Brèves Nippones #10 – Beppu, la ville qui fume

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De par sa situation sur la ceinture de feu du Pacifique, l’archipel du Japon dans son ensemble est sujet à une intense activité géothermique. Alors les sources chaudes naturelles (onsen, en japonais) ne manquent pas : on en dénombre aujourd’hui des dizaines de milliers répartis sur tout le territoire. C’est simple, il y a toujours un onsen dans ou juste à proximité de la ville où on se situe.

Mais certaines villes, comme Beppu sur la côte Est de l’île de Kyuhsu, abritent une telle concentration de sources chaudes qu’elles s’en sont fait une réputation qui va bien au-delà du Japon.

D’ailleurs, depuis les hauteurs de Beppu, le quartier de Kannawa, celui qui regroupe la plupart des onsen, est facilement identifiable à toutes les fumées blanches qui s’en dégagent. Là, on peut y essayer toute une palanquée de pratiques différentes liées à l’activité géothermale, pour le bien-être de tout le corps, des pieds à la bouche !

 

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Les jigoku, sources infernales

Les jigoku (enfer) sont des sources chaudes naturelles qui ont été plus ou moins laissées en état, c’est-à-dire non exploitées en tant que stations thermales. Ils ont été conservés ainsi notamment en raison de leur beauté naturelle, classée au patrimoine national.

La ville en compte une dizaine, regroupés sur deux-trois zones, dont l’entrée est payante (400 yens, soit 3 €, par jigoku).

Chaque jigoku a quelque chose de spécifique, que ce soit la couleur de son eau thermale (rouge, bleu ou blanc), ou la présence d’une cascade, d’un geyser… On a décidé de commencer notre visite par le chinoike jigoku, l’enfer rouge, supposé être l’un des plus beaux.

Et cette source chaude nous a, paradoxalement, bien refroidis !

 

201511 - Japon - 0638Après avoir acheté nos tickets d’entrée, on est d’abord obligés de traverser un immense magasin de souvenirs, qui vend les cochonneries que l’on trouve dans n’importe quel endroit de ce type. Super l’approche du site naturel…

Puis on débarque sur une esplanade entièrement pavée, avec des barrières métalliques entourant un bassin d’eau rougeâtre et fumante, le fameux chinoike jigoku. Devant le bassin, un gros panneau indique en japonais le nom de la source, pour que tout le monde le prenne bien en photo. Et juste à côté, on peut mettre sa tête derrière des personnages en carton pour prendre une autre photo ridicule.

 

201511 - Japon - 0634De l’autre côté, un petit chemin donne accès à un mini-bassin d’eau fraîche où nagent quelques carpes japonaises (mais que font elles ici ?), puis un peu plus haut, enfin, on arrive à un point de vue sur la source. C’est vrai qu’elle est assez jolie à regarder, mais que son environnement gâche tout ! Elle n’est pas du tout mise en valeur, il n’y a rien de naturel autour, uniquement cet espace bétonné trop petit, trop oppressant.

 

Dommage car à 150 mètres de là, il y a un autre jigoku, avec les mêmes installations autour, le même magasin de souvenirs et un autre billet d’entrée à acheter. Pourquoi ne pas avoir mutualisé les deux sites pour faire quelque chose d’agréable à visiter, avec un petit passage de simili-nature entre les deux sources ? Au lieu de cela, on a deux sources enfermées derrière des barrières métalliques, tel un zoo géologique, et deux magasins de souvenirs plus grands que les attractions elles-mêmes. Bref, une grande déception !

 

Suite à cela, on n’a même pas cherché à voir les autres jigoku. Il faut dire que certains proposent des attractions particulièrement sordides, avec des singes, des crocodiles ou des hippopotames enfermés, juste à côté d’une source naturelle chaude et fumante, si loin de leur environnement naturel. Le véritable sens du mot enfer, peut-être… En tout cas très moche !

 

 

Les bains de pied publics

201511 - Japon - 0639Finalement, la partie la moins inintéressante des jigoku est donc, peut-être, le bain de pieds. C’est une utilisation très courante des sources chaudes au Japon, que l’on avait déjà testée à Yuda Onsen, près de Yamaguchi. Ça se présente comme un petit bassin rectangulaire, d’une quinzaine de centimètres de profondeur, entouré de petits bancs en bois. Et on s’y installe pour y tremper les pieds dans une eau bien chaude. A Yuda Onsen, c’était même carrément brûlant, impossible de tenir très longtemps !

 

On peut trouver des bains de pieds publics un peu n’importe où, même en pleine ville, du moment qu’il y ait une source chaude dans le coin. Et bien sûr, ce sont des endroits très propres, élégants et fonctionnels.

A la japonaise.

 

Ce sont aussi des lieux supposés favoriser l’échange et la rencontre entre les « pédi-baigneurs ». Malheureusement, à Yuda Onsen, tous nos voisins avaient les yeux rivés sur leur téléphone, obnubilés à chatter, surfer ou regarder des vidéos.

A la japonaise.

Un peu dommage, car cela limite quand même beaucoup l’intérêt.

 

 

Les onsen en mode station thermale

Beaucoup de sources chaudes ont été aménagées par les Japonais en stations thermales, ou bains publics. Traditionnellement, avant l’arrivée massive des salles de bains dans les maisons, les Japonais allaient se laver directement dans ces stations thermales. Tous les jours.

Aujourd’hui, l’usage de s’y laver a perduré, mais si on va à l’onsen, c’est avant tout pour se détendre.

Notre première expérience de ce type s’est passée à Nagasaki, dans un établissement peu fréquenté par les touristes, mais beaucoup par les locaux. Sur les hauteurs de la ville, on peut profiter des bienfaits des sources thermales pour 800 yen (6€), un très bon prix, avec en prime une vue imprenable sur la ville.

 

Bien que les Japonais aient un caractère réservé et pudique, la nudité est de rigueur dans les onsen. Ben oui, ce sont des endroits où l’on venait avant tout pour se laver.

Toutefois, la très grande majorité des onsen sont non mixtes. Mais ça n’a pas toujours été le cas : la séparation des genres est apparue au moment où le Japon s’est ouvert au monde occidental, à la fin du XIXème siècle. Du coup, avec Sandrine, on a dû tester séparément…

 

IMG_1744Tout commence donc dans un grand vestiaire où il faut se mettre à poil, puis aller se laver. Point de grande douche commune comme à la piscine, mais des tabourets, des bassines et des flexibles de douche répartis un peu partout. Le savon, le shampoing et l’après-shampoing sont fournis, mais pas la serviette.

Une fois nettoyé et rincé, place aux bains. Il y a de nombreux bains chauds, à la température variant entre 38 et 42°C, et un bain froid à 18°C, qui paraît glacial comparé aux autres. Certains ont des jets massant, d’autres sont juste calmes et relaxants. Bassins collectifs, petites baignoires individuelles, sauna classique, bain de vapeur, il y en a pour tous les goûts. A noter également la présence d’un sauna de sel. Dans ce dernier, il faut se frotter la peau avec de gros blocs de sels puis se laisser transpirer. Voilà qui décape ! On en ressort la peau toute lisse.

 

Dans la partie extérieure du onsen, on peut jouir de la vue sur la ville et des lumières de la nuit. La musique douce invite rapidement à la détente, et l’ambiance serait presque propice à la méditation. Qu’il est apaisant d’être ainsi assis nu, dehors, dans la nuit, avec un peu d’air froid pour se rafraîchir, à observer les étoiles…

Jusqu’à découvrir la tête de Poutine sur un grand écran de télé en plein milieu de la magnifique vue sur la ville. Les infos… Puis des pubs, encore et encore. Pourquoi ????

 

Pour d’autres personnes, notamment les Japonais, le onsen est aussi un vrai lieu de rencontre et d’échange, un lieu où l’on prend le temps, où on vient entre amis, un lieu aussi où la nudité efface temporairement une partie de la pression hiérarchique de la société japonaise.

Mais la raison pour laquelle on y va importe peu. Après une bonne heure, voire une heure et demie, on en ressort toujours détendu, zen, doux et propre. L’onsen, ça fait un bien fou !

 

 

Les bains de sable chaud

Voilà une autre spécialité de Beppu, une variante aux bains chauds et de vapeur traditionnellement proposés dans les onsen. Une expérience originale qui consiste à se faire recouvrir de sable chauffé par le sol. Et puis, contrairement aux onsen, c’est quelque chose qu’on peut tester à deux, car les bains de sable chaud sont mixtes. L’établissement prête même un caleçon jetable et un kimono léger (yukata) pour se couvrir, et surtout éviter d’avoir du sable partout sur le corps. Pas bête !

 

Le bain de sable chaud se passe dans une sorte de grand bac à sable (logique !), où des râteaux plats et des petites pelles sont mis à disposition. Mais déception, car, pour une fois au Japon, il n’y a pas de personnel pour nous aider. Pourtant, on en aurait eu bien besoin. Ce n’est pas chose aisée de se recouvrir entièrement de sable sans assistance extérieure ! Et puis ce n’est pas de tout repos non plus : il faut d’abord creuser une tranchée assez profonde, large et longue, en faisant attention à ne pas reboucher la tranchée du voisin en creusant. L’effort cumulé avec la chaleur du sable fait qu’on transpire vite.

Sandrine s’allonge en premier dans sa tranchée, puis je la recouvre de sable. Un sable un peu épais, grossier et sec. Puis je m’allonge dans la mienne, et tente de m’auto-ensabler. Tout de suite, ça devient plus technique. Il faut déjà faire attention à ne pas bouger les jambes pendant l’opération, sinon le sable passe en dessous, les fait remonter, et il faut tout recommencer. Et une fois les jambes en place, j’allonge le dos, un bras le long du corps, et balance comme je peux du sable sur moi avec la pelle au bout de mon deuxième bras. Pas vraiment pratique. Et surtout : comment on ensable le deuxième bras ?

Heureusement, mon voisin, qui venait déjà d’ensabler sa femme et sa fille, n’était plus à cela près et a pu m’achever. Lui, il était bien transpirant au moment de s’allonger dans sa tranchée !

 

Quant à l’expérience du sable chaud proprement dite, et bien, elle a été mitigée. Le sable n’était finalement pas si chaud, en tout cas pas plus que nous. On n’a pas senti non plus, ou très peu, la chaleur du sol à travers le sable. En revanche, on a bien senti le poids du sable sur nous, cette sensation d’écrasement qui engourdit. Sensation renforcée par l’absolue impossibilité de bouger. C’est assez étrange, mais pas si désagréable finalement. A tel point qu’on a même dû s’endormir une demi-heure dans notre tranchée de sable, car on n’a pas vu le temps passer.

Mais bon, là aussi, on en est ressorti un peu déçu, peut-être n’avait-on pas assez creusé…

 

 

Jigoku Mushi Kobo, la cuisine vapeur

En revanche, s’il y a bien une expérience qui nous a plu à Beppu, c’est celle de la cuisine (on ne se refait pas…) à la vapeur des sources chaudes. Voilà une utilisation originale et intéressante de cette énergie géothermique.

 

En plein milieu du quartier de Kannawa, le fameux quartier qui fume à Beppu, des stands de cuisson à la vapeur ont été installés, directement au-dessus d’une source chaude. Des sets tout fait, prêts à cuire, sont vendus sur place à un prix assez cher. En revanche, il est possible de venir avec sa propre nourriture, que l’on peut acheter au supermarché du coin. Là, c’est bien moins cher et on peut manger ce qu’il nous plaît !

201511 - Japon - 0644Pour Gagou et nous, ce sera une foule de légumes (patate douce, carottes, potiron, radis japonais, champignons et aubergines), accompagnés de quelques crevettes et coquillages. Et une sauce de type mayo légère, faute d’aïoli.

 

On amène ensuite notre panier de nourriture au restaurant, qui se charge de la préparer : nettoyer, éplucher, couper les aliments à la bonne taille, et répartir en différents paniers pour optimiser les temps de cuisson : les racines en dessous, puis les légumes au milieu et enfin les fruits de mer.

Enfin, il nous faut cuire tout ça, en installant les paniers superposés au-dessus de la vapeur des sources chaudes, dans une « table de cuisson ». La vapeur fait le reste, et au bout de 7 minutes on récupère nos fruits de mer, à point, nos aubergines fondantes 8 minutes plus tard et les racines cuites encore 15 minutes après.

 

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Tout est parfaitement cuit, tendre, et c’est un régal ! C’est en plus hyper sain, car entièrement cuit à la vapeur. Avec en supplément ce petit goût très minéral, peut-être légèrement sulfuré, en tout cas très caractéristique et vraiment unique.

 

 

 

On a trouvé le concept génial et très convivial. Et bien sûr tout est très bien fait, à la japonaise comme on dit : les assiettes, les baguettes, les sauces, le doggy bag, tout est fourni !

Après ce délicieux repas, il ne nous restait plus qu’à faire notre vaisselle, à l’eau thermale bien sûr !

 

 

 



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