher nos trous. A chaque pas. Clairement certains ne s’en préoccupent pas, on voit les membres du staff passer derrière eux pour reboucher. Oui, c’est long et fatigant de prendre 5 secondes à chaque pas pour effacer nos traces, mais combien d’années a-t-il fallu pour façonner ce monde merveilleux que nous sommes si heureux de pouvoir contempler ? Combien de temps nous faudra-t-il pour détruire tout ça avec notre insouciance ?

 

 

 

Samedi 3 janvier – 16h

64°50’5″S – 63°31’O

Dernier débarquement sur le continent, dernière merveille

 

Déjà le temps du dernier débarquement sur le continent Antarctique. Neko Harbour. Un endroit absolument fabuleux. L’approche est incroyable et la vue depuis le bateau nous fascine. On se demande même si cela vaut le coup de descendre à terre tellement ce que l’on observe depuis le pont est impressionnant.

201412 - Antarctique - 1159 - Panorama

 

Bien sûr, on débarque et on monte au point de vue balisé par l’équipe.

Wa-hou ! La claque !

201412 - Antarctique - 1184 - Panorama

 

On restera 2 heures, assis là, face à ce paysage qui est pour moi le plus merveilleux, pur, intense, immense, impressionnant que j’ai pu contempler dans tous mes voyages.

 

 

 

Les photos, que je trouve pourtant réussies, ne rendent pas justice à ce paysage.

Le ciel est bleu comme nous l’avons rarement vu. Le franc soleil nous donne chaud et fait scintiller les icebergs et les glaciers autour de nous. L’eau passe d’un bleu foncé et intense à un vert turquoise aux abords de la glace et à un bleu vert translucide près de la plage. Tellement claire, qu’on peut, de tout là-haut, voir les manchots nager sous l’eau. On découvre ainsi leur balai incroyablement rapide, où ils se croisent et s’évitent habillement. Autant ils sont gauches à terre, autant ils sont taillés pour la natation synchronisée.

A côté de nous on entend le glacier craquer. On voit des avalanches tomber. Et puis le calme revient.

 

La nature invite au silence. Alors Miko invite la vingtaine de personnes présentes à faire deux minutes de silence pour profiter du lieu. Tout le monde se tait. Ou presque. En contrebas, Zarah n’a pas du entendre la proposition de Miko. Et c’est fou comme une seule personne peut ruiner l’effort de tout le groupe. Au bout de 30 secondes, je craque et lui explique ce qu’avait proposé Miko. Ah ok, elle se tait. Mais elle continue à prendre des selfies, et « clac clac clac », à jouer avec la fermeture de sa veste, et « scratch scratch scratch ». Ridicule, comme dirait Marc. En effet.

Heureusement nous avons finalement pu quand même profiter d’au moins 30 secondes de silence complet.

 

Petit à petit les gens sont repartis, nous on est restés.

On n’en finit de découvrir de nouveaux détails. Notre bateau pourtant pas ridicule semble minuscule là au milieu. Au fond on aperçoit le mont Français entouré d’une mer de nuages. A droite, nos yeux plongent dans les crevasses des glaciers et notre esprit avec.

C’est ça la côte Antarctique. C’est tellement beau l’Antarctique.

 

 

Dimanche 4 janvier – 16h

62°55’5″S – 60°38’5″O

Deception Island

 

Dire qu’elle porte bien son nom serait exagéré. Dire que j’ai été emballée le serait tout autant.

Deception Island, est une caldera d’un ancien volcan, dans les îles Shetland du sud, tout au nord de la péninsule.

 

201412 - Antarctique - 1223 - Panorama

 

On entre avec le bateau par une fine ouverture, le pilote est concentré. Au fond, on a fait une première excursion le matin pour s’approcher d’un cratère dont la récente éruption a dévasté l’île dans les années 70.

 

201412 - Antarctique - 1242Le grand moment de cette sortie sera la petite descente en luge, sans luge bien sûr, pour rejoindre la plage. Il faut dire que depuis une semaine, c’est quasiment tous les jours qu’on trouve le moyen de faire une descente sur les fesses dans la neige. Et ça non plus on ne s’en lasse pas.

 

L’après-midi, on marchera sur une autre plage, près d’une ancienne station baleinière détruite par l’éruption.

 

Mais il fait gris, on n’est plus dans un paysage blanc immaculée, ici c’est le gris de la cendre et le brun de la terre qui l’emportent. C’est notre dernière journée à terre avant de rentrer. Notre esprit est ailleurs, peut être encore à Neko Harbour. Heureusement il y a quelques manchots sur la plage pour nous dire au revoir. On s’assoit une dernière fois avec eux.

Pura vida.

 

 

Mardi 6 janvier – 15h

56°0’2″S – 67°6’5″O

Le passage de Drake

 

Le passage de Drake est bien connu et redouté de tous. Surtout moi qui ai le mal de mer. Plus de 800km de traversée en croisant perpendiculairement le courant circumpolaire Antarctique, celui qui fait le tour du continent et dont le débit est 600 fois celui de l’Amazone. Une des mers les plus agitées au monde traversée par les 50èmes hurlants. Un endroit où la météo joue souvent des siennes. Des vagues énormes, des tempêtes de vent qui secouent le bateau comme une feuille, et deux jours de traversée. Deux jours d’enfer.

 

Sauf quand on a une bonne étoile qui nous suit ! Pour nous pas de « Drake Shake » mais un « Drake Lake » !

C’est boooooooooon ça !

Tellement tranquille que le capitaine nous emmènera profiter des abords du Cap Horn pour finir ce voyage incroyable.

 

 

Mercredi 7 janvier – 7h

54°49’2″S – 68°20’3″O

Epilogue

 

Nous voici de retour à Ushuaïa.

Je ne sais pas trop comment terminer ce journal.

Bien sûr je vais commencer par dire que j’ai A-DO-RE ! Que la découverte de ce septième continent est allé au-delà de mes espérances. Que si l’Antarctique s’est révélé, comme je le pressentais, un endroit magnifique de pureté, d’immensité et de sérénité, les Malouines et la Géorgie du Sud ont été une grande et belle surprise.

On m’avait dit que ces îles valaient le détour si on était fan de faune sauvage. Cela ne me parlait pas trop. La faune sauvage, on a l’occasion d’en voir un peu en voyage, par petites touches et c’est toujours de beaux moments. Mais de là à y consacrer 10 jours, j’avais des doutes. J’étais loin de m’imaginer ce qui m’attendait, ce que voulait dire « faune sauvage » dans des endroits comme ceux-là. C’est d’ailleurs assez difficile de l’expliquer. Imaginez un zoo sans grillage, sans barrière, sans gardien. Multipliez la surface par autant que vous pouvez mentalement. Et bien c’est encore différent. Ici les animaux ont gardé leur instinct sauvage, ils n’ont pas peur de l’Homme et n’attendent rien de nous. Ils nous regardent parfois tout autant qu’on les observe mais le plus souvent ils vivent leur vie. La vraie vie, pas celle à laquelle ils ont du s’accoutumer dans la surface qu’on a bien voulu leur octroyer. Et puis même si nous étions une centaine à débarquer sur terre, il y avait toujours suffisamment d’espace pour trouver son petit coin, loin des autres et du blabla, et suffisamment de temps pour que chacun puisse en profiter à son rythme. Et ça c’était vraiment précieux.

 

Je mesure aussi la chance d’avoir pu découvrir ce fragile continent, le seul qui n’appartient à personne.

Voyage au cœur du voyage, ces trois semaines en Antarctique, je les avais tellement rêvées qu’il est dur de se dire que c’est déjà terminé. Mais un tel voyage n’est jamais vraiment terminé. Il continuera à vivre en moi.

 

Je referme les pages de ce journal en espérant que mes quelques mots auront pu faire vibrer en vous quelques-unes des intenses émotions que j’ai pu vivre au contact de cette nature sauvage et de ces terres fantasmées et fantastiques.

Je voulais écrire « ces terres inaccessibles et inhospitalières », mais il suffit de revoir les images de Géorgie du Sud pour voir que c’est tout le contraire. Ces terres sont des lieux de vie, de naissance, des lieux où les différentes espèces vivent en harmonie, des lieux où on vit bien sans l’Homme, où on vit mieux sans l’Homme. Des terres que notre déraison a déjà commencé à détruire, gravement.  Je pense aux baleines qui ne viennent plus en Géorgie du Sud depuis qu’on les a massacrées au début du siècle dernier. Je pense aux rats qu’on a introduits dans cette même île et qui dévastent des espèces d’oiseaux endémiques. Je pense aux restes d’anciennes stations baleinières qu’on garde en tant que témoins mais qu’on n’a pas (encore ?) désamiantées.

Ca fait réfléchir.

 

Au terme de ces trois semaines, je suis vraiment circonspecte sur ce mode de tourisme. Plus de 37000 touristes pour la saison 2013-2014, dont près de 10000 n’auront pas posé le pied sur le continent (Survol uniquement et croisière sur des bateaux de plus de 500 personnes qui ne sont pas autorisés à débarquer).

J’ai rencontré plein de personnes différentes sur ce bateau. Mais pour les touristes, un seul critère est nécessaire pour accéder à l’Antarctique : pouvoir payer l’expédition. Aucun mérite.

Et sur notre bateau, pas de modération, même les membres de l’expédition qu’on questionne sur le sujet nous disent « Les gens ont payé cher, il s’attendent à un certain niveau de service ».

La surconsommation est-elle un droit, du moment qu’on paye ? La modération au contact d’un lieu si fragile ne devrait-elle pas être un devoir, ne serait-ce que quelques jours dans une vie ?

Ca fait réfléchir.

 

Je termine ce journal, ferme les yeux et replonge dans cette majestueuse harmonie.

201412 - Antarctique - 1157

 



8 commentaires sur “Passionnémantarctique – 3/3 – L’Antarctique


     Méla a écrit :

    29 janvier 2015 à 08:55

    Superbe, Splendide. Merci de nous faire partager tout ça !!!!


       Frisita (voyagepartageetpotage.com a répondu :

      3 février 2015 à 17:57

      Avec plaisir Méla ! Profitez bien des paysages de neige cet hiver, nous on est repassé au dessus de la barre des 30° :)


     Anick-Marie (globestoppeuse.com a écrit :

    30 janvier 2015 à 23:52

    Oui, c’est vraiment superbe, vos photos sont très alléchantes ! Bravo !


       Frisita (voyagepartageetpotage.com a répondu :

      3 février 2015 à 17:43

      Merci Anick-Marie ! Les paysages, le blanc, le bleu, les manchots, les otaries… étaient de tellement beaux sujets ! Du nord au sud cette année on aura vraiment été conquis par les terres polaires !


     Nico_Co a écrit :

    1 février 2015 à 16:25

    J’en reste bouche bée, il n’y a tellement(arctique) pas besoin de commenter. Merci pour ce voyage…éblouissant.


     CORNILLE DOMINIQUE a écrit :

    1 février 2015 à 17:18

    Fabuleux, Magnifique!!!!
    Grand moment d’émotion .Merci !!!!!!

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