Trois continents, trois pays, trente jours de Ramadan

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Ramadan, également orthographié ramadhan ou ramazan (arabe : رَمَضَان ou Ramaḍān), est le neuvième mois du calendrier hégirien. Au cours de ce mois, les musulmans ayant l’âge requis ne doivent pas manger, boire, fumer ou entretenir de relations sexuelles de l’aube au coucher du soleil.

En français, comme en anglais, on emploie indifféremment le mot « ramadan » pour désigner le mois saint pour les musulmans et, par métonymie, le jeûne ou saoum, qui constitue l’un des cinq piliers de l’islam.

Le premier jour du mois suivant est l’occasion de célébrations observées durant l’Aïd al-Fitr, la fête de la rupture du jeûne.

 

 

Durant notre première année de voyage nous aurons traversé 4 régions à dominante musulmane : Zanzibar en Tanzanie, Harar en Ethiopie, la Turquie et l’Iran. Les hasards du calendrier nous amèneront à voyager dans les trois dernières pendant le mois de Ramadan.

 

Retour sur ces 30 jours à cheval entre 3 continents. Ou comment on voyage, partage et potage en période de jeûne…

 

 

Le Ramadan en Afrique

Lorsque le Ramadan commence nous sommes à Mekele dans le nord de l’Ethiopie. Ici les gens sont majoritairement orthodoxes et nous sommes en train de préparer nos affaires pour partir dans le désert du Danakil, cette région extraterrestre. Alors ce premier jour de jeûne passe complètement inaperçu.

 

Tout démarre pour nous la semaine suivante lorsque nous arrivons à Harar, dans l’est du pays.

 

Le logement

On souhaite dormir dans une maison traditionnelle à l’intérieur de la vieille ville, capitale religieuse des musulmans du pays, et quatrième ville sainte de l’Islam. Deux sœurs proposent effectivement des chambres dans leurs maisons. La première nous accueille avec un sourire digne des meilleurs films de gardiens de prison. Elle nous fait rapidement comprendre qu’on ne pourra pas partager la même chambre si nous ne sommes pas mariés.

 » – Mais nous sommes mariés, dit-on éhontément.

– Je ne vous crois pas. »

Le ton est donné. Voilà qui promet un séjour sympa chez l’habitant ! On accepte alors de dormir dans deux chambres séparées, après tout, on n’est pas là pour aller contre ses croyances. Sans plus de sourire elle nous explique alors que le petit déj normalement inclus ne sera pas servi puisqu’elles ne peuvent pas manger en journée et que bien sûr on devra201506 - Ethiopie - 0567 payer le prix de deux chambres.

Pardon ?!? Là il ne faut pas exagérer.

On part chez sa sœur. Même scénario. Le même joueur joue encore.

Là on se dit que c’est quand même un peu gonflé. On comprend tout à fait qu’elles veuillent passer cette période de Ramadan dans le pur respect de leur religion et qu’elles ne veulent pas d’impies sous leur toit. Mais alors soyez honnêtes et fermez votre guesthouse. Ou n’acceptez que les musulmans pratiquants pendant ce mois.

Entre business et morale il faut choisir.

 

On finira par trouver refuge dans une autre maison traditionnelle, moyennant l’invention par notre guide d’un jeune enfant de 5 ans que nous aurions laissé en France (sans prendre aucune photo avec nous…) pendant notre voyage en Ethiopie. Oui, on est vraiment des monstres…

 

Le déjeuner

Oubliez toute idée de manger dans la vieille ville le midi. Nous n’avons trouvé aucun restaurant ou stand de rue. A l’extérieur, peu de restaurants sont ouverts, ils ne proposent que rarement une carte, et ce qui est mentionné est rarement disponible. Grosso modo le choix est très réduit. Pourtant les restaurants s’entraident comme ils peuvent en allant chercher des plats chez leurs voisins pour satisfaire leurs clients.

 

La rupture du jeûne

Elle a lieu à 17h30. Les rues sont assez animées. Les gens sortent des mosquées. Les vendeuses de fruits et beignets s’agitent. Les gens les plus pauvres se dirigent vers des points de distribution de nourriture, apportée par d’autres personnes en guise de charité.

 

Le dîner

Un peu plus de restaurants ouverts que le midi, mais niveau menu c’est la même chose. Nous sommes d’ailleurs très peu de clients. En période de Ramadan, les gens ne semblent pas manger à l’extérieur.

Dans la vieille ville, on trouve des femmes qui préparent des samossas dans la rue. Mais à 17h il est trop tôt, à 19h il n’y a plus rien, les friteuses sont rangées. On n’arrivera jamais à gouter à leurs samossas.

On trouve quand même un peu plus d’animation dans la soirée avec quelques boui-bouis qui servent de la nourriture de rue (pizza à l’œuf par exemple), du thé ou des boissons fraiches ainsi que quelques épiceries.

 

L’alcool

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A Harare on n’en trouve pas facilement dans la rue ou les bars. Mais dans les hôtels un peu chics, aucun problème, Ramadan ou non, pour déguster une bonne bière.

Bière très locale d’ailleurs, car c’est dans cette bourgade qu’on trouve la brasserie éponyme !

 

 

 

 

 

Le Ramadan en zone internationale à l’aéroport de Jeddah en Arabie Saoudite

Nous sommes en transit entre 3h et 10h du matin. Premier pas dans l’aéroport, nous sommes accueillis à un comptoir spécial pour personnes en transit. Ils vérifient nos billets et nous offrent un bon pour un petit déj gratuit. Alors ça c’est une première dans un aéroport !

A ce moment-là il fait nuit et nous commençons d’abord par une sieste dans le salon VIP (même avec nos billets ECO on pourra y passer une confortable nuit). Ici le thé est d’ailleurs à volonté. A 8h il fait désormais jour et nous nous dirigeons vers les salles d’embarquement. La zone est animée, on y trouve plusieurs restaurants. Quelques-uns sont fermés mais la plupart sont bien achalandés. Nous recevons un croissant au fromage et une boisson chaude avec notre bon. Autour de nous les gens boivent, mangent. Y compris des hommes en tenue saoudienne et des femmes en niqab. Mais il est vrai que les voyageurs en période de Ramadan ont le droit de manger et pourront rattraper les jours de jeûne manqués ensuite.

 

 

 

Le Ramadan en Turquie, entre Europe et Asie

Le logement

Ici point de question. On veut dormir, on prend une chambre, on paye. Marié ou non peu leur importe.

 

Le déjeuner

201506 - Turquie - 0008Là aussi tout est plus simple. A Istanbul, ville cosmopolite on peut trouver à manger à toute heure du jour et de la nuit (du moins jusque très tard). Alors on se rend à peine compte qu’on est en période de Ramadan.

A l’Est, à Trabzon, Rize ou Dogubeyazit, plus traditionnels, c’est un peu plus compliqué.

Il faut aller dans le centre-ville pour trouver des restaurants ouverts en journée. On a même trouvé des salons de thé qui pendant la journée ne vendaient qu’à emporter, nous refusant l’accès à leurs tables.

 

La rupture du jeûne

C’est à Trabzon qu’on a observé le rituel le plus intéressant. Vers 19h, les gens commencent à se regrouper sur la grande place puis se répartissent progressivement dans les différents restaurants alentours. Petit à petit les terrasses deviennent bondées et les rues se vident. Les magasins sont désertés, y compris par les vendeurs. Même le vendeur de maïs grillé laisse son barbecue en plan dans la rue. Tout ferme. Etrange silence dans les rues piétonnes où le bruit20150704_180940545_iOS des oiseaux a remplacé celui des passants. Tout le monde attend la rupture du jeûne.

Il est 20h03, un coup de canon retentit dans le centre-ville, le muezzin donne de la voix : le signal est donné.

 

Le dîner

Partout les gens commencent alors leur repas. Dans les restaurants, on y mange partout la même chose : le menu du ramadan : une soupe, de la salade, une viande avec des féculents, un dessert bien sucré et un thé.

Là encore, un étrange silence, où le bruit des couverts a remplacé celui des discussions.

Les gens mangent vite, en 30 minutes c’est largement plié, ils ne passent pas leur temps en palabres. La foule regagne petit à petit les rues, les magasins ré-ouvrent, le brouhaha reprend et la vie nocturne de Trabzon redémarre, tranquillement.

 

L’alcool

En cette période de Ramadan, on n’en a pas trouvé dans tous les restaurants, ni dans tous les supermarchés. Dans les rues touristiques d’Istanbul on vous proposera des bières locales ou du Raki au restaurant. On trouve aussi de nombreuses épiceries qui vendent du vin, de la bière et d’autres alcools.

Mais dans les quartiers ou restaurants plus traditionnels, ceux où on mange le menu du Ramadan par exemple, on ne vous proposera que des sodas ou du yaourt à boire.

De même dans le nord du pays. A Trabzon, le plus grand bar de la ville était même fermé pendant cette période. Et nous n’avons vu au centre qu’une seule petite épicerie proposant de l’alcool.

 

 

Le ramadan en Asie

 

Le logement

En Iran nous n’avons effectué que les deux derniers jours de ramadan. Mais impossible de trouver un couchsurfeur pour l’occasion : ils étaient soient en déplacement, soit en famille à l’occasion des festivités marquant la fin de la période de jeûne. Quant aux auberges, nous avons dû en visiter plusieurs à Tabriz avant d’en trouver une qui avait encore de la place.

 

Le déjeuner

En Iran, on passe dans une autre dimension concernant le respect du Ramadan. Déjà un très grand nombre de restaurants sont fermés pendant la journée et aussi certains le soir. Le ramadan est un moment qui se vit en famille.

Mais en plus ici, il est de bon ton de rester discret si l’on veut manger ou boire en journée. Il est possible de trouver de quoi se sustenter (fruits, boissons, biscuits, pain, pâtisseries… plus difficilement des plats chauds), mais il vaut mieux manger dans sa chambre d’hôtel ou dans les parcs, à l’abri des regards. Idem pour boire, malgré la chaleur. C’est dur.

 

La rupture du jeûne

201507 - Iran - 0026A Tabriz elle a lieu à 21h10, très tard ! Un peu plus tôt à Téhéran.

Le premier soir on était invité à diner dans une famille, ils avaient mis une chaîne spéciale où on pouvait entendre le décompte.

Le deuxième soir, nous étions dans le train, en direction de Téhéran. Avec notre déplacement à l’est, l’heure de fin de jeûne diminuait, mais aucune annonce n’a été faite. Et la famille qui partageait notre cabine ne semblait pas très soucieuse de respecter la période de jeûne. Cela dit, en voyage, il est toléré de manger et boire.

 

Le dîner

Ces deux dîners ne nous ont pas vraiment permis d’avoir une idée des repas de ramadan en Iran. Ils boivent surtout beaucoup pour rattraper le manque en journée alors qu’il fait de grosses chaleurs. Le matin, ils mangeront à nouveau vers 4h, avant le lever du soleil. Du riz et des fruits, avant de retourner terminer leur nuit.

 

L’alcool

20150720_091031485_iOSRamadan ou pas l’alcool est interdit dans le pays. C’est simple. On ne peut donc trouver aucun magasin vendant une boisson alcoolisée.

Par contre on peut boire des « boissons maltées » imitant de façon acceptable le goût de la bière. Ou encore des sodas « mojito ».

Ceci étant dit on trouve néanmoins de l’alcool, caché dans les placards de cuisine de certains iraniens, à l’abri des regards. Cet alcool – vin, bière ou schnapps – étant généralement fabriqué artisanalement par eux-mêmes.

 

 

L’Aïd El-fitr

En Iran c’est un week-end de 4 jours, chose rare. Alors ils en profitent pour partir en famille et aller dans la nature, loin des villes. Ce n’est plus le ramadan, mais tout reste compliqué : les hôtels sont pleins, les couchsurfeurs absents, les magasins fermés. Alors on peut maintenant manger en journée, mais on a eu du mal à trouver quoi, même dans Téhéran.

On pensait voir des célébrations dans les rues, de la joie, des menus spéciaux dans les restaurants mais que nenni. En Iran on n’exprime vraisemblablement pas sa joie en public. Petite déception.

 

 

 

Alors voyager en période de Ramadan n’a rien d’impossible. Il faut juste prévoir un peu plus de temps pour trouver à manger suivant les destinations et être moins regardant sur le contenu de son assiette.

Néanmoins mieux vaut éviter l’Iran, à moins de se mettre soi-même au rythme du jeûne. Ce qui implique de rester plus longtemps dans une même ville pour trouver ses petites habitudes et de limiter les visites, car autrement c’est très vite fatigant. Au bout de deux jours on commençait déjà à en avoir marre de devoir chercher longuement de quoi manger et de se cacher pour ouvrir une bouteille d’eau.

 

Mais c’est aussi une période très intéressante dans la découverte de la culture musulmane. Les gens sont moins disponibles en journée, ils économisent leur énergie, mais sont plus disponibles le soir et encore plus enclins à partager un repas, ravis de voir que l’on s’intéresse à cette période intense et importante de leur année.

 



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