Les pérégrinations de deux Vazaha chez les Gasy
PubliÉ le Catégories : Madagascar. Tags : autostop, couchsurfing, cuisine, difficultés, rencontre.
« Vazaha, vazaha ! »
Vazaha, en malgache, ça veut « étranger » . Et c’est par ce petit nom que les locaux interpellent tous les étrangers qu’ils croisent, enfin surtout les blancs, touristes ou non. Et ça commence dès le plus jeune âge : les parents apprennent à leurs tous petits à reconnaître les « vazaha » , et à les appeler ainsi.
« Tu vois les gens là-bas, ce sont des vazaha… »
Résultat, rares sont les endroits où l’on peut se balader tranquillement sans se faire alpaguer, vazaha par-ci, vazaha par-là. « Bonjour, Vazaha ! » , ça passe encore. Mais ça dérive vite vers de bien plus pénibles: « Vazaha, un stylo » , « Vazaha, une bouteille » , « Vazaha, des bonbons ! » voire même « Vazaha, donne-moi de l’argent !‘ » .
Moi, ça a fini par me rappeler cette pub des années 2000 :
Et oui, l’accent chantant des malgaches n’est plus forcément ce que l’on imaginait.
Heureusement, il y a une réponse qui permet, des fois, d’abréger la conversation et de faire lâcher prise à certains pots-de-colle : le « Vazaha Sac-à-dos » .
Une manière simple et efficace de dire : « Tu me vois là, avec mon sac à dos tout poussiéreux et mon pantalon de rando tout usé. Moi je voyage en routard, je n’ai pas beaucoup d’argent. Donc tu n’as aucune de chance de me soutirer quoi que ce soit. Alors laisse-moi tranquille maintenant » .
Mais c’est quand même vite fatiguant d’être ainsi sollicité en permanence parce qu’on est blanc, parce qu’on est étranger, parce qu’on est un vazaha chez les gasy.
Tana, la pire entrée en matière
Antananarivo, ou Tana pour les intimes. La capitale de Madagascar et ses 3 millions d’habitants (pour un total de 24 millions sur toute l’île), une population qui explose depuis quelques années. Tout séjour à Mada débute et finit là, mais pour nous, Tana a surtout été une épreuve.
Pourtant, avant d’arriver, tout avait bien commencé et nous avions trouvé un couchsurfing chez Niry, qui travaille dans une agence de tourisme, et Rado, un ancien cuisiner reconverti assistant parlementaire. L’occasion de découvrir davantage la vie locale, d’organiser un peu plus notre séjour sur l’île avec Niry et de cuisiner malgache avec Rado. On a ainsi passé quelques chouettes moments avec eux et leur famille dans leur petite maison sans prétention.
Mais une fois hors de la maison, c’est une toute autre histoire. Voilà comment Rado nous met au parfum :
– Cet escalier, c’est tranquille. Il ne faut pas le prendre. Cette zone là c’est pareil, c’est zone rouge, il ne faut pas y aller. Et ici aussi, c’est tranquille, il ne faut pas y aller.
– Comment cela, il ne faut pas y aller parce que c’est tranquille ?
– Ben oui, à Tana, il faut éviter les endroits où l’on risque de se retrouver seuls, car c’est là que les pick-pockets, ou pire, vont tenter d’agir.
– OK, on comprend, on va essayer d’éviter les quartiers tranquilles alors. Autre chose ?
– La nuit, il ne faut pas marcher, il faut prendre un taxi. Nous, quand on veut sortir la nuit, on prend toujours un taxi. Et demain, c’est le jour du marché, il y a beaucoup de monde. Faut faire attention. Moi quand c’est le jour du marché, je ne mets pas ma chaîne en argent autour du cou.
– Mais toi tu es malgache ? Et du quartier ! Tu te sens quand même en insécurité ?
– Oui, oui ! Malgache ou pas, s’ils peuvent te voler quelque chose, ils le feront !
Voilà qui nous a mis dans l’ambiance. Et résultat, nous avons dû être sur nos gardes en permanence, porter notre sac à dos… sur le ventre, surveiller nos poches, faire attention à tout comportement étrange autour de nous, et éviter les enfants.
Oui, les enfants ! Surtout ceux qui se jettent sur vous, une casquette à la main pour faire la manche et qui en profitent avec l’autre main pour vous faire les poches. On en a fait une fois l’expérience, heureusement il n’y avait que des mouchoirs dans nos poches, mais on comprenait mieux le sombre tableau dressé par Rado.
Et du coup, à Tana, on s’est vite sentis mal. La combinaison de ce profond sentiment d’insécurité, d’une misère plus que palpable, et, plus personnellement, d’une fatigue physique et morale après 10 mois de voyage assez soutenus (dont les 2 derniers en truck, très intenses) ont fait que nous avons limité nos sorties. Juste le minimum que nous avions à faire pour tenter de refaire nos passeports. Tentative qui s’est d’ailleurs soldée par un échec cuisant.
D’un point de vue plus touristique, on s’est juste contentés de visiter la Rova, le Palais de la Reine, sur les hauteurs de la ville. Ca a le mérite d’offrir une belle vue panoramique sur l’ensemble de Tana et de nous en faire découvrir davantage sur la très méconnue histoire royale de ce pays, la période pré-colonisation. Malheureusement, le palais en lui-même était en reconstruction (depuis combien de temps ? et pour encore combien de temps ?). A part ça, il n’y a pas énormément à voir dans cette ville, donc après 3 jours, on s’est décidés à partir pour Fianarantsoa, à 400 km au Sud, le point de départ de notre visite de l’île. Et notre première expérience en taxi-brousse.
La galère du taxi-brousse
Pour se déplacer entre deux villes à Madagascar, il n’y a pas 36 solutions. Les budgets confortables pourront opter pour le véhicule avec chauffeur ou l’avion (quoique très cher pour un service des plus aléatoires), et les plus téméraires pourront toujours rivaliser d’idées pour se déplacer autrement (à pied, à vélo, en scooter, en charrette à zébus…). Mais pour tous les autres, comme nous, il ne reste qu’un moyen de transport : le taxi-brousse.
Et notre histoire avec le taxi-brousse a plutôt ressemblé à un long calvaire. Il faut dire que tout avait mal commencé. Déjà, pour aller à la gare routière Sud d’Antananarivo, la capitale, Rado nous avait prévenu : « Il faut y aller en taxi et vous faire déposer devant le bureau de la compagnie qui va à Fianarantsoa (notre destination), si vous prenez un bus, il va vous déposer 200m avant et vous n’y arriverez jamais, à cause des rabatteurs. »
Nous qui avions l’habitude de prendre les transports en communs, on trouvait ça un peu gros. Mais on n’a pas voulu faire les occidentaux qui savent tout mieux que tout le monde et on a suivi les conseils de Rado.
Bonne pioche ! Car effectivement, les 200 derniers mètres en taxi ont été assez surréalistes. Une foule de rabatteurs qui se jettent sur le taxi, qui courent à côté du taxi en tapant à la vitre et qui tentent de passer le bras par la fenêtre pour nous interpeller. Ils veulent savoir où on va, enfin ils essaient de deviner où on va en balançant toutes les destinations possibles et en observant nos réactions, pour nous emmener ensuite au bureau de telle ou telle compagnie qui leur refilera une commission en échange. Et bien sûr ils demanderont un pourboire pour le fait de nous avoir « aidés ». L’altruisme local en quelque sorte… Nous tentons de rester hermétiques à cette foule et de garder notre calme, pour essayer de payer le prix le plus juste pour notre trajet. Jusqu’à ce qu’un homme entre carrément dans le taxi à côté du conducteur, s’y installe et devienne de facto « celui qui nous accompagne au bureau ». Hallucinant, et flippant !
Au bureau, malgré la foule toujours pressante autour de nous, nous parvenons à acheter nos billets, à un prix apparemment correct, puis un homme de la compagnie nous accompagne jusqu’au taxi-brousse, un gros minibus. Là, un autre homme nous demande un supplément pour les bagages, en nous montrant sur le billet une phrase en malgache où l’on comprend seulement l’inscription « 15 kg ». Pour nous ça veut dire qu’en-dessous de 15 kg, on ne paie pas nos bagages, mais pour l’escroc devant nous, pas du tout.
Montrant agressivement qu’il est prêt à nous empêcher physiquement de monter dans le minibus, nous cédons après de vaines négociations. Cette histoire des bagages ne s’est heureusement jamais reproduite pour nos autres trajets, ce qui nous confirme aussi que sur ce coup-là, on s’est fait racketter.
Une fois dans le taxi-brousse, il faut ensuite attendre qu’il se remplisse pour partir. On nous a dit que généralement, il se remplit assez vite et part entre 08h et 09h. On est bien dans les temps, donc malgré le racket que l’on vient de subir, on est confiant. Sauf que le taxi-brousse ne se remplit pas, nous ne sommes qu’une petite dizaine dedans, pour 17 places théoriques. Sauf qu’ici on est à Mada, pas en Théorie, et ces minibus ne partent que quand il y a 22 passagers adultes bien serrés dedans, pas un de moins. Et on ne compte pas les enfants bien sûr.
Au bout d’un moment, vers 10h30 peut-être, un représentant de la compagnie arrive et nous changeons de minibus. Nos sacs sont reposés sur le toit d’un autre minibus et nous prenons place dedans. Celui-ci, plus petit, n’a que 13 sièges, donc peut prendre 18 passagers (toujours sans compter les enfants). Voilà qui augmente nos chances de partir. Sauf que les gens ne veulent pas partir avec ce minibus tout petit, moins confortable que le précédent, car c’est un trajet assez long (une dizaine d’heures). Alors après discussions entre malgaches, on re-déménage pour le premier minibus, les bagages sont rebasculés également, et l’attente recommence… Le temps passe, on en profite pour discuter avec nos partenaires de galère, des malgaches très sympas, et patients, et aller manger un bout avec eux. Puis on reprend l’attente, observant l’effervescence sur ce boueux terrain vague qui fait office de gare routière, à quelques mètres des bidonvillles et tas d’ordures qui longent le fleuve.
On découvre que les taxi-brousse sont non seulement utilisés pour les passagers, mais aussi pour les marchandises. Et qu’ils sont tout autant surchargés dedans que sur le toit. On y transporte de tout : des barbecues, des bidons vides ou pleins, des poules, des chèvres, des vélos, une moto, des portails de jardin… Le tout est fait à l’arrache : on hisse le matériel comme on peut, un gars sur le toit avec une corde et d’autres en-dessous qui poussent la cargaison. Puis on bâche le tout et passe des cordes autour pour que ça tienne. Nous on a même eu droit au ponpon sur notre taxi-brousse : deux énormes bonbonnes d’oxygène pressurisé – à peine 157 bars – , peut-être pour un hôpital de province ! Au moins si on a un accident, il n’y aura pas de question à se poser sur d’éventuels rescapés…
Pendant ce temps-là, notre taxi-brousse se remplit enfin et à 16h30, il ne manque plus que le dénommé Mr Roger pour partir. Il se pointera quelques minutes plus tard, ivre. Et pas de bol, Roger, c’est mon voisin ! Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il est 16 heures 45 et que nous partons enfin. Presque neuf heures d’attente pour notre premier taxi-brousse, pas mal !
Sur la route, on se cherche une position un peu confortable pour voyager, mais on se rend vite compte que c’est impossible. Non seulement il n’y a pas de place, tant dans la profondeur que dans la largeur – normal avec tout ce monde me direz-vous – mais en plus les routes sont particulièrement dégradées. Faute d’entretien, de nouveaux nids de poule se forment chaque année. On a entendu que Madagascar perdait des dizaines de kilomètres de routes carrossables par an. Impressionnant !
Par contre, pour Roger, ça ne semble pas être un problème. Il s’est endormi sur mon épaule, et y retombe inexorablement, telle une mouche qui revient toujours sur toi…
Et finalement, à 03 heures du matin, nous arrivons à Fianarantsoa, un horaire assez peu hospitalier pour se retrouver dans une nouvelle ville et y chercher un hôtel ! En plus, à cause de la nuit, on a raté toute la route, qui était censée être plutôt jolie au milieu des collines rouges et vertes du centre de l’île !
On vous passe ensuite le récit de nos 25h en taxi-brousse pour rejoindre la côté ouest. Elle est du même acabit : changement de plans, boite à sardines, 4 à 5 sur 3 sièges, nuit, ronfleur sur l’épaule, à fond les décibels, Céline Dion… :)
Par la fenêtre du taxi-brousse
Quand on ne roule pas de nuit, il est intéressant d’observer la vie sur les routes de Madagascar. Car les routes servent à tout le monde, et on y trouve de tout : des piétons bien sûr (avec une moyenne d’une tong par personne…), mais aussi des charrettes, certaines tirées par des hommes (pas nécessaire ceux aux chaussures), d’autres par des zébus, ou alors des enfants qui guident leur troupeaux de chèvres ou de zébus sur la route. On se demande bien où vont tous ces gens et ces animaux, et ce qu’ils font sur la route, parfois au milieu de rien, parfois très tôt le matin ou très tard le soir…
En ville, il y a encore plus de monde : des cyclistes, des pousse-pousse, des vélo-pousse, des tuk-tuks, des chiens qui traversent, des poules, des canards et des poussins qui se baladent. C’est sûr que ça fait de l’animation ! En revanche, on croise peu d’autres véhicules : très peu d’automobiles, surtout d’autres taxi-brousse, certains en piteux états, et souvent surchargés. Parfois, on voit clairement un taxi-brousse pencher franchement à gauche ou à droite, selon comment la cargaison a été disposée sur le toit.
Quant aux règles de circulation, j’ai cru observer que les véhicules les plus rapides circulent au milieu, et les plus lents sur le côté de la route. Ca oblige les chauffeurs de taxi-brousse à slalomer entre tous ces obstacles, la main collée au klaxon quand on passe en ville. L’avantage du klaxon, c’est que des fois ça couvre la musique dont on nous gratifie dans le taxi-brousse : quand ce n’est pas de la variété malgache, c’est l’intégrale de Céline Dion en boucle, voire du Christophe Maé ! Et en plus c’est toujours bien trop fort pour nos petites oreilles sensibles…
Les limitations de vitesse, en revanche, il faut oublier. Un taxi-brousse doit toujours rouler à la vitesse maximale possible compte tenu de l’environnement. C’est parfois franchement dangereux, surtout quand on sait qu’on a deux énormes bouteilles d’oxygène sur le toit ! Heureusement, pour amener un peu d’ordre là-dedans, la police veille au grain. Le chauffeur descend alors du véhicule et va « négocier secrètement« , à l’abri des regards indiscrets, de pouvoir repartir tel quel. Ça prend parfois du temps, mais au final, les policiers finissent toujours contents, les chauffeurs un peu moins.
Madapeuprès
Voilà un adage qui s’appliquerait bien à Madagascar : « Ici, tout est possible, mais rien n’est certain« .
Vous cherchez un taxi-brousse pour aller de tel ville à tel ville ? Oui, bien sûr c’est possible. Et puis le jour du départ vous découvrez qu’il ne va pas où vous voulez, et qu’en fait il y a un changement, bien qu’on vous ait affirmé le contraire la veille.
Vous cherchez à savoir quel jour part le train ? Rien de plus facile. Demandez à un local, il vous dira que le train part le mardi et le jeudi. Si vous lisez sur internet, vous trouverez que le train circule aussi le samedi. Mais si vous demandez à la gare, on vous dira que le train ne circule plus le jeudi, mais part bel et bien le mardi et le samedi.
Vous voulez faire une excursion en pirogue sur la Tsiribihina ou le Manambolo ? A Tana, on vous dira que ce n’est pas possible, que c’est encore la saison des pluies. Puis vous rencontrerez un guide sur la route qui vous dira que si, c’est possible en ce moment, mais seulement en bateau à moteur et pas en pirogue. Mais une fois sur place, vous découvrirez que c’est tout à fait possible, en pirogue ou en bateau à moteur.
L’information à Madagascar est un concept bien flou. On sera toujours capable de répondre à vos questions, mais de là à ce que ce soit la bonne réponse, il ne faut pas trop en demander. Alors entre les informations imprécises et les réponses contradictoires, il faut toujours recouper ce que l’on vous dit. Mais surtout, le meilleur moyen de s’informer, c’est de demander sur place à ceux qui sont directement concernés par votre requête. Ne demandez pas à Tana s’il est possible de faire telle chose à l’autre bout de l’île. Allez au bout de l’île et voyez sur place ce qu’on vous dit, car oui, rien n’est simple dans ce pays.
Francs ou ariary ?
Un autre exemple de simplicité à la malgache : la monnaie. Le 1er août 2003, il y a donc près de 12 ans, l’ariary a remplacé le franc malgache officiellement. Avec un taux de conversion assez simple : 1 Ar = 5 FMG.
Mais dans les têtes malgaches, on compte encore en francs ! Surtout hors des zones touristiques et pour les produits les moins chers, sur les marchés ou dans les gargotes par exemple. Le pire, c’est que souvent ce n’est même pas dans le but d’arnaquer le touriste qui ne fait pas attention. Les malgaches sont vraiment restés bloqués sur le franc, en toute bonne foi !
Il faut donc faire bien attention aux prix annoncés, notamment pour les petites sommes, qui sont tellement modiques que ça peut ne pas nous choquer de payer cinq fois le prix normal. Par exemple, quand on annonce 1000 pour un café, c’est 1000 francs (200 ariary, soit 6 centimes d’euro) et non 1000 ariary (30 centimes d’euro). Facile de se faire avoir, non ?
Et parfois, cette nouvelle monnaie apparue il y a 12 ans donne lieu à des scènes désarmantes. On entre dans une boulangerie, les prix sont écrits en ariary. A la caisse on vous annonce un prix en FMG, que vous convertissez et payez en ariary. Manque de pot vous n’avez pas l’appoint. Alors pour vous rendre la monnaie, le commerçant calcule d’abord combien vous lui avez donné en FMG, combien il doit alors vous rendre en FMG, et enfin combien ça fait en Ariary. Et forcément, au milieu de tous ces calculs, ça plante et il ne sait plus quoi vous donner… Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Les enfants et l’Eau Vive
On entend souvent les gens revenir de Madagascar et se remémorer avec bonheur le sourire des enfants malgaches, leur regard, leur joie de vivre avec si peu de choses. C’est sûr que comparé aux enfants des pays occidentaux, il y a plusieurs mondes d’écart. Mais notre souvenir des enfants à Madagascar est loin d’être si flatteur.
Car il n’y a pas qu’à Tana, quand ils cherchent à vous faire les poches, que les enfants malgaches sont agaçants. Dans les petits villages aussi, leurs attitudes nous ont parfois interloqués. Qu’ils soient sans cesse en train de quémander quelque chose, on pourrait presque le concevoir dans un pays si pauvre et dépourvu de tout. Dans un pays où tant de touristes voulant « faire plaisir » voire « se donner bonne conscience » les ont habitué à attendre – désormais demander – un cadeau.
Alors on finit par s’habituer aux « Argent, argent ! » ou « Madame, stylo ! » ou « Madame, bonbon » . Mais d’autres fois, on entendait des « Eau-vive, eau-vive ! » . On ne comprenait pas trop. En fait, Eau-Vive est le nom de la marque d’eau minérale de Mada. Mais plus que l’eau, c’est la bouteille en plastique qui intéresse les enfants. Prise de conscience écologique ? Pas vraiment. C’est juste que les bouteilles en plastique vides, c’est quelque chose qu’ils peuvent facilement revendre à des adultes, pour qu’ils stockent de l’huile, du miel ou d’autres liquides. Et la bouteille en plastique, ça se vend 100 Ar (3 centimes d’euro).
Alors à un moment, avec toutes nos bouteilles vides, et bien que l’idée de donner – indirectement – de l’argent à ces enfants nous déplaisait fortement, on s’est dit qu’effectivement ce serait peut-être mieux de les leur donner, plutôt que de les jeter dans la nature (enfin dans la poubelle de notre hôtel, mais tôt ou tard, ça finira brûlé dans la nature).
Malheureusement, ça ne s’est pas trop passé comme prévu. Première bouteille présentée hors de la voiture et une nuée d’enfants se jette dessus, essayant de nous l’arracher des mains, sans dire un mot, ni un SVP, ni un merci. Pour eux, c’est juste un dû, c’est normal que les touristes leur donnent quelque chose. Deuxième bouteille, même topo. Le même qui a déjà eu la première revient encore, cachant sa bouteille dans son dos, comme si de rien n’était. La deuxième bouteille part finalement à un autre, et nous les voyons ensuite presque se battre entre eux, se disputer les rares bouteilles vides qui ont été données.
Choqués par un tel spectacle, nous repartons avec le reste de nos déchets. Le constat est amer : leur donner ces bouteilles leur fait, là aussi, bien plus de mal que de bien. Cela confirme notre principe de voyage : aider, ce n’est pas donner des cadeaux aux enfants. Il était vraiment loin le fameux sourire des enfants malgaches.
Mais finalement, on l’a trouvé grâce à Kazu notre compagnon de route japonais. Lui a du talent pour pas mal de choses, dont l’origami. Et quand un jour il s’est décidé à fabriquer des petites cocottes en papier et de les donner aux enfants du coin, là on a enfin vu leurs vrais sourires. Un premier gamin découvrait les yeux écarquillés ce petit oiseau de papier, essayant de le déplier et de le replier, de jouer avec, de le faire voler, bref faire des choses d’enfants. Quant aux autres, ils attendaient presque patiemment, émerveillés par la dextérité de Kazu, que leur petit oiseau soit confectionné. Un calme qui tranchait sérieusement avec l’histoire des bouteilles. Alors, bravo Kazu pour avoir, l’espace de quelques instants, renvoyé ces enfants là où ils devaient être : dans l’enfance.
De belles rencontres pour finir, quand même…
Malgré tout cela, nous avons quand même vécu de belles choses dans notre vie de tous les jours à Mada. C’est surtout après notre arrivée sur la côte ouest qu’on en à profité. Là, nous avons d’abord rencontré Naina et Gera, deux guides freelance qui nous ont aidé sur place à organiser notre tour dans les tsingy, à nous dégoter un chouette hôtel au bord de la plage et qu’on a retrouvé de temps en temps avec plaisir chez Jean le Rasta, propriétaire éponyme d’un restau-bar des plus sympas en mode paillote, reggae live et rhums arrangés à 60 centimes… Une institution !
Il n’y a pas que chez Jean le Rasta qu’on a vraiment pu décompresser complètement de l’atmosphère malgache. Plus globalement, la ville et les alentours de Morondava nous ont semblé plus tranquilles, moins oppressants que Tana et les villages de l’Est. Enfin, nous avons pu nous balader sereinement dans la ville, aller où on voulait, quand on voulait, même la nuit, sans se faire harceler.
En dehors de la ville, on a aussi découvert le bucolique marché aux zébus de Bemanonga, à quelques kilomètres de la ville. On y a d’abord vu des femmes dans de petites paillotes, préparer de la nourriture, vendre poules et chèvres, et faire cuire des chèvres entières. Puis sur le terrain vague derrière, c’est la place des hommes et de leur bétail. Là, chaque semaine, tous les mercredis, acheteurs et vendeurs de toute la région se retrouvent pour négocier du zébu, qui servira surtout pour le travail dans les champs. Et un zébu, et bien c’est pas donné quand même : selon la taille et l’âge, il faut compter entre 1 et 3 millions de francs (oui ici aussi on compte en francs…) ! Bon, en faisant le calcul, ça revient entre 60 et 180 euros. Mais localement, c’est une fortune !
Pour notre retour du marché, on s’est aussi laissé tenter par le stop. Mais pas n’importe quel stop : le « charrette-à-zébu-stop« . C’est ainsi qu’un gars du coin nous a pris dans son char, avançant cahin-caha sur la route. Et c’est dans l’hilarité générale que nous sommes revenus au village de Bemanonga, toute la foule riant aux éclats de nous voir passer comme ça, deux vazaha installés comme des gasy dans une charrette à zébus. Cette fraîcheur et ce naturel nous ont également fait le plus grand bien, c’est exactement ce dont on avait manqué jusqu’à présent à Mada.
Morondava, c’est aussi la ville où nous avons rencontré Diego et Kazu, qui ont finalement été bien plus que nos deux compagnons de voyage dans les tsingy. Peut-être est-ce l’effet Madagascar et ses difficultés, mais nous nous sommes sentis particulièrement proches de ces deux voyageurs avec qui nous avons passé une joyeuse semaine de notre séjour, au final. Et on espère bien les revoir dans les mois à venir, Kazu au Japon et Diego quelque part en Asie, si nos routes arrivent à s’y croiser. En attendant, bon voyage les amis !
Session cuisine avec Mama Maida
Enfin, c’est à Morondava aussi que nous avons vécu un super moment de cuisine. On est pourtant passé quelques fois sans s’arrêter, d’abord, devant ce petit restaurant de rue installé sur un coin de trottoir à l’ombre d’un bougainvillier, juste avant d’arriver chez Jean le Rasta. Puis un jour, en revenant d’un petit déjeuner le ventre plein, on décide de s’y arrêter, curieux de voir ce qu’il s’y cuisine et comment fonctionne un boui-boui de trottoir.
Là, Mama Maida nous aborde et demande ce que l’on veut manger. On n’a pas faim, mais le contact avec elle passe super bien, très naturellement, comme on aurait aimé que ça se passe plus souvent. Alors on décide d’aller déjeuner chez elle le lendemain midi. Puis on lui demande si, à cette occasion, on peut regarder comment elle cuisine, et finalement, nous tombons d’accord sur une solution encore meilleure : nous viendrons l’aider à cuisiner le lendemain. Comme ça, en quelques minutes, nous venons d’être embauchés comme cuistots dans une petite échoppe de rue !
Le lendemain, après un petit-déjeuner chez elle, elle nous informe que le menu du déjeuner sera chèvre-coco, et que la préparation commencera à 10 heures. On se pointe donc à l’heure prévue pour aller l’aider. Une jeune fille est là aussi et râpe de la noix de coco. Nous, on est d’abord un peu spectateur, on ne sait pas trop où s’installer sur ce trottoir qui sert de cuisine. Puis Maida nous lance sur la préparation des brèdes, il faut séparer les feuilles des tiges. Easy.
Ensuite, on s’affaire avec les tomates et les oignons, en petits morceaux. Pendant ce temps, la chèvre cuit déjà depuis longtemps. On fait ensuite revenir l’ail, l’oignon et le gingembre pilés, on ajoute plus tard les tomates, et on intègre le tout dans le plat avec la viande de chèvre, avec de l’eau et la préparation de coco. Puis on est affecté à remuer tout ça jusque midi. De vrais petits commis !
En attendant, ça s’active toujours en cuisine. Les filles préparent aussi du zébu aux haricots, des beignets, des brèdes, tout en servant en permanence les gens qui passent, qui pour un café, un jus de citron, un beignet, du misao, des sambos, des mokary… A tout moment de la journée, il y a quelques chose à manger et quelqu’un pour manger. Tiens, une vendeuse de crustacés se pointe avec du calamar tout frais pêché. Maida décide d’en achète pour le dîner. Tout se fait à la malgache, à l’instant T, au feeling.
Et finalement, vers midi, Diego et Kazu nous rejoignent pour déguster notre chèvre-coco maison, enfin prête. Vite fait, Maida prépare les achards (carottes, tomates et poivron, en salade) et on sert le riz. L’ensemble est plutôt pas mal, la chèvre bien meilleure que ce qu’on imaginait, car c’est quand même une viande assez caoutchouteuse à la base. La cuisine de Mama Maida, ça reste quand même une cuisine simple, mais surtout, c’est une cuisine préparée avec le cœur. On l’a bien vu et senti. Et c’est exactement comme ça qu’on aime la cuisine. Alors tout simplement, rien que pour cela, Misaotra Mama Maida !
9 juillet 2015 à 16:08
Bonjour Frisita et Beneto . Un grand merci pour toute la narration de votre parcours , dont la lecture facile est un vrai bonheur .Un seul bémol cependant ( je vous le dis comme je le ressens) : sur la carte , vous êtes déjà à Istambul , et par contre , on reçoit tout votre périple à Madagascar seulement maintenant .Un membre de ma proche famille était sur l’ile de Madagascar , il aurait donc pu vous y rencontrer , mais c’est trop tard pour vous , et lui vient de rentrer définitivement mercredi 8 juillet .
Continuez à nous faire rêver , et merci pour ces photos de paysages .Maryse .
10 juillet 2015 à 21:51
Bonjour Maryse, et merci de continuer à nous suivre et de nous envoyer ces messages que nous recevons avec toujours beaucoup de plaisir.
Il y a en effet un décalage temporel, parfois important, entre notre position réelle (qui est remise à jour presque quotidiennement sur la carte) et la publication de nos récits. Ces derniers nous prennent beaucoup de temps, entre la rédaction des textes à partir de nos notes quotidiennes, la relecture et la mise en forme des articles, le traitement des photos, etc.
C’est pour cela que nous avons choisi de faire apparaître la carte sur le blog, pour indiquer presque en temps réel où nous nous situons. Tout comme la rubrique « nos dernières actualités », juste en-dessous, qui reflète davantage l’instant présent.
Il est dommage que nous ayons « raté » votre proche à Madagascar, nous l’aurions en effet rencontré avec grand plaisir. J’espère néanmoins qu’il a passé un agréable séjour sur l’île.
Merci encore pour votre message et votre sympathie,
Amitiés,
Benoît
18 décembre 2020 à 18:23
Bonjour , l’Ariary est la monnaie malgache avant la colonisation . Le franc est apparu à la période coloniale. Ce qui fait que pour les Malgaches dire une somme en Ariary en français est très compliqué ! Même pendant que ie franc était la monnaie officielle à Madagascar, les Malgaches pensent en Ariary en malgache et en franc en français ! Au marché par exemple, quand on demande le prix à un commerçant ( en malgache) , si le vendeur répond le prix en français ( sans préciser la monnaie) , cela veut dire que c’est en franc et si le vendeur répond le prix en malgache ( sans préciser la monnaie), le prix est en Ariary .