On a été au Groenland et c’était magique
PubliÉ le Catégories : Groenland. Tags : arctique, camping, cuisine, rencontre.
L’avion et le survol
Dès l’aéroport de Reykjavik, on a l’impression de changer de dimension en partant au Groenland. C’est en effet un petit avion à hélices rouge AirGreenland d’une quarantaine de places qui nous y attend, perdu au milieu des gros Airbus bleus et blancs d’Icelandair. On ne pensait pas qu’il était encore possible de traverser une partie de l’Atlantique dans un si petit appareil !
Nous sommes aussi loin des standards des vols internationaux : placement libre, pas de soute, les bagages sont posés dans un filet à l’avant de l’appareil, les enfants peuvent visiter le cockpit…
Et puis, au milieu du vol, la magie du Groenland commence à apparaître. Les nuages nous laissent la place d’apercevoir d’abord quelques points blancs au milieu de l’océan, sans doute des icebergs. Puis nous survolons une immense étendue blanche d’où surgissent quelques impressionnants reliefs. C’est le Groenland ! Et le début de notre mitraillage photo depuis l’avion. Quelques étendues d’eau turquoise sur fond blanc, puis quelques montagnes. En se rapprochant de la côte Ouest, les fjords apparaissent et l’avion commence sa descente. Des montagnes grises, parfois recouvertes de mousse verte ou jaune, parfois de neige, surgissent de la mer. Des glaciers qui plongent dans les fjords laissant échapper quelques icebergs. Magique !
Les moustiques
Oui vous avez bien lu ! Le deuxième effet KissCool du Groenland, après l’émerveillement de l’arrivée sur cette terre sauvage. Nous qui pensions que ces bêtes étaient l’apanage des pays chauds. Que nenni ! A peine sortis de l’aéroport, plusieurs dizaines de moustiques se jettent sur nous. Ils sont assez petits, mais très actifs de jour l’été. Pas de bol, le jour dure près de 20 heures à cette période de l’année. On comprend mieux pourquoi les gens se baladent avec des moustiquaires sur la tête ! On n’échappera pas à la règle…
Nuuk : camping en ville
Cette fois-ci encore, nous arrivons à Nuuk sans vraiment avoir planifié. Nous avons juste un couchsurfing deux jours après, il faut donc trouver un hébergement pour les 2 premières nuits. A l’office du tourisme local, on découvre qu’il est possible de louer des tentes et des matelas pour camper. Intéressant, car tout est extrêmement cher ici. On apprend aussi qu’il est possible de camper en ville, un peu où l’on veut tant que ça ne se voit pas trop. Très intéressant.
Entre temps, on trouve un « tour » pour aller passer quelques jours dans le village de Kapisillit, situé à 80km de Nuuk vers le fond du fjord. Il y a une auberge, mais il est aussi possible de camper dans la nature. Alors banco ! On prend la tente ! Et 2 matelas.
Quelques courses au big supermarché de Nuuk pour le tout le séjour (on y trouve même du comté, c’est dire qu’il est bien fourni !), une soupe dans un café avec Wifi (payant, comme partout au Groenland) pour annuler notre couchsurfing, puis on part poser notre tente sur une montagne, près d’une grande réserve d’eau et des antennes relais. Notre premier camping ! Notre premier camping sauvage en ville !
Balade en bateau ouvert dans le fjord
Nous prenons la direction de Kapisillit sur un bateau ouvert de 5-6 places, piloté par Anika, rencontrée la veille à Nuuk. Elle nous équipe d’une énorme combinaison orange censée nous maintenir au chaud et plus ou moins au sec si on tombe à l’eau… Rassurant.
Démarre alors 2h30 de traversée du fjord. Le bateau file et vole sur une eau semblable à une mer d’huile. Le vent du à la vitesse frappe nos visages et siffle dans nos oreilles. On ne s’entend plus, de toute façon on est un peu coincés dans la combinaison et il est difficile de tourner la tête. On ressemble tous à Kenny, sauf qu’à la fin, on s’en sort bien. On profite alors chacun dans notre bulle de ces magnifiques paysages. Des icebergs, des montagnes, parfois un peu de neige en hauteur, l’eau bleue oscillant entre bleu marine et bleu turquoise, la nature, la nature et encore la nature. On est au Groenland !!! C’est magique !
Trois jours plus tard, au retour, on est prévenu : ça va secouer un peu ! Le vent s’est levé dans le fjord, et la mer est agitée par de nombreuses vaguelettes. Le bateau, qui à vitesse de croisière penche vers l’arrière, vient taper durement sur chaque vague. Nous qui avions les deux places de devant, nous profitons pleinement de ces chocs répétés. Le dos en prend un coup. Une technique pour éviter cela est de se mettre debout en tenant une corde. Benoît s’y essaie. Ca soulage pas mal, mais le froid gèle les mains qui tiennent la corde. Difficile de tenir dans cette position plus de 5 minutes.
Kapisillit, village du bout du monde
Nous serons restés 4 jours dans ce village perdu au fin fond du fjord. Une soixantaine de personnes vivent là. A côté de l’embarcadère, centre névralgique du village, on retrouve un magasin qui vend un peu de tout, qui fait aussi bureau de poste. Et à côté, il y a les « bains publics », où l’on peut prendre une douche chaude pour 15 couronnes (2 euros) ou utiliser les machines à laver. En effet, l’eau courante n’arrive pas dans toutes les maisons.
C’est d’ailleurs le cas de notre auberge, la seule du village. On apprendra donc à vivre sans. Nous y arrivons avec Jytte, une danoise qui vient rendre visite à Ane-Sofie, amie de longue date et propriétaire de l’auberge. Elle vient de la reprendre, et y effectue quelques travaux avant de l’ouvrir officiellement. Nous nous retrouvons donc tous les 4 à vivre dans cette petite maison.
Jytte a vécu quinze ans au Groenland. Elle y a rencontré Ane-Sofie, leurs deux maris étant pilotes chez Air Greenland. On sent qu’elles ont grand plaisir à se retrouver. Les deux femmes ont beaucoup voyagé et se rappellent plein de souvenirs qu’elles partagent avec nous, évoquent leurs enfants et petits-enfants, qui perpétuent eux aussi cette amitié. Les deux grands-mères sont adorables et font en sorte que nous nous sentions comme chez nous ici : nous partageons les repas, les activités et passons beaucoup de temps à discuter ensemble. Elles nous préparent même une délicieuse tarte aux baies le premier soir, avec les fruits qu’elles ont ramassé dans les environs durant la journée.
On a adoré passer ces quelques jours avec elles, dans ce village perdu au coeur de la nature Groenlandaise, entre mer, rivière, lacs et montagnes.
Une après-midi de pêche à la rivière
Les deux (m)amies ne reculent devant rien. Aujourd’hui, elles nous proposent d’aller pêcher à la rivière, à une heure de marche de là. On est ravi, bien sûr que ça nous tente ! On est un peu plus sceptique quant au fait de partir sans canne à pêche. Car oui, elles ont bien l’intention de pêcher le poisson à mains nues. Il paraît qu’il y en a beaucoup et qu’on peut les attraper quand ils sautent hors de l’eau. Ok…. On verra bien.
Résultat de l’après-midi : zéro poisson, et pour cause, on n’en a vu absolument aucun dans cette rivière. Dommage, on aurait adoré s’exercer à cette technique de pêche !
En revanche, on ne rentre pas complètement bredouille, puisqu’on a trouvé de bien beaux champignons sur le chemin. Parfait pour accompagner notre repas du soir, à défaut de poisson : une soupe de mouton à la groenlandaise. L’occasion de nous essayer à la cuisine Inuite !
Quand la pluie fait basculer le (paisible) cours des choses
En plus de ne ramener aucun poisson de notre partie de pêche, on rentre bien trempé. La pluie a commencé à tomber lorsque nous étions à la rivière, et nous a accompagnés sur tout le chemin du retour. Nous voilà donc coincés dans la petite auberge, à boire le thé tout en commençant la préparation de la soupe de mouton. On se demande d’ailleurs ce qu’on va bien pouvoir faire durant la soirée qui vient. C’est alors qu’Ane-Sofie reçoit un coup de téléphone. Et soudain, tout bascule !
Un trio de chasseurs venus de Nuuk est en galère à cause de la pluie. Ils ne pourront rentrer sur Nuuk ce soir-là, et débarquent donc à l’auberge pour y passer la nuit. Nous voilà donc avec un chasseur groenlandais et sa femme accompagnés de la fille d’un de leurs voisins. Ils sont complètement trempés après avoir passé la journée à chasser. Ils ont d’ailleurs eu plus de réussite que nous : ils ont abattu quatre rennes, mais n’ont pas pu tout ramener à leur bateau. Apparemment, cela était trop lourd et compliqué à ramener, à trois, sous la pluie.
Et ils n’arrivent pas les mains vides. Ils ont avec eux quelques morceaux bien choisis de renne, tout frais du jour, à partager ce soir ! Trop bien, on va aussi pouvoir cuisiner du renne !
Les deux chasseuses attaquent la préparation de la viande, et nous n’en perdons pas une miette. C’est aussi l’occasion pour nous de vous faire partager la recette. Les cœurs, encore entiers, et les langues, encore attachées à leurs mâchoires dentelées sont les morceaux de choix de ce plat !
Alors que les soupes mijotent, une nouvelle famille arrive dans l’auberge ! Eux aussi de Nuuk, ils étaient partis camper près de la rivière quelques jours, mais veulent passer la nuit qui vient au sec à cause de cette maudite pluie ! En même temps, avec une fillette d’à peine un an, pas évident de camper dans ces conditions. Le jeune couple est aussi accompagné de leur fils de cinq ans, de son grand-père, Akara et de leur chien. Nous voilà donc à 10 adultes, 3 enfants et 2 chiens dans la petite maison. Belle ambiance !
Une fois que tout ce petit monde s’est installé (avec des vêtements secs prêtés par Ane-Sofie !), on peut servir les soupes. Le résultat est vraiment excellent. Surtout la viande de renne, assez fine et tellement fraîche ! Et le cœur et la langue s’avèrent effectivement être les meilleurs morceaux :) !
Et puis, au milieu du repas, la pluie s’arrête et une éclaircie fait son apparition. Toujours très à son affaire, le chasseur y voit là l’occasion idéale de récupérer le reste de ses rennes. Alors qu’on est encore en train de manger, il me demande si j’accepterais de l’aider. Bien sûr ! Je n’ai pas tout à fait compris ce qu’on allait faire, mais oui, carrément ! Un peu d’aventure ! Nous devons partir tout de suite, alors que nous n’avons encore pas fini nos assiettes. Sandrine s’incruste, pas question de manquer une seconde de cette affaire !
Le chasseur nous emmène à son bateau et nous partons à toute vitesse de l’autre côté de la baie. Un reste de renne gît par terre dans le bateau. Nous débarquons et grimpons sur un replat un peu au-dessus. Là, un autre renne attend. Puis il m’explique qu’il y en a encore trois autres plus loin. Là, je commence à flipper, à me dire que je n’arriverai jamais à porter des rennes morts sur ce terrain pentu et glissant. Ca doit vraiment être lourd ces bêtes là…
Nous voilà arrivés au dernier renne. En fait, notre chasseur a bien bossé : les bêtes sont déjà vidées et découpées en gros morceaux : tête, tronc, pattes avant et arrières. Plus les langues et cœurs que l’on n’a pas mangés. Il me charge d’un tronc de renne dans le dos, attaché à une sangle qui fait le tour de mon front. Trop cool ! La méthode traditionnelle pour porter les rennes ! C’est finalement pas trop lourd, ni trop dégoulinant. Sandrine s’amuse à filmer et photographier toute la scène. Mais elle aussi est mise à contribution : deux pattes à porter sur l’épaule, toujours à l’aide d’une sangle, ainsi qu’une langue et un cœur. On se dit que nos vêtements risquent d’en prendre un coup, surtout que le chasseur nous installe les bêtes côté viande sur nos vêtements. « Toujours porter côté viande » est devenu notre petite phrase-blague !
Le chasseur essaie ensuite de me charger d’un deuxième tronc. Là ça fait vraiment lourd ! Je tente quand même le coup sur quelques mètres, mais lui refile la cargaison au moment de la descente. La principale difficulté est finalement venue des moustiques, en surnombre sur nous pendant tout ce temps ! L’odeur du sang, sans doute…
Au final, nous aurons ramené quatre troncs et quelques pattes, ainsi qu’une langue et un cœur. Et qu’est-ce qu’on a ri !
Une soirée mémorable, doublée d’un excellent repas et de belles rencontres !
Retour à la rivière
Pas encore remis de nos émotions de la veille, nous profitons du retour du beau temps pour aller voir le glacier situé de l’autre côté de notre fjord. Un glacier qui se jette dans l’eau, et des icebergs qui s’en échappent : le panorama a l’air extraordinaire. On en avait même eu un lointain aperçu la veille avec les rennes. Seul hic : il y a une rivière à traverser, la même où nous sommes allés pêcher la veille. On nous explique que pour passer de l’autre côté, le meilleur passage se situe probablement entre le premier et le deuxième lac traversés par la rivière. Sinon, il faut faire tout le tour et cela peut prendre 1 bonne heure de plus. Et autant au retour !
On se met donc en route avec notre tente, nos matelas, et un peu de nourriture pour tenir jusqu’au lendemain après-midi, en direction de la fameuse rivière.
Nous arrivons au bout d’une heure à un lac, comme prévu. On se dirige en amont de ce lac pour retrouver le soi-disant meilleur passage pour traverser la rivière. Manque de pot, après une heure à s’y essayer, de pierre en pierre, on se retrouve toujours coincé du même côté de la berge. Tant pis, on décide donc de faire le tour. Ce deuxième lac nous paraît immense. Et le terrain est vraiment difficile : il n’y a pas de chemin, on marche soit sur un mélange de mousses et de hautes herbes, sous lesquelles se cachent parfois des petits ruisseaux, soit à travers de petits arbustes. Très pénible ! Après deux nouvelles heures d’effort, on n’a pas encore atteint le bout du lac et ce terrain nous exténue. On se décide alors à rebrousser chemin, et voir s’il y a un meilleur passage plus en aval de la fameuse rivière. On remonte un lac, puis un second, puis on arrive à un troisième. Tiens, on nous avait pas dit qu’il y avait trois lacs ! On réalise alors que le premier lac sur lequel on est arrivé était en fait le deuxième lac dont on nous avait parlé.
Bref, on remonte tout le long de la rivière, sans jamais trouver un passage pour aller de l’autre côté. On installe donc notre camp là même où nous étions allés pêcher la veille, à seulement une heure de l’auberge. Tout ça pour ça ! Fatigués, cela commence à devenir un peu risqué de faire l’équilibriste sur des cailloux. On réessaiera de traverser le lendemain, peut-être qu’on sera plus inspiré.
Finalement, on pas plus de réussite le lendemain. Même avec des planches en bois trouvées dans le coin, mais que Benoît a rapidement laissé échapper dans le courant. On repart donc déçu à l’auberge, nous n’aurons pas vu le glacier, ni même l’autre côté de la rivière… Mais cet échec de dernière minute n’enlève rien à la magie des lieux.
Dernières heures groenlandaises
Nous avions prévu de passer notre dernière nuit à Nuuk sous la tente, comme nous avions démarré l’aventure. Mais c’était sans compter la générosité d’Akara que nous avions rencontré lors de notre fameuse soirée chez Ane-sofie. Il nous a accueilli chez lui à notre retour du fjord à 23h. Il est même venu nous chercher au port, puis a préparé du thé et des gâteaux. Et nous sommes restés plus d’une heure à discuter avec lui sur le Groenland. Et à rire. Car Akara a un sourire et une joie de vivre immenses. C’est tellement agréable.
Une dernière soirée pleine de chaleur humaine, à l’image des rencontres que nous avons faites ici.
On a été au Groenland et c’était magique !
12 août 2014 à 16:14
Merci pour ce récit complet de vos aventures au Groenland. On a l’impression de voyager à vos côtés
12 août 2014 à 17:46
Merci pour ce beau texte, que j’ai partagé sur le groupe Arctique Pratique, sur Facebook :) https://www.facebook.com/groups/364227536988071/
13 août 2014 à 04:59
Merci Steph pour les encouragements.
Merci Anick-Marie pour le partage.
L’occasion pour nous de découvrir le groupe Arctique Pratique. Tu habites toujours à Iqaluit ? On y a passé quelques jours la semaine dernière. On prépare un article sur cette intrigante ville !
22 août 2016 à 07:05
[…] communautés ont la particularité de ne pas être reliées du tout par la route. Un peu comme le Groënland ou le Nunavut. Alors pour aller de l’une à l’autre, il n’y a que l’avion […]
28 décembre 2016 à 09:38
Bonjour
Merci pour ce récit de voyage. Pourriez-vous m’indiquer ce que vous avez utilisé comme appareil pour prendre vos photos au groenland….compact, bridge……Et quelle précautions fut-il prendre (froid, humidité) ?
merci
29 décembre 2016 à 18:41
Bonjour Eloi,
Nous avions un reflex (Canon 60D) pour ce voyage. Nous étions au Groenland en été donc les températures n’étaient pas très basses. J’ai juste essayé de ranger l’appareil le plus souvent possible pour le laisser « au chaud » et préserver la batterie. Pour l’humidité j’avais de petits sachets anti-humidité dans mon sac pendant tout le voyage (ceux qu’on trouve dans les boites à chaussures par exemple). Tu peux aussi utiliser du riz dans un ziploc si tu as un petit appareil. Hormis cela je n’avais pas pris de précautions vraiment particulières pour le Groenland.
D’ailleurs je n’avais qu’une seule batterie, ce qui était suffisant car nous n’avons pas été plus de 48h sans électricité. Mais cela peut valoir le coup d’en avoir une de rechange si tu penses marcher plus longtemps et si ta batterie n’est déjà plus très en forme.
Bon voyage dans ces belles terres froides en tout cas !