Comme un cheveu sur la soupe – Mongolie

PubliÉ le Catégories : Mongolie, Plats et traditions.


On avait entendu beaucoup de choses négatives à propos de la nourriture en Mongolie, que c’était mauvais, que c’était infect, que c’était immangeable, que c’était bizarre, que c’était toujours la même chose… On s’était donc préparés au pire, et on avait même emmené avec nous, en cas de coup dur, quelques paquets de charcuteries fumées du Jura. A posteriori, un pot de Nutella ou quelques fruits et légumes auraient sans doute été plus avisés…

 

Alors c’est non sans crainte que nous avons abordés nos premiers repas en Mongolie. D’ailleurs, chose exceptionnelle, on n’a même pas essayé de manger local tout de suite en arrivant. Les a priori profondément ancrés dans nos têtes et nos estomacs, on a d’abord cherché à se rassurer, à manger des choses connues, nous disant qu’il y aurait, plus tard, bien des situations où on n’aurait d’autre choix que de manger mongol.

 

Mais bon, notre curiosité gastronomique a vite repris le dessus. Alors on a fini par se diriger vers de petits restaurants mongols d’Oulan-Bator. Là, les menus écrits en mongol sont incompréhensibles. Alors on s’est laissé aller à commander au hasard, ou sur photos quand on avait la chance d’en avoir sur les menus. Et voilà ce que l’on a retrouvé dans nos assiettes suite à cette heuristique :

  • des feuilletés frits garnis de viande de mouton hachée (plus tard, on apprendra que ce sont des khuushuur)
  • des grosses boulettes de viande de mouton hachée dans une sauce assez grasse, accompagnées de riz et d’un peu de crudités
  • un émincé de viande de mouton (existe aussi avec de la viande de bœuf) avec des morceaux d’omelettes, quelques légumes grillés, et du riz. A noter que ce plat, testé plusieurs fois, est toujours servi dans une assiette chaude, en fonte, ayant la forme d’une vache

 

De ces diverses expériences, pas aussi mauvaises que ce que l’on imaginait d’ailleurs, on a retenu deux choses :

  • Tout tourne autour des produits d’origine animale (viande, graisse)
  • On ne mange qu’avec une fourchette ou une cuillère

 

Et puis, ensuite, on est partis se balader en dehors d’Oulan-Bator. Là, fini le riz (ou presque), les légumes grillés et l’omelette. Ce sont juste des fantaisies de restaurants. Car l’autre produit de base de la « gastronomie » mongole, en fait, c’est le lait !

 

Donc, si vous prenez le lait et la viande des bêtes de votre troupeau (chèvre, mouton, vache, yak, cheval ou chameau), et que vous ajoutez de l’eau et de la farine de riz, et bien, rien qu’avec cela, vous pourrez préparer 90% des plats mongols.

Et si en plus vous pouvez vous payer le luxe d’avoir du riz et de la pomme de terre, on passe à 98%…

 

Alors, oubliez les fruits, les légumes et les épices, car ils ne poussent pas trop par ici, et venez découvrir avec nous le délicieux univers des buuz, des aaruul et du thé au lait !

 

 

A l’intérieur d’une cuisine mongole

201509 - Mongolie - 0368La partie cuisine de la ger mongole est des plus rudimentaires : tout se passe autour du poêle central. Alimenté par du bois ou de la bouse d’animal séchée, celui-ci sert autant à la cuisson des aliments qu’au chauffage de la ger. Une ouverture circulaire sur le dessus du poêle permet d’y poser une casserole où l’on fera chauffer le lait pour le thé, l’eau pour les nouilles ou la graisse animale pour les khuushuur, par exemple.

 

A côté du poêle, la viande fraîche attend dans des bassines, et la viande moins fraîche sèche pour l’hiver, tant dehors que dedans. Le lait est stocké dans de grands pots en terre, la crème et le yaourt également, et les autres produits dérivés (yaourt séché, fromage) sèchent dehors.

 

Enfin, on trouve aussi un gros sac de farine de riz (20 ou 50 kg) entreposé dans le coin cuisine en compagnie des bols, des cuillères, des fourchettes, des couteaux à viande et des planches à découper.

 

La fabrication des nouilles

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Les nouilles sont fréquemment utilisées dans la nourriture mongole. Dans toutes les gers que l’on a visitées, elles étaient préparées à la main. Et pour cela, rien de plus simple. On ajoute progressivement de l’eau à de la farine de riz (le riz est la céréale la plus courante en Mongolie), en malaxant bien la préparation, jusqu’à obtenir une boule bien malléable et élastique.

 

On la laisse ensuite un peu reposer, puis on l’aplatit, avant de la couper en nouilles, ou en suivant d’autres formes selon ce que l’on souhaite préparer.

A noter qu’il est aussi courant de faire frire des boulettes de pâtes, que l’on laisse ensuite sécher plus ou moins longtemps. Une forme de beignet mongol utilisé pour accompagner le thé au lait, et qui n’est ni sucrée, ni vraiment salée. Ca a juste le goût de la graisse de mouton, et c’est bien ça le problème !

 

 

 

 

Utilisation de la viande bouillie

La viande majoritairement consommée en Mongolie est, malheureusement, le mouton. On mange aussi de la chèvre toute l’année, alors que le cheval est plutôt une viande réservée à l’hiver. On mange aussi du bœuf et du chameau, mais plus rarement.

 

201509 - Mongolie - 0863Et dans le mouton, comme dans le reste d’ailleurs, tout est bon ! Outre les classiques parties les plus charnues, on mange bien sûr les abats (cœur, foie, poumon, panse et intestins utilisés pour faire du boudin), la tête et les pieds, que l’on jette préalablement dans le feu afin d’enlever plus facilement la laine.

Alors que les organes sont bouillis entiers, le reste de la viande est cuisiné de la même façon : coupé en petits morceaux que l’on fait bouillir, sans distinction entre les morceaux de viande et ceux de gras.

Ces morceaux sont ensuite mangés sous forme de soupe avec des nouilles, ou sans le bouillon, c’est-à-dire juste une assiette de nouilles avec des morceaux de viande/gras. Dans ce cas, on a parfois la chance d’avoir des patates en plus !

 

Enfin, les os sont mis à bouillir, afin de cuire la viande qui y est resté attachée. Rien ne se perd !

On laisse aussi une partie de la viande à sécher (borts, en mongol), pour l’hiver. Et une partie du gras est cuite, puis stockée dans des bouteilles, formant ainsi une précieuse réserve de graisse animale.

 

 

Utilisation de la viande hachée

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Une autre partie de la viande (avec son indissociable gras) est hachée. Cela se fait à la main, avec un résultat assez grossier.

La viande hachée est utilisée pour fabriquer les buuz et les khuushuur, deux des plats les plus courants et appréciés en Mongolie.

 

 

 

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Le buuz est fabriqué à partir de pâte à la farine de riz, que l’on dispose sous forme d’un cercle plat puis garnit d’une petite boulette de viande hachée. On referme ensuite le tout, suivant une technique bien précise, et on le fait cuire une vingtaine de minutes à la vapeur.

 

Il faut compter environ 8 buuz par personne pour un bon repas. Le buuz se mange nature. Oui, nature, avec absolument rien d’autre. Dommage, car ce n’est pas très bon en fait. Un peu d’épices, ou même juste de l’oignon, avec la viande, donnerait quelque chose de bien meilleur, mais bon… Ce n’est que notre avis !

 

 

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Le khuushuur se fait sur le même principe, sauf que l’on replie la pâte pour former une sorte de demi-lune. Cependant, la viande nous y a paru plus fine, presque mixée. Et surtout, la différence majeure est que le khuushuur se fait frire dans la graisse de mouton. De notre avis, c’est un peu meilleur que le buuz. Mais encore une fois, dommage de manger cela nature, sans condiment ni assaisonnement, ni rien !

 

 

Les produits laitiers

En Mongolie, on a découvert tout ce que l’on pouvait faire avec le lait. Et la palette de produits est étonnamment large.

Déjà, on utilise différents types de lait : le lait de vache, le lait de yak et le lait de chèvre sont les plus courants, mais le lait de brebis, le lait de chamelle et le lait de jument ont aussi une utilisation.

 

Le lait frais n’est pas trop consommé en tant que tel. Car la boisson nationale de Mongolie, c’est le thé au lait salé (süütei tsai) ! Le lait frais est bouilli, et agrémenté de quelques feuilles de thé séchées, et de sel. Une drôle, et très mauvaise, idée, que d’y ajouter du sel !

Et malheureusement, c’est la boisson que les Mongols consomment le plus, et de loin !

 

201509 - Mongolie - 0133Il est aussi d’usage de séparer la crème, qui se forme au-dessus du lait bouillant, du reste du lait. Cette crème est ensuite laissée à sécher. Cela donne l’öröm, que l’on peut manger sur ces fameux beignets neutres, par exemple.

 

Avec ce qu’il reste, on fabrique du yaourt et du fromage. Le yaourt frais est très bon. C’est même un peu le truc que l’on espérait trouver en rentrant dans une nouvelle ger. Malheureusement, l’usage est plutôt de le laisser sécher au soleil, tout comme le fromage. Le yaourt séché s’appelle l’aaruug, et c’est bien moins bon que du yaourt frais.

Pire, yaourt comme fromage donnent l’impression d’avoir été oubliés au soleil pendant un bon moment, et sont bien souvent extrêmement secs, les rendant immangeables pour nous qui n’avons pas les dents assez solides. Essayez de manger un caillou, vous comprendrez !

 

On passe sur le beurre, qui ne donne lieu à aucun commentaire particulier, pour finir sur l’alcool. Car oui, le lait est aussi utilisé comme base pour fabriquer des boissons alcoolisées.

Il y en a de deux type : l’airag, qui est du lait de jument que l’on laisse fermenter pendant longtemps, en le battant de temps en temps. Boire de l’airag est une sensation tout à fait surprenante. Il faut imaginer boire un yaourt pétillant, acide, légèrement salé et alcoolisé. On dira juste que ça passe, que ça pourrait être pire.

 

201509 - Mongolie - 0925On a aussi bu une fois un airag fait avec du lait de chamelle. Un peu plus léger et moins pétillant que le lait de jument. Un fort goût de lait, légèrement alcoolisé.

 

Quant à la vodka, elle résulte de la distillation du yaourt légèrement fermenté. On obtient à terme, après quelques heures de cuisson, une boisson fortement alcoolisé avec un léger goût de fromage. Plutôt amusant !

 

Attention toutefois, ce n’est pas comme ça qu’est fabriquée la vodka mongole que l’on trouve en magasins. Il s’agit plutôt ici d’une méthode traditionnelle que l’on utilise dans les campagnes pour fabriquer de la gnôle.

 

 

 

 

 

Quelques coutumes alimentaires mongoles

En arrivant dans une ger, ou dans une maison en ville, on sert invariablement un bol de thé au lait salé aux invités, quel que soit le moment de la journée. On se doit alors de l’accepter et de le boire.

 

201509 - Mongolie - 0370Sur la table basse, on trouvera aussi du fromage séché et du aarrug plus ou moins vieux, des petits beignets, ou de la crème. La coutume veut que l’invité goûte à tout ce qui trouve sur la table. Et ouais, c’est pas de chance, ça ! En plus, tout cela donne souvent l’impression d’avoir traîné là pendant des semaines…

 

Les Mongols, eux, ça ne les dérange pas de bouffer du caillou, car tout ce qui se trouve sur la table, ils le plongent dans leur bol de thé au lait. Ça permet de ramollir les produits en absorbant un peu de thé au lait. Pas bête !

D’ailleurs, on ne trempe pas que ces « biscuits » dans le thé au lait. Il est courant d’y mettre aussi ses morceaux de viande, ses buuz ou d’y diluer de l’öröm. En même temps, tout cela est déjà mauvais, alors pourquoi ce serait pire ainsi ?

 

Il est aussi un produit, enfin une pratique, réservée uniquement aux hommes et invités de marque. Une sorte d’honneur : celui de ronger la viande sur les os. Les os, qui ont préalablement bouilli, sont disposés dans une bassine, et chaque homme en prend un. Avec un simple couteau et leurs dents, ils se délectent alors des bouts de viande restés sur l’os. Ensuite, ils essaient de casser l’os pour en sucer la moelle.

Cela se fait aussi à toute heure de la journée, et on a fréquemment observé Ölzii mettre des petits morceaux de viande prélevés sur son os dans son bol de thé au lait, au petit déjeuner.

Mais nous, on n’a jamais eu droit aux honneurs de l’os, ni pour le petit-déjeuner, ni pour le dîner !

 

Une autre pratique qui nous a surprise est celle du bruit et du rot. Il est tout à fait normal de roter bruyamment en Mongolie, pendant le repas ou en dehors (même si c’est plus rare). Faire du bruit en mangeant est tout aussi naturel. Je ne peux d’ailleurs m’empêcher de penser à Brel quand je les regarde bouffer leur soupe froide, et que ça fait des grand flchsss…

Du coup, pour nous occuper pendant les repas, on a aussi essayé de manger notre soupe bruyamment, comme nous l’avaient interdit nos mamans… Et ça nous faisait rire comme des gamins, dans la plus complète indifférence du reste de la ger !

 

Enfin, et sans transition, signalons deux autres coutumes alimentaires :

  • La nourriture, quelle qu’elle soit, doit être donnée, et reçue, uniquement de la main droite.
  • Quand un jeune enfant perd une dent de lait, on la met dans du gras de mouton, on fait une boulette, et on la jette au chien. La version mongole de la petite souris. Charmant non ?

 

 

Quelques particularités kazakhes

Chez les populations kazakhes, on utilise les mêmes produits que pour les Mongols. Difficile d’imaginer autre chose, tant les climats sont rudes dans ces régions. Toutefois, assez étonnamment, on a l’impression d’avoir bien mieux mangé dans les familles kazhakes que mongoles…

La viande nous a paru plus tendre, moins grasse, ou en tout cas avec du meilleur gras. Surtout, la viande n’est pas systématiquement bouillie, elle est aussi grillée ou poêlée. Et ça la rend bien meilleure.

Les pâtes aussi sont cuites juste al dente.

 

201509 - Mongolie - 0641On a aussi eu droit une fois à quelque chose de différent : des brochettes de mouton, avec alternance entre morceaux de bonne viande et morceaux de bon gras, un gras tendre, qui se mâche facilement. La brochette était simplement accompagnée d’oignon cru et de pain. Un peu comme ce que nous avions mangé en Iran…

 

Concernant le thé au lait, il est également omniprésent chez les kazakhes. C’est même pire ici, car le bol est systématiquement re-rempli, sans avoir à demander. Après s’être fait piéger une ou deux fois de trop, on a compris qu’un petit signe bien senti permettait de s’affranchir de cette consommation forcée.

 

Enfin, étant de confession musulmane, il paraît que les kazakhs ne boivent pas d’alcool. Mais ce n’est pas ce qu’on a constaté au festival de l’aigle de l’Altaï… Quant aux Mongols, ils ne s’en privent pas !

 

Bières et vodkas mongoles

Outre les vodkas maison faites à partir de yaourt, les Mongols sont de grands consommateurs de vodka plus traditionnelle. On en trouve de plus ou moins bonnes, même si en général elles sont de moins bonnes factures que les vodkas russes. En revanche, les vodkas aromatisées ne sont pas du tout répandues.

Parmi les vodkas testées et renommées, on a la Ulaanbaatar, assez basique, et la Chinggis Khan et la Eks, de qualité supérieure.

 

Au rayon bières, on trouve pas mal de lager légères, pas trop mauvaises, comme la Borgio, la Altangovi (existe aussi en stout), la Sengur, la Niislel et la Seruun.

 

Il est à signaler, enfin, que l’alcoolisme est un vrai fléau en Mongolie. Le grand nombre de bouteilles de vodka vides jonchant les bas-côtés des routes en témoigne. Heureusement, on n’a pas d’autres mauvaises expériences à signaler sur ce sujet.

Toutefois, les gouvernements en Mongolie travaillent, à différentes échelles, à la lutte contre l’alcoolisme. Ainsi, on a découvert qu’il existe certains jours du mois où il est interdit de vendre de l’alcool, que ce soit dans les supermarchés ou dans les bars.

C’est le cas le 30 du mois à Dalanzadgad, ou le 1er à Oulan-Bator, par exemple. Mais en fait, ça piège surtout les touristes. Car quand on vit sur place et que l’on connaît les réglementations, il est très facile d’acheter une ou deux bouteilles la veille… Peu efficace, je pense !

 

 

Nos impressions sur la cuisine mongole

On ne va pas tourner autour du pot, on ne vient pas en Mongolie pour la gastronomie ! C’est clair.

Ça fait mal au cœur de le dire, mais souvent, on a été content de trouver un pot de ketchup à table pour assaisonner nos buuz. Et quand on a eu la chance d’avoir quelques crudités râpées à côté, c’était carrément la fête !

201509 - Mongolie - 0932Car le principal problème de la nourriture mongol, c’est le manque de variété et le manque de saveur. Pour le premier point, on comprend qu’ils doivent faire avec ce qu’ils ont, et que c’est loin d’être facile. Mais pour le second, c’est un peu dommage de se cantonner à la viande pure. Pourquoi ne pas ajouter ne serait-ce qu’un petit oignon pour apporter quelque chose ?

Dans le Gobi, toutefois, on a, découvert l’existence d’un condiment, appelé ömös. Une plante verte qui pousse uniquement dans le coin, et que l’on laisse mariner dans une préparation inconnue. Ça apporte un autre goût au plat, même si c’est extrêmement salé et fort.

 

Mais la nourriture mongole n’était quand même pas l’enfer que l’on nous avait prédit. Même le thé au lait salé, bien que pas très bon, reste quelque chose de buvable.

On a à chaque fois mangé et fini notre assiette, jamais eu faim, goûté à tout et jamais été malade, et ça reste parfaitement vivable, même pendant plus de 3 semaines d’affilée. A tel point qu’on n’a, finalement, jamais eu à nous réfugier dans nos charcuteries jurassiennes pour nous réconforter !

 

Par contre, on n’ose pas imaginer la galère pour les adeptes du véganisme. Deux solutions pour eux, peut-être : mettre de côté certains principes, ou rester à l’écart des familles nomades !



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